Appel à mobilisation

De défenseurs des droits à victimes : le temps des procès injustes

Les procès pour subversion du pouvoir de l’État de Li Qiaochu, Huang Xueqin et Wang Jianbing, trois activistes chinois médiatisés, ont récemment eu lieu dans des conditions inéquitables.
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Mobilisons-nous pour demander la libération immédiate de Li Qiaochu, Huang Xueqin et Wang Jianbing !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale au ministère de la Justice.

Qui sont Li Qiaochu, Huang Xueqin et Wang Jianbing ?

Li Qiaochu a milité pour les droits des femmes et des travailleurs, ainsi que pour les campagnes #MeToo en Chine. Quant à Huang Xueqin, elle a notamment couvert en tant que journaliste les sujets des droits des femmes, des scandales de corruption et des communautés marginalisées. Elle s’est également mobilisée en faveur des victimes qui se sont exprimées dans le cadre du mouvement #MeToo. Enfin, Wang Jianbing a publiquement soutenu des victimes de maladies professionnelles. En raison de leurs combats, ils ont tous les trois été arrêtés, d’abord en février 2021 pour Li Qiaochu et sept mois plus tard pour Huang Xueqin et Wang Jianbing. L’ACAT-France est mobilisée pour obtenir leur libération. Depuis les derniers appels à mobilisation les concernant, leurs procès ont eu lieu, dans des conditions contraires au droit international.  

Des procès perdus d'avance

Ces trois activistes ont été jugés à l’issue de procédures iniques, entâchées d’entraves aux droits de la défense. En effet, concernant Li Qiaochu, sa mise en examen n’a été officiellement prononcée par le parquet municipal de Liniy que le 28 février 2022, plus d’un an après son arrestation. Puis, ce n’est que le 18 juin 2023 que l’un de ses avocats a eu connaissance de la date de tenue de l’audience à huis clos, deux jours plus tard, dans des délais ne permettant pas d’assurer pleinement une défense satisfaisante. Finalement, le jour même, l’un de ses avocats s’est vu refuser l’entrée dans la salle d’audience et l’autre n’a pas été autorisé à convoquer des témoins ni à présenter d’éléments de preuve, ce qui est en violation du droit à un procès équitable protégé par le Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) que la Chine a signé mais pas ratifié. Ainsi, en signe de protestation, Li Qiaochu et son avocat ont quitté la salle d’audience. Aujourd’hui, elle n’est plus autorisée à rencontrer ses avocats, qui ont été révoqués. Sa situation demeure inconnue et il semble que son procès est toujours suspendu à la désignation de nouveaux conseils pour sa défense.

Huang Xueqin a été privée de l’avocate de son choix et de tout recours à une aide juridique durant plusieurs mois après son arrestation et jusqu’à une date proche de son procès. Quant à Wang Jianbing, il n’a pu rentrer en contact avec son avocat qu’un an après son arrestation. Ils ont finalement été jugés ensemble le 22 septembre 2023 par le tribunal intermédiaire de Guangzhou, dans la province de Guangdong. En conclusion de leur procès, Huang Xueqin a déclaré que « tout ce que je fais ne vise pas à susciter la subversion du pouvoir de l’État, mais plutôt l’espoir que les conditions sociales et le pays peuvent être améliorés ». Dans la même lignée, Wang Jianbing a affirmé : « mon activisme n’incite pas à la subversion. Ce qui me préoccupe, c’est les enjeux sociaux qui touchent les travailleurs migrants avec des maladies professionnelles ». Des paroles vaines, considérant que leur cause n’a pas été équitablement entendue.  

À ce jour, aucune des peines prononcées n'est connue : en Chine, non seulement les procès se tiennent au secret, mais les verdicts ne sont rendus publics que plusieurs mois voire années après. Cette pratique place l’entourage dans l’attente et les victimes dans des situations incertaines. Or, selon les informations disponibles, la santé de ces trois activistes continue de se dégrader en raison de leurs conditions de détention. Aussi, l’ACAT-France reste mobilisée pour obtenir leur libération immédiate.  

Contexte

En Chine, le système judiciaire est dirigé par le Parti Communiste Chinois (PCC). Il est composé de juges et procureurs eux-mêmes membres du Parti. Dans ce cadre, la problématique de l’indépendance de la justice apparaît clairement. Se pose également la question cruciale du rôle de l'avocat dans ce système: peut-il encore assurer les droits de la défense de manière impartiale, afin de respecter le droit à un procès équitable ? Dans les faits, on observe des obstacles croissants à l’exercice de cette profession.  

L’indépendance de la justice, une valeur occidentale méprisée

Selon le site de l’ambassade de Chine en France, « la Cour Populaire Suprême est l'organe judiciare suprême. Elle est responsable devant l’Assemblée Populaire Nationale et son Comité permanent, et leur rapporte son travail. Elle exerce légitimement et indépendamment le pouvoir suprême de jugement ». Or, cela semble contradictoire avec les dernières informations disponibles sur le taux de condamnation en Chine, lequel était de quasiment 100 % en 2018 et 2019 (il n’existe pas de données récentes disponibles).  

En réalité, depuis la fin du mois de février 2023, les professeurs de droit chinois ont reçu une directive claire et explicite des plus hautes autorités du PCC et de l’État de former les juristes et futurs avocats du pays à se libérer du « point de vue erroné de l’indépendance de la justice » et de les encourager à « s’opposer au point de vue occidental du constitutionnalisme ». Cette directive s’inscrit dans la lignée initiée par Xi Jinping dès sa prise de pouvoir en 2013, selon laquelle seule vaut la voix du Parti. Une politique qui contredit directement les engagements pris par la Chine en matière de justice, non seulement vis-à-vis des Nations unies, en particulier lors du dernier Examen périodique universel (EPU) du pays, mais également de son narratif à ce sujet. En effet, le ministère des affaires étrangères chinois affirme régulièrement que le pays entend faire rayonner les valeurs de justice et d’équité dans le monde.  

Le système judiciaire chinois, une implacable machine à torturer

Depuis la condamnation arbitraire d’un individu pour des motifs vagues jusqu’à sa détention dans des conditions opaques mettant en péril sa santé en passant par un procès tenu au secret dont l’issue est quasiment certaine d’être une condamnation, il apparaît que, une fois ciblé par le système judiciaire chinois, un individu n’a quasiment aucune possibilité d’en ressortir libre. Or, l’opacité et l’arbitraire exposent davantage les individus ciblés à de la torture et des mauvais traitements. 

Le 6 octobre 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a remis en question les garanties de protection des droits de l’homme en matière judiciaire en Chine et a constaté que « les signalements crédibles et constants d’un recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention et établissements pénitentiaires chinois peuvent être considérés comme révélateurs de l’existence d’une situation générale de violence » pour refuser l’extradition vers la Chine d’un citoyen chinois arrêté en Pologne. Aussi, il apparaît que la lutte contre la torture et les mauvais traitements en Chine est nécessairement liée à une réforme du système judiciaire du pays, conformément aux standards internationaux des droits humains sur le procès équitable.