Derrière la croissance, un pays répressif
Demain, M. Laurent Fabius sera en Angola. L’ACAT appelle les autorités françaises à se saisir de cette occasion pour aborder, avec les autorités angolaises, la situation des droits de l’homme en Angola. Depuis la fin de la guerre civile en Angola en 2002, les autorités angolaises se sont lancées dans une quête effrénée de respectabilité sur la scène internationale. La croissance économique impressionnante de cet État d’Afrique australe et sa domination politique voire militaire sur ses voisins congolais ont certes permis à l’Angola de devenir une puissance géostratégique régionale majeure.
Toutefois, selon Clément Boursin, Responsable des programmes Afrique à l’ACAT : « des efforts importants doivent être réalisés dans les domaines des droits de l’homme et de la bonne gouvernance. Comment un État pourrait-il être respectable tant que ses forces de sécurité ont recourt à la torture ou violent des milliers de femmes en toute impunité ? » Dans la province du Cabinda, où un conflit de basse intensité perdure entre l’armée angolaise et les indépendantistes du FLEC, plus aucune association de défense des droits de l’homme n’est en mesure de travailler librement du fait des restrictions imposées par les autorités aux libertés d’expression, d’association et de réunion. À Luanda, la capitale, les expulsions forcées de population vivant dans des bidonvilles transformées en zones d’habitation de haut standing sont régulières. Elles s’accompagnent de violences et se font au détriment du droit des personnes expulsées. Les mouvements d’opposition politique au sein de la jeunesse qui manifestent contre le pouvoir et la corruption font l’objet d’une répression continue.
Dans le nord du pays, les ressortissants congolais venus trouver un emploi, notamment dans le secteur informel des diamants, font l’objet de campagnes d’expulsions massives. Depuis décembre 2003, plusieurs dizaines de milliers de congolaises ont fait l’objet de violences sexuelles de la part des membres des forces de défense et de sécurité angolaises lors de leurs expulsions, principalement dans les régions de Lunda Norte et Lunda Sul. L’impunité des membres des forces de défense et de sécurité est notoire. Ceux qui s’intéressent de trop près à ces sujets font l’objet d’intimidations et de harcèlement judiciaire et ne peuvent pas compter sur les institutions nationales de protection des droits de l’homme qui sont dans les faits inexistantes. Le journaliste indépendant Rafael Marques de Morais est la figure emblématique de cet acharnement des autorités. Depuis la parution de son livre « Diamants de sang : corruption et torture en Angola » en 2011 et de son dépôt de plainte contre des proches du président angolais pour actes de torture, Rafael Marques de Morais fait l’objet d’un harcèlement judiciaire continu et de violence.
L’Angola, en pleine croissance et restructuration de son économie a besoin d’infrastructures et d’investissements pour accompagner sa croissance et la restructuration de son économie. La France doit y contribuer. Mais, « si la France veut être un partenaire de l’Angola viable et efficace sur le long terme, elle ne doit pas oublier, si elle ne veut pas être seulement au service des élites angolaises, qu’apporter une contribution à la croissance en Angola suppose de l’inciter à améliorer sa bonne gouvernance, à promouvoir un partage plus équitable de ses richesses et en tout premier lieu à respecter les droits de l’homme » indique Clément Boursin.