Rwanda
Appel à mobilisation

Nouvelles allégations de violences en prison contre Dieudonné Niyonsenga

Le journaliste rwandais Dieudonné Niyonsenga – alias Cyuma Hassan – semble faire l’objet de violences répétées en prison ainsi que de mauvaises conditions de détention. La Cour d'appel vient pourtant de confirmer sa condamnation. Les autorités rwandaises ont l'obligation de le protéger. Mobilisons-nous !
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Mobilisons-nous pour demander le respect de l'intégrité physique et psychologique de Dieudonné Niyonsenga !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale ou par voie électronique à l'ambassadrice de l'Union européenne au Rwanda.

Qui est Dieudonné Niyonsenga ?

Dieudonné Niyonsenga est un journaliste rwandais indépendant connu sur YouTube sous le nom de Cyuma Hassan. Réputé pour sa liberté de ton et ses reportages critiques à l’endroit des autorités rwandaises, le responsable de la web-télé Ishema TV est emprisonné depuis le 11 novembre 2021 à la suite de sa condamnation en appel pour « agression, obstruction auprès d’agents des forces de l’ordre et exercice du journalisme sans carte de presse » (source RFI).

Un journaliste indépendant qui gêne les autorités rwandaises

Dieudonné Niyonsenga a commencé à faire l’objet d’une attention toute particulière de la part des autorités rwandaises lorsqu’il a affirmé publiquement en février 2020 avoir constaté des blessures sur le visage de Kizito Mihigo lors de ses funérailles, mettant ainsi à mal la version officielle du suicide en prison du célèbre chanteur rwandais et militant pour la paix. Dieudonné Niyonsenga a été arrêté le 15 avril 2020 pour « non-respect des directives de confinement liées au Covid-19 » et utilisation d’une fausse carte de presse dans le cadre d’une « vague d’arrestations et d’abus liés au confinement ». Dieudonné Niyonsenga a été maintenu presque un an en détention provisoire pour « falsification de documents, exercice illégal de la profession de journaliste et entrave à des travaux publics ». Le 12 mars 2021, le juge de première instance du tribunal intermédiaire de Gasabo à Kigali a estimé qu’aucune accusation portée contre lui n’était fondée. Il l’a acquitté de toutes les charges retenues à son encontre et a demandé à ce qu’il soit libéré immédiatement, ce qui fut fait lendemain. Mais le 11 novembre 2021, lors de son procès en appel, la Cour d’appel de Kigali l’a condamné à sept ans de prison pour « falsification de documents, exercice illégal de la profession de journaliste, entrave à des travaux  publics et humiliation d’officiels de l’État ».

De régulières violences en détention

Durant son procès en appel en novembre 2021, Dieudonné Niyonsenga a dénoncé les conditions cruelles et inhumaines de sa détention. Il a affirmé qu’il avait été détenu à isolement dans une cave et qu’il avait subi à plusieurs reprises des bastonnades. Au sein de la prison de Nyarugenge, située dans la capitale Kigali, Dieudonné Niyonsenga continuerait à subir des violences physiques selon plusieurs témoignages de personnes l’ayant rencontré, dont celui de sa sœur qui lui a rendu visite le 10 juin 2022. Dieudonné Niyonsenga lui aurait montré ses blessures et indiqué qu’il avait fait l’objet de « tortures sexuelles ». En décembre 2023 dans une interview publiée sur Internet, le père de Dieudonné Niyonsenga a exprimé son inquiétude quant à la détérioration de la santé de son fils du fait, selon lui, des actes de tortures dont il ferait l’objet. Il s’est également plaint de faire l’objet de menaces et de harcèlements dont une brève détention lorsqu’il est allé lui rendre visite en prison. À la suite d’une demande de révision de son procès, Dieudonné Niyonsenga a de nouveau comparu devant la Cour d’appel du tribunal de Kigali le 10 janvier 2024. Face au juge, le journaliste, présentant une plaie au front (source BBC News). Au bord des larmes, Dieudonné Niyonsenga a déclaré être détenu depuis près trois ans à l’isolement dans un trou humide qui se remplit souvent d’eau, sans accès à la lumière, surveillé continuellement par des militaires. Il a indiqué être battu presque quotidiennement. En raison de ses conditions de détention, il serait en train de perdre la vue et l’ouïe. Le média La Voix de l’Amérique rapporte que les blessures visibles sur son visage ont été montrées au juge. Son père a fait part de ses vives préoccupations à La voix de l’Amérique, disant craindre pour la vie de son fils « ils vont tuer mon fils à coups de bâtons ».

Violations du droit à la défense et procès non équitable

Le 10 janvier 2024, les avocats de Dieudonné Niyonsenga se sont plaints devant le juge que lors de leurs visites à leur client, ils étaient systématiquement fouillés et que les documents destinés à leur client leur étaient continuellement confisqués. Ils ont souligné que la confidentialité des entretiens avec leur client n’était jamais respectée. La Cour d’appel a répondu que Dieudonné Niyonsenga n'avait pas le droit d'accéder à ces documents. Lors de l’audience du 6 février 2024, des représentants d’ambassades étrangères, dont celles du Royaume-Uni et des États-Unis, étaient présents dans la salle, une manière de souligner l’attention internationale portée à cette affaire. Le 29 mars 2024, la Cour d’appel du tribunal de Kigali a rendu son verdict. Le tribunal a statué que l’appel du journaliste demandant une révision de son procès sur de nouvelles bases manquait de fondement.La Cour d’appel a confirmé la condamnation à sept ans de prison. Les avocats de Dieudonné Niyonsenga ont, au cours de cette dernière audience, contesté la manière dont le procès avait été tenu, notamment l’absence forcée de leur client lors de plusieurs audiences, attribuée, selon eux, à la réticence de la prison à le libérer pour assister à son procès. Le bureau du procureur a répondu que ses absences étaient volontaires.

Jusqu’à ce jour, les autorités rwandaises n’ont jamais communiqué sur les allégations de torture à l’encontre de Dieudonné Niyonsenga bien qu’elles aient été interpellées à ce sujet, notamment par l’ACAT-France en juillet 2022. Les autorités rwandaises n’ont pas respecté leur obligation d’enquêter pour établir les faits et les responsabilités éventuelles, en vertu du droit national et international relatif à la lutte contre la torture, dont la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle le Rwanda est partie depuis le 15 décembre 2008. Elles n’ont également pas veillé à garantir son intégrité physique et psychologique. La situation de Dieudonné Niyonsenga attire l’attention sur la justice et la liberté d’expression au Rwanda. Son cas symbolise les défis rencontrés par les journalistes indépendants lorsqu’ils critiquent les autorités et leurs politiques.

 

Contexte

Pratiques de la torture

Bien que le Rwanda soit partie à la Convention des Nations unies contre la torture, son usage est régulièrement dénoncé par des associations de défense des droits humains et par des victimes. Le recours aux mauvais traitements et à la torture est relativement peu répandu envers les détenus lambda retenus dans le système de détention officiel. Il touche davantage les personnes considérées comme des adversaires des autorités au pouvoir. Les personnes qui critiquent publiquement les autorités ou tiennent un discours différent de celui du parti au pouvoir (anciens membres du Front patriotique rwandais, ex-membres de forces de défense et de sécurité, journalistes, blogueurs, opposants et défenseurs des droits humains) sont réduites au silence, par des intimidations, des interpellations et parfois par des violences. Les personnes considérées comme des adversaires du régime sont systématiquement soumises à la violence en détention, notamment au sein de la prison de Nyarugenge. En 2017, le Sous-Comité des Nations unies pour la prévention de la torture a été contraint de suspendre puis d’annuler sa visite au Rwanda, invoquant l’obstruction des autorités et la crainte de représailles contre les personnes interviewées. Le dernier examen du Rwanda devant le Comité contre la torture date de décembre 2017. Le Rwanda n’a toujours pas soumis son troisième rapport périodique, attendu depuis le 6 décembre 2021,  empêchant ainsi son examen par le Comité depuis plus de deux ans.

Un pays liberticide

Au Rwanda, pays qui occupe le 131ème rang sur 180 dans le classement mondial 2023 de la liberté de la presse de Reporter sans frontières (RSF), quatre journalistes sont actuellement emprisonnés selon le Comité de protection des journalistes (CPJ) pour avoir critiqué, notamment sur YouTube, le gouvernement et/ou dénoncé des violences passées ou récentes commises par les forces de défense et de sécurité rwandaises. La plupart de ces personnes ont été condamnées à l’issue de procès politiques. Pour RSF : « Depuis sa prise de pouvoir, Paul Kagamé s’abrite derrière le souvenir du génocide de 1994, époque où les médias attisaient la haine raciale, pour justifier son contrôle sur la presse ».

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