Vietnam
Appel à mobilisation

« Où est la justice ? » demande l’épouse de Y Krec Bya, arrêté pour sa religion

En avril 2023, Y Krec Bya et d’autres membres de son Église ont été arrêtés arbitrairement en raison de leurs activités religieuses. Il vient d’être lourdement condamné à 13 ans d’emprisonnement.
Template_AAM-Visuel-pageweb-4

Mobilisons-nous pour demander la libération immédiate et sans conditions de Y Krec Bya !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale ou par voie électronique à l'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Mission permanente du Viêtnam auprès des Nations unies.

Qui est Y Krec Bya ?

Y Krec Bya, chrétien, est évangéliste, de la communauté des Montagnards, ces minorités qui vivent sur les Hauts Plateaux du Viêtnam. Il a été détenu une première fois de 2005 à 2011 pour avoir milité en faveur du respect de la liberté religieuse de sa communauté, objet de graves persécutions en raison de ses activités religieuses indépendantes. Il a de nouveau été arrêté, alors qu’il célébrait les fêtes de Pâques.  

Une peine particulièrement lourde, pour l'exemple

Y Krec Bya a été condamné à 13 ans de prison pour « sabotage de l’unité nationale » au titre de l’article 116 du Code pénal vietnamien, qui punit lourdement ces infractions. La Constitution vietnamienne garantit en théorie la liberté de religion, mais force est de constater qu’en réalité celle-ci ne peut pleinement s’exercer, en particulier lorsque des Églises comme celle de Y Krec Bya ne sont pas approuvées par les autorités. Le gouvernement lui a proposé de rejoindre l’Église évangélique du Sud du pays, dûment approuvée. Il a refusé. Conséquence, il a fait l’objet d’interrogatoires répétés, d’une dénonciation publique... Sa lourde peine illustre la volonté du gouvernement d’envoyer un message clair aux communautés des Montagnards de cette région. 

La détresse de H'ik Kbuôr, son épouse, face à un procès inéquitable 

Dans une lettre ouverte diffusée sur les réseaux sociaux, H’ik Kbuôr, l’épouse de Y Krec Bya, a indiqué que, la veille de son procès, des agents de la police de la province de Dak Lak et du district de Buon Don s’étaient rendus à son domicile. Étant illétrée, elle a requis l’aide de son beau-frère pour qu’il puisse l’aider à comprendre la convocation et le procès. La police l’a interdit, imposant le secret.

Le jour même, elle a constaté que des policiers étaient présents sur les routes principales et aux domiciles de trois membres importants de l’Église de son époux, dont la présence avait été explicitement interdite : H Blap Adrong, Y Yuan Bya, Y Chih Nie.

Durant le procès, l’interprète aux côtés de H’ik Kbuôr lui a appris que son époux ne mangeait pas à sa faim en détention et qu’il n’avait pas accès à l’intégralité des fonds qu’elle lui faisait parvenir chaque mois. Et, si deux témoins ont fait valoir que son époux avait mis en place son Église pour seule intention de pratiquer librement sa religion, c’est toutefois en vain. Après trois heures et demie d’un procès expédié, Y Krec Bya a immédiatement été transféré en prison, sans avoir pu parler avec H’ik Kbuor ni leurs deux petits enfants.

L’ensemble de ces éléments sont en violation du droit à un procès équitable protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Viêtnam a pourtant ratifié depuis 1982. L’ACAT-France se mobilise aux côtés de la famille de Y Krec Bya.  

Contexte

Les Montagnards sont une minorité indigène des Hauts Plateaux du centre du Viêtnam, convertie au christianisme dans les années 50 et 60. La répression à leur encontre dure depuis des décennies, mais a récemment connu un regain avec l’arrestation de plusieurs d’entre eux. Une restriction inquiétante pour l’avenir de la liberté religieuse dans le pays.  

Les Montagnards, histoire d'une minorité chrétienne persécutée

Les Montagnards regroupent une trentaine de tribus constituant une minorité majoritairement chrétienne. Ils ont une longue histoire de conflit avec le gouvernement vietnamien : bien qu’ils aient toujours été pacifistes, les autorités n’ont eu de cesse de considérer leurs activités religieuses comme non-officielles. Se sont par la suite ajoutées des revendications d’ordre foncier : les autorités vietnamiennes ont confisqué une partie des terres agricoles et des plantations qui appartenaient aux communautés vivant dans les Hauts Plateaux du Centre du pays. Dès 1975, des églises catholiques et protestantes de la région ont été fermées et des pasteurs emprisonnés.

En 2000, un mouvement activiste politico-évangélique Montagnard a émergé et des manifestations massives ont eu lieu afin d’obtenir plus d’autonomie et d’auto-gestion dans la région. En réponse, la communauté a fait l’objet de sa première vague de répression. Depuis, celle-ci n’a jamais cessé : les autorités continuent d’accuser les Montagnards d’activités politiques subversives et ces derniers refusent de rejoindre les Églises approuvées par les autorités.  

Aujourd’hui, la population des Montagnards est estimée à environ un million dans la région des Hauts Plateaux. Au cours du temps, nombre d’entre eux se sont réfugiés hors du Viêtnam, afin de pouvoir pratiquer librement leur religion.  

Vers une restriction croissante de l'exercice de la liberté religieuse pour les chrétiens

Selon l’Index mondial de persécution des chrétiens établi par l’ONG Portes Ouvertes, le pays compte 9,6 millions de chrétiens. Selon leur analyse, « la persécution des chrétiens appartenant aux minorités ethniques s’avère particulièrement forte dans les provinces des régions des Hauts Plateaux du Nord-Ouest et du Centre ».

Ce phénomène est visible sur le seul début d’année 2024 : en février, un chrétien a été condamné à quatre ans et demi de détention pour avoir organisé des rassemblements de prières à son domicile.

En mars, un autre Montagnard, M. Y Bum Bya, a été retrouvé pendu à un arbre dans son quartier dans des circonstances inconnues, après avoir été victime de violences policières au cours d’un interrogatoire. Par la suite, Y Krec Bya a été arrêté avec huit autres membres de son Église. Aussi, les églises évangéliques vietnamiennes ont publié une lettre ouverte à ce sujet, appelant « les Nations unies et les organisations des droits de l’homme dans le monde à porter attention » à ces cas, et demande « justice pour eux et leurs familles ». L’ACAT-France porte également ces demandes.

  • Détention