Deux défenseurs des droits humains détenus arbitrairement
Mobilisons-nous pour leur libération immédiate !
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale ou par voie électronique (en pièce jointe) au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.
- Tweetez en mentionnant le compte @MinColonna, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
Au Qatar, un espace civique éteint
Cela fait déjà plus de trois mois que deux défenseurs des droits humains qataris, Abdullah Al-Mohannadi et Saud Khalifa Al-Thani, sont arbitrairement détenus par les autorités qataries, à la suite de leur arrestation le 21 juillet 2022. Un autre défenseur, Issa Mardi Al-Shammari, avait également été arrêté le même jour puis libéré le 22 septembre 2022. Selon notre partenaire Gulf Center for Human Rights, des sources locales ont confirmé qu’ils sont placés à l'isolement depuis le début de leur détention, les empêchant de contacter leur famille ou leur avocat.
Avec un autre défenseur qatari, Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani, ils avaient établi le 12 juillet 2022 la Campagne nationale pour les citoyens interdits de voyager. L’objectif de cette campagne, tel que rapporté par notre partenaire, est d’obtenir la levée des interdictions de voyager prononcées à l’encontre de plusieurs citoyens, à les réhabiliter pleinement en tant que citoyens de bonne moralité n'ayant commis aucune infraction et à obtenir une indemnisation pour tous les dommages subis par eux et leurs familles. Plusieurs actions sur les réseaux sociaux ont été entrepris pour mettre en avant les personnes victimes d’interdiction de voyager. Ces quatre défenseurs sont eux-mêmes victimes de ses interdictions de voyager depuis plusieurs années. Cette pratique d’interdiction de voyager est une technique utilisée par le régime qatari pour punir et restreindre la liberté de mouvement de certains de ses citoyens.
Alors que la Coupe du Monde de football masculin Qatar 2022 se déroulera dans moins d’un mois, ces détentions arbitraires sont l’expression d’une crispation du régime qatari qui a multiplié les attaques visant à museler l’espace civique, punissant systématiquement toute prise de position ou manifestation perçue comme critique ou nuisant à l’image du pays. Dans une communication du 20 octobre 2022, l’ACAT-France condamnait la réduction drastique de l’espace civique au Qatar avec l’approche de la Coupe du monde, et appelait à boycotter l’évènement afin de ne pas cautionner cette opération de sportswashing.
Contexte
L’attribution le 2 décembre 2010 de la Coupe du Monde de football masculin au Qatar en 2022 a entrainé de nombreuses réactions à travers le monde en raison de multiples scandales. L’un des points sombres est les conditions de travail des travailleurs migrants venus par centaines de milliers pour construire les stades et autres infrastructures prévues pour l’évènement, une situation malheureusement similaire à de nombreux autres pays de la péninsule arabique. Selon différentes sources, on compte plusieurs milliers de morts sur ces différents chantiers. L’impact environnemental de cette Coupe du Monde, avec ses stades climatisés en plein désert et ses multiples navettes aériennes avec ses pays voisins, est également un sujet de préoccupation majeur, sans parler des différents scandales financiers et de corruptions, portant notamment sur l’attribution même de la Coupe du Monde. Mais cette Coupe du Monde a également entrainé une répression croissante de toute voix dissonante, le régime craignant particulièrement que cette attention internationale puisse être utilisée par des voix critiques, réduisant à néant tout espace civique[1].
Au cours de ces trois dernières années, une multiplication des attaques par les autorités qataries à l’encontre d’individus exerçant leur liberté d’expression et leur droit à manifester pacifiquement ont été observées. Cette répression s’exerce, contre des travailleurs étrangers, mais également contre des citoyens qataris. À plusieurs occasions, des travailleurs étrangers s’exprimant sur leurs conditions de travail ou manifestant pour obtenir leurs arriérés de salaire, ont été arrêtés et détenus arbitrairement avant d’être expulsés. Également dans le viseur de la répression des autorités, des défenseurs des droits humains et des militants qataris pro-démocratie, qui ont été arrêtés et certains condamnés à de longues peines pour avoir exprimé leurs opinions sur les réseaux sociaux ou manifesté pacifiquement pour les défendre.
Beaucoup de défenseurs qataris dénoncent la pratique d’interdiction de voyager. La raison de ces interdictions ne sont généralement pas connues, et les victimes ne sont pas toujours informées de l’existence de ces interdictions à leur égard. Dans certains cas, ces interdictions ne figurent pas dans les registres ou ont fait l’objet d’une suspension judiciaire ou administrative mais continuent à être appliquées malgré tout par les autorités qataries. Dans plusieurs cas documentés, les victimes n’ont pas pu bénéficier d’un recours effectif possible. Lorsqu’il y a une décision judiciaire de suspension de l’interdiction, celle-ci n’est pas toujours appliquée par les services de sécurité. Dans d’autres situations, le tribunal se contente de vérifier que l’interdiction a bien été prise par l’autorité compétente pour des « raisons de sécurité », privant ainsi de toute recours possible les victimes de cette sanction arbitraire. Dans certains cas, on peut retrouver la marque d’une répression contre des opinions exprimées perçues comme critiques du régime. Dans d’autres cas, aucune action de ce type ne semble expliquer ces sanctions, renforçant le sentiment d’un pouvoir autoritaire, absurde et kafkaïen.
[1] Ensemble de conditions juridiques, politiques, institutionnelles et pratiques nécessaires aux acteurs de la société civile pour accéder à l’information, s’exprimer, s’associer, s’organiser et participer à la vie publique.