Gabon
Appel à mobilisation

Détention arbitraire d’un leader syndicaliste

Cela fait maintenant plus de dix mois que Jean-Rémy Yama, Président de Dynamique unitaire – la plus importante coalition syndicale du Gabon – et membre actif de Tournons la Page (TLP-Gabon) est maintenu en détention provisoire à la prison centrale de Libreville pour une affaire de détournement de fonds publics. Pour ses avocats, sa détention n’a pas de justification judiciaire : il est un prisonnier politique, arbitrairement détenu.
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Mobilisons-nous pour demander la libération du leader syndicaliste !

Un leader syndicaliste maintenu en détention arbitraire depuis plus de dix mois

Jean-Rémy Yama a été arrêté à l’aéroport international de Libreville, capitale du Gabon, le 27 février 2022 alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Dakar, au Sénégal, où il devait recevoir des soins médicaux. Conduit à la Direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire – appelé « B2 » – le leader syndicaliste a ensuite été transféré vers une destination inconnue.

Le 2 mars 2022, Jean-Rémy Yama a officiellement été accusé d’escroquerie, d’abus de confiance et de détournements de fonds dans une affaire de marché public passé entre la société immobilière dont il était cogérant (SCI Serpentin) et l’État gabonais puis placé en détention provisoire à la Prison centrale de Libreville. Alors qu’il existait une Convention entre cette société et l’État, les procédures prévues n’ont pas été suivies. Au cours du même mois, il a été radié de la fonction publique, sans actes conformes aux textes en vigueur.

En raison de problèmes cardiaques, le juge d’instruction a émis le 10 juin 2022 une ordonnance de liberté provisoire, mais cette dernière a été ignorée par le Procureur de la République.

Le maintien en détention provisoire d’une personne sur une aussi longue durée – dix mois – pour une affaire de détournement de fonds publics est inhabituel selon ses avocats.

Il est à craindre que Jean-Rémy Yama fasse l’objet d’un harcèlement judicaire et ne soit détenu qu’en raison de ses activités de défense de la démocratie et de l’Etat de droit comme l’ont affirmé ses avocats lors d’une conférence publique le 17 décembre 2022 : « Lorsqu’il y a autant de volonté de ne pas respecter les règles de procédure et de fond, la personne qui est en cause est en réalité un détenu politique, au lieu d’être au cœur d’une affaire de droit commun ». Pour ses avocats, il n’existe aucune disposition du Code pénal qui justifie son maintien en détention à l’heure actuelle. « Nous les avocats, nous ne savons pas comment défendre un prisonnier politique […] Les procédures actuelles menées contre notre client ne relèvent plus du droit et revêtent plutôt un caractère d’instrumentalisation qui sort des missions fondamentales dévolues à l’autorité judiciaire ».

Depuis 2016, Dynamique unitaire et TLP-Gabon se mobilisent de manière continue et publique pour promouvoir une alternance politique démocratique au Gabon. Les actions et activités de ces organisations indépendantes sont peu appréciées par le régime en place au Gabon, dont le président en place Ali Bongo Ondimba se prépare à candidater pour un nouveau mandat présidentiel en 2023.

Contexte

Un pays contrôlé par la famille Bongo Odimba

Le Gabon est une république située dans le Golfe de Guinée, dirigée par le président Ali Bongo Ondimba, dont la famille est au pouvoir depuis 1967. Le paysage politique est dominé par le Parti démocratique gabonais (PDG), dont les membres contrôlent l’ensemble de l’appareil d’État et des institutions dans le pays y compris la Justice. Après la mort de son père Omar Bongo, Ali Bongo Ondimba est arrivé au pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle d’août 2016 entachée de nombreuses fraudes et d’irrégularités et au cours de laquelle les opposants ont été sévèrement réprimés : arrestations et détentions arbitraires, usage excessif de la force létale. Les auteurs et responsables de cette répression n’ont jamais eu à répondre de leurs actes devant la justice gabonaise à l’inverse d’opposants qui ont fait l’objet de condamnations iniques à l’issue de procès politiques où toute la responsabilité des violences leur incombait.

Détentions politiques de Jean-Rémy Yama en période électorale

Fin 2021, quatre enseignants déposent chacun plainte contre Jean-Rémy Yama qu’ils accusent d’escroquerie, d’abus de confiance et de détournements de fonds pour ne pas avoir reçu les maisons pour lesquels ils avaient investi de l’argent. Au début des années 2000, Jean-Rémy Yama était cogérant de la société immobilière SCI Serpentin qui devait construire des logements de fonction pour des enseignants. Le projet qui devait en partie être financé par l’État ne l’a finalement pas été et les logements n’ont pas pu être construits. Alors que les fonds étaient gérés par la société SCI Serpentin, les plaintes ont été déposées à l’encontre du seul Jean-Rémy Yama.

En 2015, Jean-Rémy Yama avait déjà été accusé d’avoir détourné 3 milliards de francs CFA (environ 4,5 millions d’euros) destinés à la viabilisation d’un terrain sur lequel devait être construit des logements pour des enseignants. Il avait alors été arrêté le 9 juillet 2016 et remis en liberté en octobre 2016, plusieurs mois après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle d’août 2016. L’instruction de cette affaire est toujours en cours devant la justice gabonaise sans qu’il y ait eu d’avancées notables.

Aujourd’hui, la nouvelle incarcération de Jean-Rémy Yama intervient dans un contexte préélectoral avec élection présidentielle qui devrait se tenir courant 2023 et à laquelle le Président sortant Ali Bongo Ondimba devrait être candidat.

Dans une déclaration rendue publique le 17 décembre 2022, Jean-Rémy Yama « assure être un prisonnier politique, victime d’un acharnement judiciaire sous l’instigation du pouvoir en place […] Si le pouvoir me persécute et si la persécution s’intensifie à la veille de chaque élection présidentielle, c’est à cause de mon combat, pour la défense véritable des droits de l’homme, des libertés, des intérêts des travailleurs, des retraités et des citoyens. Mon combat pour ces valeurs pendant la période électorale serait contre-productif auprès de ceux qui défendent le contraire, et veulent asservir les travailleurs, les retraités et le peuple. Je ne renoncerai jamais à mes convictions ».

Pour le leader syndicaliste, la procédure judiciaire intentée contre lui, assortie de sa radiation des effectifs de la fonction publique a pour objectif de le briser psychologiquement et financièrement dans l’espoir qu’il se repente et renonce à ses convictions. Jean-Rémy Yama vit aujourd’hui de la solidarité des Gabonais. Cette aide financière lui permet de payer les loyers de son domicile et les frais de scolarité de ses enfants.

Il est à craindre que la détention arbitraire de Jean-Rémy Yama ait pour objectif de l’empêcher de se mobiliser en faveur de l’alternance politique à l’approche de la présidentielle de 2023.

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