Des militaires détenus arbitrairement depuis 7 ans
Ernest Nyabenda, Patrick Nsengiyumva, Cadeau Bigirumugisha et Alexis Sebahene sont des militaires de l’armée nationale, la Force de défense nationale du Burundi (FDNB). Accusés sans preuves d’être mêlés à l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana – survenu le 2 août 2015 – sur la base de leur appartenance ethnique ces militaires issus de l’ancienne armée régulière, ont été arrêtés sans aucun mandat.
Mobilisons-nous pour demander leur libération !
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-là à Evariste Ndayishimiye, président de la République du Burundi par voie postale via l'ambassade du Burundi à Paris, ou directement sur le site de l'ambassade.
- Tweetez en mentionnant le compte @GeneralNeva, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
Qui sont Ernest Nyabenda, Patrick Nsengiyumva, Cadeau Bigirumugisha et Alexis Sebahene ?
Ernest Nyabenda, 37 ans, Patrick Nsengiyumva, 39 ans, Cadeau Bigirumugisha, 41 ans, et Alexis Sebahene, 37 ans, ont été arrêtés de manière séparée, entre le 2 et le 10 août 2015, à la suite de l’assassinat, le 2 août 2015 au matin, du général Adolphe Nshimirimana – ami personnel du président burundais Pierre Nkurunziza – aux abords de Kamenge, quartier périphérique de la capitale Bujumbura. Dans les jours et semaines suivantes, le régime en place a lancé une vague de répression ciblant des militaires Tutsis et des membres de la société civile. Ces événements surviennent dans un contexte politique et sécuritaire tendu au Burundi avec une tentative déjouée de coup d’État, en mai 2015, puis de la tenue, en juillet 2015, d’une élection présidentielle fortement contestée ayant reconduit le président en place, Pierre Nkurunziza.
Les quatre militaires ont été interrogés séparément au niveau du Service national de renseignement (SNR) sans la présence d’un avocat. Alexis Sebahene a affirmé avoir été torturé durant son interrogatoire. Malgré leurs arrestations arbitraires et les violations de leurs droits durant leur garde à vue, la justice burundaise les a informé en septembre 2015 qu’ils étaient inculpés d’« assassinat » en relation avec le meurtre du général Adolphe Nshimirimana et a confirmé la validité de leur détention préventive. Ils ont été transférés, entre le 4 et le 30 septembre 2015, vers la prison de Gitega, où ils sont toujours détenus. Entre mai et juillet 2016, ils ont été présentés, sans avocats, devant le juge de fond au tribunal de grande instance de Bujumbura. Au cours des audiences suivantes, en août et octobre 2016, le ministère public n’a présenté aucun témoin à charge. Lors de l’audience du 27 décembre 2016, le ministère public a révélé que ses témoins n’avaient pas pu comparaitre faut de protection. L’affaire a alors été renvoyée. Il faudra attendre un peu moins de quatre ans pour réentendre parler de l’affaire. Le 1er mai 2020, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire indique, dans son avis n° 25/2020, que la privation de liberté d’Alexis Sebahene est arbitraire et demande au gouvernement burundais de le « libérer immédiatement ». Quatre mois plus tard, le 28 août 2020, le groupe de travail a adopté deux autres avis n° 55/2020 et n° 56/2020 indiquant les détentions d’Ernest Nyabenda, de Patrick Nsengiyumva et de Cadeau Bigirumugisha étaient arbitraires, notamment du fait qu’ils aient été ciblés car Tutsis, et que ces derniers devaient être libérés.
Le 19 octobre 2020, ils ont été condamnés à une peine de prison à perpétuité en première instance au niveau du tribunal de grande instance de Ntahangwa. Cette condamnation à perpétuité a été confirmée, le 27 décembre 2021, par la cour d’appel de Ntahangwa. En février 2022, leurs conseils ont fait appel.
Contexte
L’arrestation des militaires tutsis – Ernest Nyabenda, Patrick Nsengiyumva, Cadeau Bigirumugisha et Alexis Sebahene – est survenu dans un contexte de crise politique majeure au Burundi et de tentative de coup d’État. Quelques mois plus tôt, en avril 2015, Pierre Nkurunziza – arrivé au pouvoir en 2005 à l’issue d’accords de paix suite à une longue guerre civile – annonçait qu'ilallait se présenter à l'élection présidentielle, pour un troisième mandat consécutif. En mars 2014, il avait tenté sans succès de faire modifier la Constitution afin de supprimer la limitation des mandats présidentiels. Face à ce échec, ses conseillers avaient argumenté que le premier mandat de Pierre Nkurunziza ne comptait pas puisqu’il avait été élu de manière indirecte par le Parlement. Dès le lendemain de son annonce du 25 avril 2015, de nombreux burundais descendaient dans les rues de Bujumbura pour dire « non » au troisième mandat. La police et la milice pro-gouvernementale « Imbonerakure » – milice aux ordres du pouvoir – s’engageaient alors dans la répression.
C’était le début de nouvelles exactions : manifestants tués par balles, torturés, menacés… Tous les partis d’opposition comme la très grande majorité des organisations de la société civile appelèrent à la mobilisation citoyenne pacifique pour faire échouer cette dérive totalitaire et faire respecter les Accords d’Arusha (qui interdisent de conserver le pouvoir plus de 10 ans. Le régime s’engagea dès lors dans une politique d’affaiblissement délibéré de cette société civile. Il profita de l’échec du coup d’État du 13 mai 2015 afin de faire la chasse aux militaires dissidents et ceux suspectés de pouvoir l’être. Les militaires Tutsis issus de l’ancienne armée régulière ont particulièrement été ciblés à l’instar de l’arrestation arbitraire d’Ernest Nyabenda, de Patrick Nsengiyumva, de Cadeau Bigirumugisha et d’Alexis Sebahene pour lesquels l’ACAT-France vous demande de vous mobiliser.
En juillet 2015, Pierre Nkurunziza fût réélu dès le 1er tour avec 69 % des voix dans un climat de violences. S’ensuit plusieurs années de conflit armé interne de basse intensité et de nombreuses et régulières violations des droits humains dans le pays. Le changement de président de la République en mai 2020 – avec l’élection du candidat du pouvoir, le général Évariste Ndayishimiye, 52 ans – n’a jusqu’à ce jour pas réellement amélioré la situation des droits humains dans le pays. « La répression des opposants politiques supposés et des défenseurs des droits humains se poursuit de façon implacable, galvanisée par des discours de haine et d’incitation à la haine inter-ethnique qui contribuent à entretenir un climat de peur » indique Maître Armel Niyngere, président de l’ACAT-Burundi. Les militaires arbitrairement emprisonnés en 2015 restent maintenus en détention en violation du droit international. L’ACAT-France a choisi de se mobiliser pour ces militaires burundais car leur cas est négligé et qu’il nous semble important d’être aux côtés de toutes les victimes du régime, y compris les membres des forces de défense et de sécurité.