Tchad
Appel à mobilisation

Des militants et sympathisants du PSF détenus illégalement depuis quatre mois

Dans le contexte de l’assaut violent mené par des forces de défense et de sécurité (FDS) tchadiennes contre le siège du Parti socialiste sans frontières (PSF), à N’Djaména, le 28 février 2024, vingt-cinq militants et sympathisants de ce parti d’opposition ont été arrêtés sans base légale et sont, depuis quatre mois, emprisonnés arbitrairement dans différents lieux de détention à travers le Tchad. Ils sont privés de leurs droits à la défense.
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© Photo Nicolas lascourrèges - Montage Coralie Pouget/ACAT-France
Le 03 / 07 / 2024

Mobilisons-nous pour demander la libération des vingt-cinq militants du PSF !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale ou par voie électronique au président de la République du Tchad !

 

Qui sont les détenus ?

Ils sont vingt-cinq hommes et jeunes hommes. Le plus âgé a 48 ans, le plus jeune, 16 ans. Parmi eux, trois sont mineurs. Ce sont des militants du PSF, des sympathisants ou des proches de feu Yaya Dillo Djerou Betchi, président de ce parti d’opposition, tué par balle – possiblement exécuté sommairement – après l’attaque du siège du PSF par des éléments des FDS tchadiennes. Ils ont été arrêtés entre le 27 et le 28 février 2024.

Leurs noms : Mahamat Seby Djerou Betchi, Mahamat Abdoulaye Djerou Betchi, Abdraman Abdoulaye Djerou Betchi, Adam Amadi Djerou Betchi, Saleh Amadi Djerou Betchi, Bechir Ousman Dillo Djerou, Hassan Ali saleh Haran, Ousman Djerni Saleh Haran, Oumar Ibrahim Teoura Haran, Bokhit Abdoulaye Mongoy, Ibrahim Mahamat Chérif Tindy, Idriss Mahamat Chérif Tindy, Abdallah Bouba, Saleh Deby Itno, Mahamat Issa, Oumar Adam Charfadin Chougar, Mahamat Barkay Abdoulaye Nigue, Baradine Abakar Deribordo, Zakaria Haran Abounounou, Mahamat Saleh Abdoulaye Ali Koura, Bokhit Hissen Dabou, Tahir Hamit Ireguè, Ahmat Moussa Abakar Oroh, Abdoulaye Hamit Bahar, Abakar Al-Torabi.

Où sont-ils détenus et qu’en est-il de la procédure judiciaire à leur encontre ?

Ces vingt-cinq hommes et jeunes hommes ont été arrêtés, sans base légale, et sont jusqu’à ce jour détenus dans divers endroits, pour certains au secret notamment au sein de l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE), et pour d’autres très loin de leur famille au sein de la prison de haute sécurité de Koro Toro, située à plus de 600 kilomètres au Nord de N’Djaména. Faute de suivi médical, au moins six d’entre eux sont tombés malades. Le 18 juin 2024, le collectif des avocats de ces prisonniers a dénoncé la détention illégale de leurs clients, privés de leurs droits à la défense. « En phase d’enquête préliminaire, devant la police judiciaire, aucun des inculpés n’a été assisté par un avocat, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 50 du code de procédure pénale. L’examen des procès-verbaux ayant conduit à la saisine de l’instruction a été fait sans la présence des conseils » explique maître Allah Ramadji Nanaye. Jusqu’à ce jour, les vingt-cinq détenus n’ont pas encore été présentés devant un tribunal et n’ont toujours pas pu consulter leurs avocats. Depuis quatre mois, leurs droits à la défense sont bafoués de manière flagrante.

Contexte

Dans la nuit du 27 au 28 février 2024, des membres des forces de défense et de sécurité (FDS) tchadiennes encerclent le siège du Parti socialiste sans frontières (PSF) situé dans le quartier Klemat, dans le second arrondissement de la capitale N’Djamena. Au matin, le dispositif armé se renforce. Des bulldozers et des blindés sont déployés. La zone est quadrillée et il est impossible d’y accéder. « Ma personne est visée. Souvenez-vous, c'est à cette même date d'anniversaire du 28 février 2021 qu'ils ont fait la même chose chez moi. Nous avons fait preuve de naïveté en parlant de pardon » déclare Yaya Dillo Djerou Betchi, président du PSF au média Alwihda.

Autour de 13 heures, des éléments de la Force d’intervention rapide (FIR), garde prétorienne de Mahamat Idriss Déby Itno, lancent l’attaque et tirent, durant plus d’une heure, sur le batiment du PSF avec des armes de guerre tandis que des bulldozers rentrent en action et s’attaquent aux murs extérieurs de l’immeuble. Les services internet sont coupés dans toute la ville de N’Djamena, rendant très difficiles les communications. L’assaut militaire du siège du PSF se fait donc sans témoins.

Il faudra attendre le lendemain, pour que le procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de N'Djamena, Oumar Mahamat Kedelaye, déclare lors d’une conférence de presse que Yaya Dillo est mort, tué, selon la version officielle, lors d’un échange de tirs avec les FDS.Selon le procureur, il y aurait eu « des dizaines de blessés et de morts [et] 26 personnes [ont été] interpellées ». Le jour même, Yaya Dillo est inhumé.

Agé de 49 ans, Yaya Dillo était considéré comme un opposant au président de la transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, qui avait pris le pouvoir en violation de l’ordre constitutionnel le 21 avril 2021 après la mort de son père la veille. Yaya Dillo Djerou Betchi et Mahamat Idriss Déby Itno étaient cousins, originaires du même groupe ethnique Zaghawa. En 2004, il s’était opposé au projet de changement de Constitution devant permettre la levée de la limitation à deux mandats présidentiels et permettre à son oncle, le président Idriss Déby Itno de se maintenir au pouvoir. Il rejoint alors la rébellion tchadienne au Soudan. En 2008, il rentre au Tchad et rejoint le gouvernement après un accord avec son oncle. Il occupe alors plusieurs postes de conseiller et de ministre avant de basculer à nouveau dans l’opposition début 2021. Yaya Dillo Djerou Betchi a été tué trois ans jour pour jour après une attaque de son domicile, survenue le 28 février 2021, au cours de laquelle sa mère âgée de 80 ans avait été tuée par balles.

Le 1er mars, le siège du PSF, dont l’accès était protégé par des militaires depuis trois jours, est entièrement rasé. Le bâtiment, criblé de balles, ne pourra par conséquent jamais faire l’objet d’enquêtes. Le PSF dénonce un « assassinat ». Plusieurs photos sont publiés sur les réseaux montrant Yaya Dillo Djerou Betchi allongé, mort, avec la trace de l’impact d’une seule balle tirée dans la tête au niveau de la tempe. L’existence de cette photo contredit la version officielle d’un décès par balles lié à un échange de tirs. Le 4 mars, le premier ministre Succès Masra déclare sur RFI qu’une « enquête de type international » serait menée pour « situer les responsabilités ». Depuis lors, plus aucune information n’a été donnée sur le sujet par les autorités tchadiennes, laissant craindre que cette enquête ne voit jamais le jour à l’instar de celle promise à la suite du massacre du 20 octobre 2022 durant lequel 128 manifestants ont été tués selon la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH).

Le 25 mai 2024, au cours d’un entretien avec François Mazet, envoyé spécial de Radio France Internationale (RFI), Robert Gamb, secrétaire général du PSF, indique que le PSF n’a pas déposé de plainte pour le meurtre de leur président du fait de menaces et d’intimidations constantes. Le lendemain de cette entrevue, des hommes agressent Robert Gamb devant son domicile. Son fils s’interpose. Touché par deux coups de couteau, le secrétaire général du PSF doit se rendre à l’hôpital pour recevoir des soins de première urgence.

Le 1er juin 2024, le média Tchad One rend public un rapport d’enquête de 45 pages sur les événements du 27 et 28 février 2024, réalisé par des proches de Yaya Dillo. Selon les auteurs du rapport, Yaya Dillo aurait été « assassiné » et les principaux commanditaires seraient « le président de la transition, Mahamat Idriss Déby, le directeur de cabinet civil à la présidence, Idriss Youssouf Boy, l’aide de camp du président et commandant du FIR, Ousman Adam Dicki et le délégué général de l’ANSE, Ismail Souleymane Lony ».

Ces informations n’ont fait l’objet d’aucun commentaire ni de dénégation de la part des autorités tchadiennes. Selon les auteurs du rapport, l’armée française aurait apporté un « appui décisif » avec l’utilisation de drones pour surveiller l’attaque du siège du PSF. Cette information n’a pas fait l’objet de démentis de la part des autorités françaises.

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