Rencontre Hollande-Ouattara : pour la réconciliation, mettre fin à la justice des vainqueurs
François Hollande s’entretiendra avec le président ivoirien Alassane Ouattara jeudi 4 décembre à l’Elysée. L’ACAT s’inquiète de la persistance d’une justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire et appelle en particulier la France à accroître son soutien aux réformes du secteur de la sécurité dans ce pays en intégrant le volet de la lutte contre l’impunité des anciens chefs de guerre, aujourd’hui intégrés dans l’armée nationale des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
En Côte d’Ivoire, les seuls responsables de violations des droits de l’homme commises entre 2002 et 2011 actuellement poursuivis par la justice étaient affiliés au camp de Laurent Gbagbo, défait électoralement et militairement. Cette justice à sens unique est préjudiciable aux Ivoiriens et à leur quête de réconciliation, pourtant indispensable à la tenue d’une élection présidentielle apaisée et démocratique fin 2015.
L’ACAT appelle François Hollande à s’engager encore davantage auprès des autorités ivoiriennes afin d’accélérer la réforme en cours du secteur de la sécurité en vue de la démobilisation et de la réintégration des ex-combattants dans la vie civile. La France doit particulièrement veiller à ce que toute personne soupçonnée d’avoir commis des crimes soit exclue des forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire.
Depuis la fin de la crise postélectorale de 2010-2011, la France, tout en tenant un discours en faveur de la justice en Côte d’Ivoire, est restée quasi-indifférente aux nombreux rapports des experts de l’ONU sur la Côte d’Ivoire qui indiquaient que plusieurs ex-chefs de guerre des Forces Nouvelles (FN), aujourd’hui installés à des postes de commandement au sein des FRCI, n’ont jusqu’à ce jour jamais été inquiétés pour les violations des droits de l’homme commises durant la crise post-électorale et profitent fréquemment de leur impunité et de leur position pour avoir la mainmise sur des activités illégales lucratives.
La France doit apporter toute son aide au président Alassane Ouattara, avec la communauté internationale, à travers un appui politique, de défense et de sécurité pour lui permettre de ne plus être dépendant des ex-chefs de guerre, aujourd’hui gardiens de sa sécurité. La peur des juges et des magistrats lorsqu’ils sont appelés à enquêter sur des allégations de crimes commis par des éléments des ex-FN doit changer de côté.
« Le gouvernement ivoirien ne pourra pas travailler à une justice indépendante tant que des criminels seront à des postes clés dans la politique et dans l’armée » souligne Clément Boursin. « La France doit prendre conscience que les anciens chefs de guerre sont des dangers pour l’avenir de la Côte d’Ivoire à un an d’une période électorale cruciale. »
Le cas du lieutenant-colonel des FRCI Issiaka Ouattara, alias Wattao, ex-chef de guerre des FN, est patent. Selon le Groupe des experts de l’ONU, Wattao contrôlerait un réseau criminel très lucratif à Abidjan et sur l’ensemble du territoire [1]. Son groupe possèderait des centaines d’armes non enregistrées, commettrait des infractions (dont vols à main armée, racket des transporteurs, contrôle de secteurs liés aux mines de diamants et de mines d’or) ayant entraîné des morts. Selon l’ONU, l’influence mafieuse de Wattao « s’étendrait à d’autres domaines et secteurs de l’économie du pays ». Son assise financière lui permet d’avoir un réseau de protection tant au niveau de certains hommes politiques et que de nombreux militaires issus des ex-FN, lui assurant son impunité actuelle, incompatible avec le futur de la Côte d’Ivoire en termes de justice et de lutte contre les réseaux criminels.
Contacts :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Note aux rédactions :
- [1] Lien vers le rapport de mi-mandat du Groupe d’experts des Nations unies sur la Côte d’Ivoire