En Chine, être homosexuel peut mener en détention
Demandons la libération immédiate et sans conditions de Wu Xianle !
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Qui est Wu Xianle ?
Wu Xianle a d’abord été commissaire politique à l’État-major de l’armée chinoise, avant d’être muté dans les années 2000 au sein d’un service du Front uni du travail, un organisme qui forme et oriente les membres importants de la société chinoise n’étant pour autant pas membres du Parti Communiste Chinois (PCC). Il a été le directeur du centre de formation de la région Nord jusqu’en 2009, période à laquelle il regagne le siège du Front Uni. Durant la présidence de Hu Jintao, prédécesseur de Xi Jinping, il a également rédigé les discours du Secrétaire du Parti communiste. Finalement, après l’accession au pouvoir de Xi Jinping, Wu Xianle est demeuré à des postes sans importance. Il s’est marié en 2014 avec un citoyen français.
Ciblé en raison de son orientation sexuelle
Wu Xianle a été ciblé par Xi Jinping pour plusieurs raisons. D’abord, dans le cadre d’une politique plus large de mainmise sur les membres du Parti. L’objectif est clair : Xi Jinping élimine ses rivaux ou ceux qui pourraient le devenir. Toutefois, selon des proches de Wu Xianle avec lesquels l’ACAT-France a pu s’entretenir, cette arrestation serait principalement due à l’orientation sexuelle de Wu Xianle. Ce motif d’arrestation est plausible, Xi Jinping ayant récemment initié une dynamique générale de répression envers la communauté LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gay, Bisexuels, Transgenres, Queers, Intersexes, Asexuels et autres) dans son ensemble.
Victime de torture et de mauvais traitements en détention
Selon des sources proches de l’entourage de Wu Xianle, il a été arrêté le 26 janvier 2021. En outre, sa fille a dû remettre les clés de leur appartement aux autorités, le temps d’une perquisition qui a duré 48 heures, à l’issue desquelles la police a emporté ordinateurs, tablettes, livres en français et en anglais. Les proches de Wu Xianle sont restés sans nouvelles de lui pendant un an jusqu’en janvier 2022, lorsqu’ils ont appris qu’il allait être jugé prochainement. Il a finalement été condamné à onze ans d’emprisonnement et 300 000 yuans d’amende. Il n’a pas pu être défendu par un avocat de son choix, et le verdict s’est fondé sur une confession probablement obtenue sous la contrainte : force est de constater que l’ensemble de ces éléments sont contraires au droit à un procès équitable.
Quant aux conditions de sa détention, celles-ci sont contraires aux standards internationaux. Il a d’abord été détenu à Pékin, puis transféré à 150 km de distance dans une cellule qu’il partage avec douze personnes. Lors d’une de ses récentes visites, sa fille a constaté que deux de ses doigts étaient cassés. Depuis, il porte une attelle mais est contraint de continuer à laver son linge à la main et à participer aux travaux de couture. En septembre 2023, le médecin de la prison a diagnostiqué un début de décollement de la rétine sur ses deux yeux. Aussi, ses proches soupçonnent des actes de torture, puisqu’il n’avait jamais rencontré de tels problèmes de santé auparavant. Il est toutefois difficile de s’en assurer : les autorités pénitentiaires supervisent et surveillent systématiquement les visites de sa fille, limitées à une trentaine de minutes par mois. Enfin, Wu Xianle ne reçoit pas les lettres que son mari lui adresse. Il peut seulement lire et répondre à celles de sa fille. L’ACAT-France rejoint les inquiétudes des proches de Wu Xianle sur son état de santé, d’autant qu’il est aujourd’hui âgé d’une cinquantaine d’années. Son époux a alerté les autorités françaises, en vain.
Contexte
Le cas de Wu Xianle s’inscrit dans une double tendance politique globale : d’une part, la multiplication des purges au sein de l’appareil étatique chinois, jusqu’au plus haut niveau. D’autre part, la répression grandissante envers les organisations soutenant les droits des personnes de la communauté LGBTQIA+.
L'administration chinoise ne protège même plus ses propres membres
Depuis deux ans, de plus en plus de membres haut-placés du PCC en sont radiés, soit qu’ils aient officié sous l’ancien président Hu Jintao – comme Xu Wianle – soit qu’ils sont perçus comme des rivaux ou rivaux potentiels. Le congrès du Parti, en octobre 2022, a bien illustré cette tendance : le président a mené une campagne anti-corruption de grande ampleur au sein du Parti, laquelle a notamment abouti au limogeage de l’ancien vice-ministre de la Sécurité publique et de l’ex-ministre de la Justice, désormais en détention. Récemment, le ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, le ministre de la Défense, Li Shangfu, ont été récemment évincés. Au même titre, l’armée compte actuellement plusieurs disparitions ou absences supposées de généraux.
C’est une tendance inquiétante : Xi Jinping poursuit ses ambitions d’asseoir sa toute-puissance, même au sein de son Parti, malgré la confiance accordée à ses collaborateurs par le passé. Ce qui présage un durcissement de la répression envers absolument tout individu perçu comme rival ou opposant potentiel. Et cela inclue les membres de la communauté LGBTQIA+, qui bénéficiaient jusqu’alors d’une relative liberté en Chine.
Le durcissement de la répression envers la communauté LGBTQIA+ en Chine
En Chine, l’homosexualité a été décriminalisée en 1997 et retirée de la liste des maladies mentales en 2001. Toutefois, cela n’est toujours pas officiellement pris en compte par la Commission nationale de la santé et de la planification familiale. Par ailleurs, la transidentité est toujours considérée comme une maladie mentale, même si les personnes trans peuvent légalement changer de genre, sous des conditions très strictes. Enfin, jusqu’à récemment, l’activisme LGBTQIA+ continuait parvenait à se maintenir et à s’organiser, malgré l’hostilité du gouvernement. Puis, le 15 mai 2023 a marqué un tournant : le célèbre centre LGBT de Pékin a soudainement été contraint de cesser ses activités et son site internet a été désactivé pour « cas de force majeure ».
Les autorités chinoises ne tiennent pas un discours ouvertement homophobe. Elles considèrent que la communauté LGBTQIA+ est une émanation de l’occident, que la protéger reviendrait à soutenir les droits de l’homme, perçus comme des concepts purement occidentaux. Cet argumentaire avait déjà été utilisé en 2021 pour justifier la fermeture de l’association LGBT Rights Advocacy China. De fait, les attaques contre la communauté LGBTQIA+ sont en recrudescence ces dernières années dans le pays et de nombreux individus témoignent même d’actes de torture subis en clinique dans le cadre de supposées « thérapies de conversion ». Les membres de cette communauté, dont Wu Xianle, sont donc dans une situation particulièrement inquiétante, sur laquelle l’ACAT-France doit rester vigilante.