Kenia Hernandez, harcelée pour son engagement
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Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale, par voie électronique au Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Qui est Kenia Hernández ?
Originaire de la communauté ñomdaa dans l'État de Guerrero, Kenia Inés Hernández Montalvan est avocate et défenseure des droits humains au Mexique. Elle est la fondatrice du collectif Zapata Vive, une association qui lutte pour le droit à la terre et résiste pacifiquement aux modèles de développement néolibéraux de l'État mexicain. Détenue arbitrairement pendant plus de deux ans dans une prison de haute sécurité, cette défenseure est poursuivie dans pas moins de dix affaires pénales en raison de son activisme.
Un des modes d’action de Kenia pour être entendue, comme pour beaucoup d’associations mexicaines, a été l’occupation des guichets de péage d’autoroute. Loin d’entraver la circulation ou de voler l’argent des automobilistes, il s’agit de les laisser passer gratuitement en les sensibilisant aux causes défendues. La forte capacité de mobilisation de Kenia et l’irritation des concessionnaires d’autoroute face à leur manque à gagner semblent avoir définitivement placé la défenseure dans le collimateur des autorités.
Réseaux politiques et économiques à l'origine de la criminalisation de Kenia
Les avocats de Kenia ont toujours estimé que la campagne de harcèlement judiciaire contre la défenseure est menée par des acteurs corporatistes et les autorités locales. Récemment, une enquête journalistique menée par Empower a pu vérifier ces présomptions. En effet, cette organisation de recherche a révélé que la société d'infrastructure Aleatica, anciennement connue sous le nom d'OHL Mexico et accusée de corruption, a bénéficié de réseaux qu'elle a réussi à tisser avec l'élite politique de l'État de Mexico pour maintenir sa position comme l'un des principaux concessionnaires du pays. Des cabinets d'avocats, des fonctionnaires et d'anciens agents publics lui ont permis d'exploiter des routes par le biais de concessions douteuses, tout en menant des poursuites judiciaires contre le droit de manifester sur la voie publique. En ce qui concerne le cas de Kenia, cette entreprise est une partie plaignante dans l'une des affaires pénales contre la défenseure, car selon deux personnes non identifiées, Kenia a commis un vol dans l'un des guichets de péage d’autoroute gérée par la société.
Le centre des droits humains Zeferino Ladrillero, partenaire de l'ACAT-France qui défend le cas de Kenia, a pu démontrer que la défenseure n'était pas sur la route ce jour-là. Cependant, la collusion entre intérêts publics et privés dans la criminalisation de la protestation sociale, dans le but de favoriser les affaires des entreprises et des concessionnaires de travaux publics, fait que Kenia est toujours maintenue en prison.
Contexte
Le cas de Kenia Hernández n’est pas un fait isolé. Au Mexique, des autorités politiques et des médias proches du pouvoir mènent régulièrement des campagnes pour discréditer et diffamer les défenseurs et défenseures des droits humains. La détention arbitraire de Kenia n'est qu'un exemple de la criminalisation de ces activistes par l'État mexicain, qui encourage la stigmatisation collective et envoie des messages d'intimidation à leur égard.
À ce sujet, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, dans l'un de ses communiqués de presse, a mentionné le cas de Kenia en soulignant qu'il s'agissait d'un exemple de criminalisation de la protestation au Mexique. Dans le même ordre d’idées, en 2022, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies ont demandé la libération immédiate de Kenia Hernández. Ils ont fait part à l'État mexicain de leur inquiétude quant à l'ouverture constante de procédures d'enquête criminelle à son encontre, dans le but de la maintenir privée de liberté. Selon les experts, cela constitue des représailles directes à ses activités légitimes en faveur de la liberté d'expression, de la liberté de réunion et d'association.
L'ancien conseiller Julio Scherer au centre de l'affaire
Selon les conclusions d'Empower, l'une des personnes impliquées dans ces résaux est Julio Scherer Ibarra, l'ancien conseiller du bureau de l'actuel président Andrés Manuel López Obrador. Cet ancien fonctionnaire serait lié à la fois aux entreprises qui ont engagé deux procédures judiciaires contre Kenia Hernández - Aleatica et COCONAL, S.A.P.I. de C.V. - et aux autorités qui ont agi pour la criminalisation de la défenseure, à savoir le Bureau du procureur général de l'État de Mexico (FGJEM) et le Secrétariat de la sécurité et de la protection des citoyens. En effet, Scherer a bénéficié financièrement de l'arrêt des poursuites judiciaires contre Aleatica, accusée d'avoir obtenu de manière irrégulière la concession d'une des routes accordées à l'entreprise. Selon le Centre des droits humains Zeferino Ladrillero, « les autorités ont été poussées par les sociétés concessionnaires à punir les protestations sociales sur leurs routes, de sorte que la criminalisation de Hernández constitue un exemple de ce que nous, les défenseurs, ne devrions pas faire »
Un changement de gouvernement, un nouvel espoir de justice
Avec le prochain changement de parti au poste de gouverneur de l'État de Mexico, il existe un grand espoir que les actions de Scherer et d'autres autorités impliquées dans cette affaire fassent l'objet d'une enquête. Ce qui arrive habituellement lors d'un changement d'administration, c'est la révision des contrats et des concessions. On s'attend donc à ce que la prochaine gouverneure, Delfina Gomez, qui prendra ses fonctions mi-septembre, révise les concessions d'Aleatica afin que le lien entre la criminalisation de Kenia et ces actes de corruption soit mis en lumière, et que cela devienne le point de départ pour la libération de la défenseure