Demander l’asile, c’est chercher refuge, c’est demander à être protégé contre un danger. Aujourd’hui, et plus juridiquement, cela concerne une personne qui a quitté son pays et qui demande protection contre des persécutions ou des mauvais traitements dans le pays d’origine, en ayant la possibilité de s’ « abriter », de rester légalement dans le pays de destination.
Dans la tradition chrétienne, la notion d’asile existait déjà. Tout homme persécuté ou poursuivi pouvait trouver refuge au sein des églises et ainsi être protégé des attaques et menaces extérieures. Au delà de son fondement religieux, le droit d’asile recouvre aujourd’hui des concepts juridiques précis en droit international comme en droit français. Ainsi, l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme contient cette déclaration d’intention : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ».
Émue par le sort des dizaines de millions de civils innocents victimes de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale a décidé de faire de la protection des personnes risquant les persécutions un devoir. En 1951, la Convention internationale relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, a créé une obligation pour les États signataires de protéger les personnes qui correspondaient à la définition donnée d’un « réfugié ». En France, la procédure du droit d’asile est codifiée dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Le mot réfugié a plusieurs acceptions : il peut désigner, au sens très large, une personne qui « se réfugie » (ex : « Je me suis réfugié chez mes parents, car ma maison était inondée »), ou une personne qui a fui la guerre, ou, plus techniquement, une personne reconnue réfugiée au sens de la Convention de Genève de 1951.
L’article 1 A2 de la Convention de Genève définit le « réfugié » comme : « Toute personne, qui, craignant avec raison d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve en dehors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays... ».
Un réfugié est donc celui qui est persécuté, en raison de ses opinions politiques, mais aussi en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, ou du seul fait que son comportement est socialement réprimé dans son pays (c’est par exemple le cas des homosexuels dans les pays où l’homosexualité est interdite, ou des femmes refusant de se soumettre à un mariage forcé).
Le statut de réfugié est lié au vécu personnel de la personne, et au fait qu’elle est personnellement menacée, pour des raisons individuelles. On ne peut donc pas dire à l’avance qui sera ou ne sera pas réfugié. Il faut écouter et examiner chaque histoire individuelle.
Dans d’autres cas, une personne peut être protégée sans que la menace (ou l'absence de protection) ne provienne nécessairement d’autorités étatiques ou de détenteurs du pouvoir local, si elle risque la torture ou la peine de mort, ou si son intégrité physique est gravement en danger, notamment si son pays ou sa région d’origine connaissent une situation de conflit armé ou de violence généralisée telle que sa vie en serait en danger. En France, on appelle cette protection la « protection subsidiaire ». L’idée derrière cette protection est que les personnes pourront un jour rentrer chez elles quand la violence aura cessé.
Juridiquement, les personnes arrivant aux portes de l’Europe ou désireuses d’y entrer n’ont pas encore obtenu la reconnaissance du statut de réfugié. « Demandeur d’asile » désigne une personne qui a exprimé, de quelque manière que ce soit, le souhait d’être protégée contre des dangers ou des persécutions dans son pays d’origine ou de provenance. Plus techniquement, les termes « demandeur d’asile » désignent une personne qui a déjà formellement déposé une demande d’asile auprès d’une administration.
Si une personne veut demander l’asile, on doit la désigner comme un demandeur d’asile et lui accorder les droits et les garanties correspondantes, dès la première expression de son souhait de demander l’asile. Les migrants et les potentiels demandeurs d’asile ont des droits au regard de la Convention de Genève de 1951, puisque celle-ci les protège contre le refoulement. Il est interdit de « refouler », c’est à dire de « repousser » une personne qui souhaite demander l’asile sans avoir enregistré et examiné individuellement sa demande.
Pour être protégé, il faut pouvoir convaincre qu’on a de bonnes raisons d’avoir peur, que l’on « craint avec raison » d’être persécuté ou de subir des violations graves des droits de l’homme. Or, pour avoir une chance d’être cru, il faut avoir les moyens de se faire comprendre.
Le droit d’asile implique donc qu’on ait réellement les moyens d’expliquer pourquoi on se sent en danger, quelles menaces ou quelles persécutions nous ont conduit à tout laisser derrière nous, et pourquoi nos craintes sont fondées.
Concrètement, avoir les moyens, cela veut dire comprendre les enjeux de la procédure, vivre dans des conditions dignes et sûres pendant qu’on fait sa demande sans crainte d’être prématurément renvoyé, pouvoir s’exprimer dans sa langue, recevoir une aide juridique aux moments réellement déterminants du parcours, être écouté en toute confidentialité par des personnes formées au droit d’asile, et pouvoir se retourner vers des juges impartiaux en cas de rejet.
La Convention de Genève de 1951 affirme en outre clairement : « Toute personne » qui craint avec raison peut être protégée.
Ces mots –« oute personne » – posent le principe fort de la non discrimination, et de l’égalité de traitement des demandeurs d’asile. Il est donc primordial, par principe comme dans toutes étapes concrètes de la procédure, de garantir l’égalité des chances entre tous les demandeurs d’asile, afin que tous, sans distinction, aient la même possibilité d’être entendus, compris, et si nécessaire protégés. Aucun préjugé ne peut déterminer a priori, qui serait un « bon » ou un « mauvais » demandeur d’asile, ce serait de la discrimination.
En définissant le réfugié comme celui qui « craint » avec raison, la Convention de Genève de 1951 consacre le caractère prospectif des craintes de persécutions. C’est à dire qu’une personne doit pouvoir être reconnue comme réfugiée sans avoir nécessairement à démontrer qu’elle a déjà subi des persécutions. Le droit d’asile n’est pas une prime à la souffrance passée, mais une protection contre de probables souffrances à venir.
De plus, on ne fuit pas son pays en emportant une valise pleine de preuves à charge et de documents incriminants. Pour prouver une souffrance passée dans le cadre de la demande d’asile, on ne peut exiger qu’une personne exhibe les stigmates des tortures subies. On ne peut non plus imposer aux demandeurs d’asile de produire des preuves matérielle ou écrites de leur vécu ou de leur craintes de persécutions. La Convention de Genève de 1951 pose le principe de la preuve par tous moyens, et rappelle ici aussi explicitement la reconnaissance du statut de réfugié ou l’octroi d’un autre type de protection internationale ne peuvent être subordonnés à aucune exigence de preuve matérielle. C’est aussi pour cette raison que la place et le temps laissés à la parole des exilés qui demandent à être protégée sont fondamentaux.
On peut avoir besoin de demander l’asile à n’importe quel moment de son parcours de vie. La plupart des exilés qui fuient leur pays et arrivent en France y déposent une demande d’asile peu de temps après leur arrivée. Mais il peut aussi arriver qu’on n’ait pas demandé à être protégé pendant des années – en vivant en situation régulière ou irrégulière en France – et qu’on prenne conscience plus tard du danger qu’on courrait à retourner, soit parce qu’une guerre a éclaté ou parce qu’un violent changement de régime a « changé la donne », ou parce qu’en exil, on s’est impliqué socialement ou politiquement au point de risquer une répression en cas de retour.
Une personne qui souhaite demander l’asile en France doit faire enregistrer sa demande par l’administration générale auprès d’un « guichet unique ».
Les services de la préfecture y contrôlent la complétude du dossier et exigent de nombreux documents. Ils ont l’obligation d’enregistrer la demande d’asile dans un délai de trois jours et de délivrer au demandeur une attestation, qui lui permettra de rester légalement en France pendant la durée de la procédure. Ce sont également les services préfectoraux qui font des constatations à l’impact procédural déterminant, qui conduiront au placement du demandeur en procédure normale ou accélérée. Ils remettent au demandeur d’asile le formulaire de demande d’asile. En parallèle de cela, les services de l’Office français de l’intégration et de l’immigration (OFII) sont chargés de mettre en place les conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile (hébergement, allocations, proposition d’un bilan médical)
Le formulaire de demande d’asile est rédigé en français. Il doit être rempli et contenir (toujours en langue française) le récit personnel du demandeur, contenant l’exposé de son vécu et de ses craintes de persécutions. Ce formulaire doit être renvoyé dans le délai de 21 jours à l’Office de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), l’administration spécialisée de l’asile. S’il s’agit d’une demande de réexamen, ce formulaire doit être renvoyé dans un délai de 8 jours. (Par la suite, le demandeur d’asile devra justifier d’une adresse postale et retourner en préfecture pour le renouvellement de son attestation de demande d’asile valant droit au séjour).
L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) examine la demande d’asile et convoque le demandeur à un entretien oral, au cours duquel des questions lui seront posées, en présence d’un interprète, pour apporter des précisions sur ses raisons de demander l’asile. Si la demande est traitée en procédure accélérée, l’OFPRA ne se laisse en théorie que 15 jours pour étudier le dossier, entendre la personne, et rendre sa décision. Tant que l’OFPRA n’a pas rendu sa décision, il est possible de compléter la demande par des éléments de preuve ou de récits supplémentaires.
La décision de l’OFPRA est notifiée au demandeur d’asile par courrier recommandé avec accusé de réception. Détail important, c’est la date à laquelle le bordereau du recommandé postal a été signé (par le demandeur ou une tierce personne) qui compte comme date de notification.
Il peut s’agir :
Reconnaissance du statut de réfugié
Protection subsidiaire
Irrecevabilité de la demande (comme une fin de non recevoir de la demande d’asile, qui n’aura alors pas été examinée au fond, mais seulement via un « examen préliminaire ».
Clôture (équivalant à une radiation de la demande d’asile, qui, ici encore, n’aura pas été examinée au fond jusqu’au bout)
Rejet (l’OFPRA a examiné la demande mais considère que la personne n’a pas besoin d’être protégée).
, la personne « radiée » a 9 mois à compter de la notification pour se rendre de nouveau en préfecture (comme au tout début du parcours) et demander la réouverture de sa demande d’asile, en présentant des explications. Après ces 9 mois, la décision de clôture est considérée comme définitive, et les conditions du recours devant la CNDA s’appliquent
En cas de décision de clôtureEn cas de décision d’irrecevabilité ou de rejet de la demande d’asile, le demandeur peut faire un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision.
d’une carte de résident valable dix ans en cas de reconnaissance du statut de réfugié
d’une carte temporaire de séjour valable un an en cas d’octroi de la protection subsidiaire
elle pourra aussi faire venir son conjoint et ses enfants mineurs.
Glossaire de la crise migratoire
Les pays d’origine sûrs, pas si sûr
L'ACAT-France a publié un recueil de témoignages Paroles de réfugiés. Je n'avais plus le choix, il fallait fuir aux Éditions Les Petits matins.