Deux ans d’impunité pour l’assassinat de Lokman Slim
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L'impunité règne
C’est dans les jardins de la résidence familiale à Haret Hreik, quartier de la banlieue sud de Beyrouth et bastion du Hezbollah, que se tenait ce vendredi 3 février 2023 une cérémonie à la mémoire de Lokman Slim. Lokman Slim a été assassiné il y a deux ans dans le Sud Liban. L’enquête, prise en charge localement, a fait du surplace pendant un an et demi avant d’être transférée à Beyrouth auprès du premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra, en octobre 2021. Depuis, l’enquête avance lentement, avec des auditions régulières mais sans qu’aucun acte d’accusation n’ait été porté jusqu’à présent.
Bien que l’enquête se poursuive toujours, les proches de Lokman Slim et leur avocat se font peu d’illusions sur ses débouchés. L’impunité, en matière d’assassinat politique, est malheureusement la règle au Liban. Seul le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), institué par les Nations unies, est parvenu à condamner trois individus proches du Hezbollah pour l’assassinat, le 14 février 2015, de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri. Pour autant, les personnes condamnées en leur absence n’ont jamais été arrêtées.
Le 2 février 2023, quatre experts des Nations unies dénonçaient l’absence de toute avancée dans l’enquête du meurtre de Lokman Slim, et appelaient les autorités libanaises « à donner un nouvel élan à l’enquête afin que les responsables d’un tel acte soient tenus pleinement responsables sans délai ». Mais face à l’absence de toute avancée, la famille ainsi que d’autres ONG comme Reporters sans frontière (RSF) appellent à ce qu’une enquête internationale et impartiale soit mise en place. Pour la veuve de Lokman Slim, Monika Borgmann, un mécanisme onusien du type des Commissions d’enquête et missions d’établissement des faits devrait être mise en place. Selon elle, « l'enquête de l'ONU ne remplacera pas l'investigation locale mais la complètera ». Une demande similaire a d’ailleurs été exprimée concernant l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth par plusieurs ONG et collectifs de victimes et de leurs proches.
Contexte
Le meurtre de Lokman Slim s’inscrit dans un contexte politique et économique particulièrement tendu. Six mois plus tôt, une importante quantité de nitrates d’ammonium explosait, ravageant plusieurs quartiers de Beyrouth à proximité du port de la ville. Cette catastrophe pointait du doigt l’incurie du régime oligarchique libanais dont la confiance et la crédibilité étaient déjà largement réduites. En effet, le Liban continue de s’enfoncer dans une grave crise économique et monétaire depuis plus de trois ans tandis qu’un mouvement de contestation de grande ampleur s’est déroulé entre 2019 et 2021 face à l’incompétence répétée du système politique confessionnel libanais.
De nombreuses pistes sont soulevées pour expliquer son assassinat. En janvier 2021, dans un entretien à la télévision, il dénonçait la responsabilité du régime syrien et de ses réseaux d’influence, dont le Hezbollah, dans l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Cette version a été corroboré par plusieurs enquête journalistiques. Le nitrate d’ammonium stocké aurait ainsi été destiné au régime syrien qui l’aurait certainement utilisé pour fabriquer des barils d’explosifs durant la guerre civile. Une autre piste pointait vers sa participation à une tentative d’exfiltration d’un proche du Hezbollah impliqué dans des affaires de blanchiment d’argent, prêt à dévoiler l’affaire. Deux mois avant la mort de Lokman Slim, plusieurs assassinats suspects – celle du photojournaliste Joe Bejjani, présent sur les lieux de l’explosion, et de l’officier des douanes Mounir Abou Rjeili – ont eu lieu et pourraient d’ailleurs être en lien avec l’affaire de l’explosion du port. Les enquêtes sur ces crimes n’ont elles-mêmes progressées.
L’enquête autour des responsabilités sur l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, a connu un nouveau rebondissement qui témoigne de la difficulté pour la justice libanaise de fonctionner de manière indépendante. Alors que l’enquête du juge d’instruction Tarek Bitar a vu son enquête bloquée pendant treize mois, ce dernier a décidé de la relancer le lundi 23 janvier et d'inculper des responsables politiques, de sécurité et judiciaires, dont le procureur général Ghassan Oueidate, une première dans l'histoire du pays. En représailles, ce dernier a ordonné, le mercredi 25 janvier, la libération de plusieurs suspects, dont le chef de la sécurité du port, Mohammed Ziad al-Awf qui a immédiatement fui aux États-Unis, pays dont il a la nationalité. Le procureur a également engagé des poursuites contre le juge d’instruction pour « rébellion contre la justice » et « usurpation de pouvoir », en plus de lui interdire de quitter le territoire. Pour beaucoup de victimes et leurs familles, le juge Bitar demeure le seul espoir d’obtenir justice.