Rwanda
Appel à mobilisation

Allégations de torture sur un activiste rwandais

Aimable Karasira a déclaré, le 30 mai 2022, devant la justice rwandaise qu’il a fait l’objet de tortures au sein de la prison de Nyarugenge. Il a également indiqué que d’autres détenus considérés comme dissidents faisaient l’objet d’un tel traitement de la part des autorités pénitentiaires. Face à de telles allégations, l’Union européenne et la France doivent se saisir de sa situation et veiller à ce que les autorités rwandaises respectent le droit.
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Mobilisons-nous pour que les autorités européennes se saisissent de sa situation !

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Qui est Aimable Karasira ?

Aimable Karasira, 41 ans, est un ancien enseignant en technologie de l’information et de la communication à l’Université du Rwanda, dont plusieurs interviews vidéos postées sur YouTube – notamment sur sa chaîne appelée « Ukuri Mbona » la vérité que je vois » en kinyarwanda) – ont critiqué les autorités rwandaises sur divers sujets, notamment les crimes perpétrés par les soldats du Front patriotique rwandais (FPR).

Après plusieurs mois de harcèlement visant à le faire taire, il a finalement été arrêté le 31 mai 2021 et mis en examen pour « négation et justification du génocide » et pour « divisionnisme ».  

Au Rwanda, les lois sur « l’idéologie du génocide » – destinées à prévenir et à sanctionner les discours de haine – sont régulièrement instrumentalités par les autorités en place afin de réduire au silence ceux – y compris les survivants du génocide de 1994 comme c’est le cas d’Aimable Karasira – qui souhaitent évoquer les crimes commis par le FPR ou remettre en cause le discours officiel sur le génocide.

Face aux allégations de tortures à l’encontre d’Aimable Karasira, l’ACAT‑France considère que l’Union européenne et la France ne peuvent pas garder le silence sur des faits qui, si avérés, violent les valeurs et principes de coopération qui régissent nos relations avec le Rwanda et ses autorités en place.

Contexte

Au moins deux journalistes, trois commentateurs et seize militants de l’opposition sont actuellement emprisonnés au Rwanda pour avoir dénoncé les abus récents commis par les forces de défense et de sécurité rwandaises ou pour avoir critiqué le Front patriotique rwandais (FPR) et son bilan en matière de droits humains. La plupart de ces personnes ont été condamnées à l’issue de procès politiques. Celui d’Aimable Karasira est en cours.

Aimable Karasira, un militant harcelé pour sa liberté d’expression

Avant d’être arrêté le 31 mai 2021, Aimable Karasira a fait l’objet d’un harcèlement continue pour avoir posté sur YouTube des vidéos critiques, évoquant l’histoire de sa famille et le génocide. En juillet 2020, le ministre rwandais de la Culture et de la Jeunesse, Édouard Bamporiki, s’en est pris directement à lui sur les réseaux sociaux en affirmant qu’il ne devait plus être autorisé à enseigner. Le 14 août 2020, Aimable Karasira a été congédié de l’Université du Rwanda pour « indiscipline ». En septembre 2020, la police l’a menacé de l'arrêter et de le poursuivre après l'interview qu’il a fait de Fred Barafinda Sekikubo, un ancien candidat à la présidence également critique du gouvernement. Le 8 décembre 2020, Aimable Karasira a été convoqué dans les locaux de l’Office rwandais d'investigation (Rwanda Investigation Bureau, RIB) – organisme chargé de l'application de la loi – où il lui a été intimé l’ordre d’arrêter de parler du génocide. Le 30 mai, la veille de son arrestation, Aimable Karasira a publié une vidéo sur sa chaîne YouTube dans laquelle il donnait des détails sur l’histoire de sa famille, affirmant que sa mère aurait été tuée par le FPR en 1994 après le génocide parce qu’elle avait été témoin de leurs crimes. N’arrivant pas le faire taire, il a été arrêté.

Un procès politique contre Aimable Karasira

Le 27 juillet 2021, lors de son audience préliminaire, l’accusation a fait référence à l’une de ses interviews pour étayer ses accusations de « négation et justification du génocide, et de divisionnisme » en citant des extraits d’un entretien datant du 23 mai 2021 avec la journaliste Agnès Nkusi Uwimana. L’accusation a soutenu que sa déclaration selon laquelle la destruction de l’avion du Président Juvénal Habyarimana en avril 1994, « avait été le point de départ du génocide », constituait une négation du génocide et que ses propos selon lesquels le FPR avait attaqué le Rwanda avant le génocide constituait une justification du génocide. Le 16 février, l’avocat d’Aimable Karasira a déclaré au tribunal que des gardiens de la prison avaient intercepté des communications couvertes par le secret professionnel entre lui et son client. Le 30 mai, Aimable Karasira a indiqué au tribunal que les gardiens de prison l’avaient empêché d’accéder aux documents nécessaires à la préparation de son procès : « Lorsque je rencontre mon avocat, les agents de la prison prennent des photos de mes documents et refusent de me donner certains documents en prétextant qu’ils ne sont pas liés à mon procès ». S'il est reconnu coupable, Aimable Karasira encourt entre 10 et 25 ans de prison.

Allégations de torture sur Aimable Karasira

Le 30 mai 2022, Aimable Karasira a déclaré au tribunal que les autorités de la prison de Nyarugenge l’avaient torturé.  Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube, la journaliste Agnès Uwimana Nkusi, a expliqué que, lors de sa visite à la prison le 29 avril 2022 pour voir Aimable Karasira, ce dernier lui avait indiqué qu’il était brimé. Aimable Karasira a désigné au tribunal les autorités pénitentiaires qui seraient responsables de ces abus. Jusqu’à ce jour, les juges n’ont pas ordonné d’enquête crédible et transparente sur ces allégations.

Pour aller plus loin :

> « Appel aux dirigeants du Commonwealth à défendre les droits des Rwandais », lettre conjointe de 24 ONG dont l’ACAT‑France

> Portrait d’Aimable Karasira, par le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, CPJ)

> Analyse de la situation d’Aimable Karasira, par Human Rights Watch (HRW)

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