Guinée équatoriale
Fiche publiée en 2010
Contexte
L’actuel président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, accède au pouvoir en 1979 en renversant son oncle, Francisco Macias Nguema, grâce à un coup d’État. En dépit de l’ouverture du pays au multipartisme en 1992, Teodoro Obiang Nguema et son parti, le PDGE (Parti démocratique de la Guinée équatoriale), dirigent toujours le pays d’une main de fer. Le président a été reconduit dans ses fonctions le 29 novembre 2009 avec 95,1 % des voix, pour une durée de sept ans. La présence de pétrole au large des côtes équato-guinéennes (la Guinée équatoriale est le troisième producteur de pétrole brut d’Afrique subsaharienne) et la problématique du respect des droits de l’homme sont étroitement liées : le président et son cercle familial s’enrichissent aux dépens de la population en s’emparant de toutes les ressources du pays et en établissant un pouvoir dictatorial et népotique brimant toute contestation de leur mainmise économique et politique.
Les diverses tentatives de coup d’État contre Nguema ont entraîné un durcissement du régime envers ses opposants et une régression significative en matière de libertés publiques : les personnes perçues comme une menace pour le régime sont ainsi victimes de détentions arbitraires, d’intimidations et de condamnations à des peines de prison à la suite de procès iniques, ce qui pousse nombre d’opposants à fuir le pays. En dépit de la loi n° 6/2006 sur la prévention et la sanction de la torture14 et de la ratification de plusieurs conventions internationales interdisant expressément l’usage de la torture, telles que la Convention des Nations unies contre la torture, l’impunité est quasi totale pour les tortionnaires. Aucun rapport de suivi n’a, à ce jour, été présenté par la Guinée équatoriale au Comité contre la torture, alors que deux rapports étaient attendus en 2003 et en 2007. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, qui a effectué une visite en Guinée équatoriale en novembre 2008, qualifie la torture de « systématique envers tous ceux qui refusent de coopérer ».
Victimes
Les premières victimes de la torture en Guinée équatoriale sont les opposants politiques, notamment les membres de partis d’opposition tels que le Parti du progrès de Guinée équatoriale (PPGE, interdit), l’Union populaire (UP) ou la Force démocrate républicaine (FDR), ainsi que d’anciens militaires accusés de fomenter des coups d’État. Sont également visés les ressortissants équato-guinéens ayant émigré à l’étranger qui, de retour dans leur pays, sont considérés comme des opposants, et les réfugiés et demandeurs d’asile ayant fui vers les États voisins (Nigeria, Gabon, Cameroun), enlevés, puis remis aux services de renseignement de Guinée équatoriale. Les travailleurs africains résidant de façon irrégulière en Guinée équatoriale (Camerounais, Nigérians) sont aussi victimes de torture.
En 2009, l’ACAT-France est intervenue en faveur de plusieurs détenus torturés. Parmi eux, Marcelino Nguemo Esono et Santiago Asumu, membres de l’UP, ont été arrêtés en mars 2009, puis détenus sans inculpation avec sept autres de leurs camarades. Ils ont été torturés lors de leur détention au commissariat de Bata. Gerardo Angue Mangue, Bonifacio Nguema Ndong, Cruz Obiang Ebele, Juan Ecomo Ndong, Emiliano Esono Micha et Gumersindo Ramirez Faustino ont été arrêtés arbitrairement par les forces de sécurité en mars et avril 2008 pour leur appartenance passée au PPGE, un parti très critique envers le pouvoir en place. Ils ont été détenus au secret pendant plus d’un an avant d’être jugés et condamnés en juin 2009, à la suite d’un procès non conforme aux normes internationales d’équité, pour détention illicite d’armes et de munitions. Plusieurs d’entre eux ont été torturés (coups, décharges électriques et suspension au plafond), afin de les contraindre à signer des aveux. En décembre 2009, ils étaient toujours détenus au secret à la prison de Black Beach à Malabo et n’étaient autorisés à recevoir de visites ni de leur famille, ni de leurs avocats. Epifanio Pascual Nguema Alogo, charpentier de profession, a été arrêté en février 2009 dans un bar situé en face de son atelier, et torturé pendant la nuit du 2 mars au poste de police central de Bata, pour avoir déclaré que l’obstacle auquel se heurtait la Guinée équatoriale s’appelait Obiang Nguema.
Tortionnaires et objectifs
Les tortionnaires sont pour la plupart des policiers, des gardiens de prison et, dans une moindre mesure, des gendarmes. Bien que le degré d’implication de l’armée équato-guinéenne dans des crimes de torture demeure largement méconnu du fait des restrictions d’accès dans les centres de détention, de fortes présomptions pèsent néanmoins sur les soldats. Au stade de la garde à vue, l’obtention d’aveux ou, à tout le moins, de renseignements est l’objectif principal des tortionnaires. En prison, la torture est infligée comme punition.
Bien que les tortionnaires soient connus des autorités au pouvoir, ils agissent en toute impunité. Certains hauts gradés de la police, identifiés par les associations de défense des droits de l’homme pour avoir régulièrement eu recours à la torture, poursuivent ainsi tranquillement leur carrière professionnelle. Le seul cas connu ayant débouché sur une peine est celui d’une femme officier de police condamnée en février 2008 à sept mois d’emprisonnement par un tribunal militaire. Un détenu était mort en septembre 2007 des suites des tortures infligées par quatre agents agissant sous ses ordres.
Méthodes et lieux de torture
Le tabassage ciblé au niveau des reins, des pieds ou des fesses est la principale méthode de torture utilisée. Les autres méthodes recensées sont la suspension (par les mains, par les pieds) accompagnée de coups, le waterboarding avec suspension de la victime, les brûlures de cigarettes, les chocs électriques par câbles, l’enchaînement permanent par des entraves aux pieds et aux poignets.
La prison de Black Beach, située à Malabo, est tristement célèbre pour les sévices qui y sont infligés. La prison centrale de Bata concentre le plus grand nombre de cas avérés de torture. Ces deux prisons, les plus grandes du pays, se situent à l’intérieur de casernes militaires, ce qui réduit fortement les possibilités de visite aux détenus. Les postes de police de Malabo et de Bata sont également connus pour être des centres de torture.
Conditions de détention
La Guinée équatoriale est composée d’une île principale (Bioko) au large du Cameroun et d’un territoire continental au sud, ce qui facilite l’incarcération des détenus dans des lieux éloignés de leur village et d’accès difficile pour leur famille. Du fait de l’absence de séparation entre hommes et femmes, ces dernières sont la proie de violences sexuelles et de viols pendant leur séjour en prison. Les enfants sont incarcérés dans les mêmes structures que les adultes, ce qui constitue une violation de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Comme l’a relevé le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, les cellules des postes de police ou de gendarmerie sont généralement en piteux état. Sales, sombres, elles sont dépourvues d’installations sanitaires et de lits. L’accès à l’eau (pour boire et se laver) est restreint dans les prisons et la nourriture est uniquement fournie par les familles autorisées à visiter leurs proches, lorsqu’elles sont en mesure de le faire. L’accès aux soins médicaux est limité, voire inexistant, dans les prisons de Bata et Evinayong. Le rapporteur spécial a ajouté que « les cas les plus sérieux restent généralement non traités si le détenu ne peut pas se permettre les frais du traitement. » Malgré des améliorations concernant certaines infrastructures, le rapporteur spécial a déploré le refus opposé par les autorités à sa demande de visite de deux camps militaires de détention (Cogo et Mané Ela), trois postes de police (Malabo, Bata et Cogo) et une gendarmerie (Cogo).
Les nombreux cas de détentions arbitraires et de détentions prolongées indéfiniment sont de nature politique. L’organisation judiciaire comprend un important volet militaire régi par un code spécifique beaucoup plus rigoureux que le code de procédure pénale. Les textes juridiques en vigueur datent de l’époque coloniale espagnole et sont aujourd’hui bien évidemment incompatibles avec les normes juridiques internationales.