Décès d'Armany Mayoukou en garde à vue
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Décès d’un détenu en garde à vue sous la torture
Le 2 décembre 2022, cinq jeunes hommes (Armany Mayoukou, Jocelyn Nkassa, Habib Kinouani, Vivien Ngouama, Junior Malonga et Junior Malonga) sont arrêtés, sans mandat, par des policiers dans une buvette située sur l’avenue Simon Kimbangou dans le quartier de Makélékélé à Brazzaville. Durant trois jours, leurs familles partent à leur recherche sans succès. Il faudra attendre le 5 décembre pour que les parents d’Armany Mayoukou soient informés par un policier, qui préfère garder son anonymat, du décès de leur fils au sein du commissariat central de Mfoa dans la nuit du 4 au 5 décembre. Sur place, ils se heurtent à un mur de silence de la part des policiers. Grâce à des connaissances bien placées, ils finissent par savoir que le corps d’Armany se trouve à la morgue du centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU-B) après avoir été déposé aux environs de 1h du matin, le 5 décembre. À la morgue, ils réussissent à voir son corps. Ce dernier présente des traces de violence avec des plaies visibles au niveau des poignets, de la tête, des bras et des pieds. Le 9 décembre, la famille Mayoukou porte plainte.
L’association de défense des droits humains Centre d’actions pour le développement (CAD), qui a alerté l’ACAT-France de cette affaire, a pu échanger avec un frère de la victime et ce dernier leur a indiqué : « Nous voulons savoir ce qui a bien pu tuer [Armany]. Nous avons saisi l’Inspection générale des forces de police et le tribunal de grande instance de Brazzaville pour [établir la vérité] ».
La nouvelle du décès d’Armany Mayoukou a permis de retrouver les quatre autres jeunes hommes, portés disparus depuis le 2 décembre. Ils sont détenus au sein du commissariat central de Mfoa dans des conditions difficiles. Alors que la durée légale de la garde à vue en République du Congo est de 72 heures, cela fait plus de 40 jours qu’ils sont maintenus illégalement en garde à vue, sans aucune explication.
Le 6 décembre, une équipe du CAD a pu leur rendre visite et s’enquérir de leur condition de détention : « Ils sont détenus dans des conditions inhumaines et humiliantes. Ils mangent difficilement, dorment à même le sol, dans une cellule insalubre, cohabitent avec des insectes et font leurs besoins ensemble dans des objets de fortune. Ils n’ont pas accès à l’eau potable de façon normale et ne se lavent presque pas ».
Contexte
Depuis mai 2017 et la déclaration du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brazzaville affirmant que « les bébés noirs [terme désignant les gangs d’adolescents violents] sont des terroristes. Nous allons combattre et nous allons les mettre hors d’état de nuire », la lutte contre la criminalité et le banditisme en République du Congo se fait au détriment du droit et les exactions contre les jeunes hommes se multiplient à Brazzaville et Pointe-Noire : exécutions sommaires, disparitions forcées, tortures, arrestations arbitraires… Des associations congolaises alertent depuis plusieurs années sur la dérive répressive des forces de l’ordre. En juillet 2018, une vingtaine de jeunes hommes sont arrêtés par la police dans les quartiers nord de Brazzaville. Treize d’entre eux décèdent dans la nuit du 22 au 23 juillet au commissariat de Chacona suite à des actes de torture. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent régulièrement des exactions commises par des forces de l’ordre. Une vidéo publiée le 16 avril 2021 sur Facebook montre deux jeunes hommes, soupçonnés d’appartenance à un groupe de « bébés noirs » se faire rouer de coups sauvagement par des hommes en tenue militaire dans la cour d’un lycée dans la ville de Gamboma. Le 29 septembre 2021, des images montrent des hommes en tenue militaire achever par balles un jeune homme au sol à Pointe Noire au niveau de l'école appelée Balou Costant dans le quartier Loandjili. En janvier 2022, une terrible vidéo de plus de cinq minutes, montrant en plein jour des policiers frapper les jambes de trois jeunes hommes avec un gros marteau, fait le tour des réseaux sociaux et créé un grand émoi auprès des Congolais. Cette vidéo, tournée sous le viaduc reliant Brazzaville à sa banlieue nord, gêne fortement les autorités congolaises et les obligent à agir : le 6 janvier, le procureur de la République ordonne le placement en détention de quatre policiers et trois civils pour « crime flagrant, association de malfaiteurs, coups et blessures volontaires » (article 55 du code de procédure pénale). Quelques mois auparavant, le Centre d’actions pour le développement (CAD) affirmait dans un rapport que les exemples de violences des forces de l’ordre à l’encontre de jeunes hommes soupçonnés d’appartenance à un groupe de « bébés noirs » étaient nombreux : « des vidéos, dont certaines devenues virales sur internet, montrent des faits d’exécutions sommaires, de torture et de mauvais traitements dans plusieurs lieux du pays, sans que cela ne suscite l’indignation des autorités. Les auteurs ne sont jamais inquiétés […] au nom de la lutte contre le banditisme, la police congolaise disposerait du permis de tuer ». Hormis quelques affaires largement médiatisées sur les réseaux sociaux qui oblige la justice à se saisir de ces cas de violences, les autorités congolaises laissent majoritairement les forces de l’ordre agir en dehors de la loi dans leur lutte contre la criminalité et le banditisme. En laissant les forces de l’ordre agir de la sorte en toute impunité, les autorités congolaises se rendent auteurs de violations.