République Dém. du Congo
Appel à mobilisation

État de siège, arme de répression de la société civile

Trois militants de la société civile sont actuellement emprisonnés pour avoir critiqué l’état de siège en vigueur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Les autorités congolaises doivent les libérer immédiatement et sans conditions. La société civile congolaise doit pouvoir exercer son droit à la liberté d’expression en toutes circonstances.
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Mobilisons-nous auprès des autorités congolaises pour demander la libération de Jack Sinzahera, Gloire Saasita et Mwasimo Ndungo King !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale au Président de la République  Démocratique du Congo (RDC) ou  par voie électronique !

 

 

Qui sont Jack Sinzahera, Gloire Saasita et Mwasimo Ndungo King ?

Jack Sinzahera, membre du mouvement citoyen Amka Congo (« Réveille-toi Congo »), et Gloire Saasita, membre de Génération Positive, ont été arrêtés le 1er août 2024 à Goma. Les deux militants congolais venaient de participer à une conférence de presse au cours de laquelle ils avaient dénoncé l'inefficacité de l'état de siège en vigueur dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri ainsi que la persistance des violences malgré la présence militaire renforcée des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Pour avoir critiqué publiquement l'état de siège, Jack Sinzahera et Gloire Saasita ont été arrêtés et rapidement transférés, le 10 août, à la Direction Générale des Renseignements (DGR), à Kinshasa, sans avoir été présentés à un juge, ce qui constitue une violation flagrante de la loi congolaise. Leurs familles s'inquiètent pour leur sécurité.

Mwasimo Ndungo King, militant du mouvement citoyen La LUCHA, a été arrêté le 2 avril 2022 à Goma, pour avoir également critiqué cet état de siège. Il avait dénoncé sur les réseaux sociaux l'inefficacité de cette mesure visant à rétablir la sécurité et critiqué la corruption des autorités militaires locales. Il a été condamné le 6 décembre 2022 à cinq ans de servitude pénale pour "outrage à l'armée" par le tribunal militaire garnison de Goma, en vertu de l’article 87 du Code pénal militaire. Cette condamnation a été confirmée devant la cour militaire d'appel de Goma le 28 juin 2023.

Un état de siège inefficace

L’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri, instauré depuis mai 2021 par le président Félix Tshisekedi, vise à rétablir la sécurité dans l'Est de la RDC face aux activités des groupes armés. Cependant, depuis sa mise en place, ces deux provinces, désormais sous contrôle de l’armée congolaise, sont régulièrement en proie à des atteintes aux droits humains, dont des restrictions de la liberté d'expression.

La détention des trois militants congolais, qui ont osé critiquer publiquement cet état de siège à Goma, est arbitraire, car ils n’ont fait qu’exprimer des opinions critiques qui relèvent du droit à la liberté d’expression. Leur maintien en détention est perçu comme une tentative de museler les voix critiques, particulièrement celles qui remettent en question l’action des autorités militaires dans cette zone en proie à divers conflits armés et à une gouvernance et une corruption corrompue.

Contexte

L'état de siège instauré en mai 2021 par le président de la République démocratique du Congo (RDC) dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri visait à lutter contre l'insécurité croissante dans l’est du pays, en transférant la gestion civile aux autorités militaires et policières. Les principaux objectifs étaient de neutraliser les groupes armés, notamment les Forces Démocratiques Alliées (ADF en anglais Allied Democratic Forces) et le M23, tout en rétablissant la paix pour permettre le retour des populations déplacées. Le 19 septembre 2024, l’Assemblée nationale a voté, pour la 82ème fois et sans débat, en faveur de la prolongation de cet état de siège. Cependant, après plus de trois ans, l'efficacité de cette mesure est largement remise en question. Bien que certaines opérations militaires aient affaibli certains groupes armés, les violences persistent, avec des massacres de civils en hausse. Le M23 a regagné du terrain, particulièrement autour de Goma, tandis que les ADF continuent d'opérer dans la région. La présence prolongée des militaires à la tête des administrations civiles engendre des tensions avec la population, amplifiées par des accusations de corruption et de régulières violations des droits humains commises par des agents d’application des lois, des militaires et des miliciens pro-gouvernementaux qui errent armes à la main dans les centres urbains. La criminalité urbaine, notamment les vols et effractions de domiciles, a augmenté ces dernières années.

Les acteurs de la société civile et les citoyens, lassés par cette situation, demandent la fin de l'état de siège, soulignant son incapacité à garantir une sécurité durable et les impacts négatifs sur la gouvernance locale. La communauté internationale, tout en soutenant les efforts contre les groupes armés, exprime des réserves sur l'absence de résultats tangibles et le coût humanitaire élevé. La mobilisation citoyenne contre l'état de siège a donc gagné en ampleur, avec des manifestations pacifiques, des sit-in et des campagnes sur les réseaux sociaux. Malheureusement, la société civile est réprimée sur la base même de l’Ordonnance portant sur l’état de siège qui permet aux autorités militaires d’interdire des réunions considérées comme « de nature à porter atteinte à l’ordre public » et d’arrêter quiconque pour « troubles de l’ordre public » et de juger des civils par des tribunaux militaires, ce qui est contraire aux obligations internationales de la RDC d’assurer le droit à une procédure et un procès équitable.

Aujourd’hui, l'état de siège au Nord-Kivu et en Ituri semble avoir atteint ses limites, nécessitant une révision stratégique et des réformes profondes pour répondre aux besoins des populations locales et restaurer la sécurité dans l’est du pays. Mais les plus hautes autorités en place à Kinshasa continuent à fermer les yeux sur cette réalité. Ont-elles peur de froisser les autorités militaires qui ont mis main basse sur une partie des richesses naturelles du Nord-Kivu et l’Ituri ? Se sentent-elles impuissantes depuis Kinshasa à changer la donne et à entreprendre de telles réformes ?

Il est donc impératif que les autorités congolaises prennent conscience de l'urgence de la situation et agissent avec courage et détermination pour restaurer la confiance des populations et garantir un avenir pacifique et prospère pour l'Est du pays.

  • Détention