Angola
Appel urgent

Répression d’une manifestation d’autonomistes à Cafunfo : Au moins dix morts par balles

Le 30 janvier 2021, des incidents graves ont eu lieu à Cafunfo, village minier de la commune de Cuango dans le Lunda Norte. Selon les premiers témoignages, informations et vidéos récoltés par la société civile, des éléments des forces de défense et de sécurité angolaises auraient tiré à balles réelles sur des manifestants non armés et tué plusieurs d’entre eux. Particulièrement marquante, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre plusieurs civils ensanglantés au sol. Certains bougent, d’autres non. Un policier angolais donne alors des coups de pied et marche sur la tête d’une victime grièvement blessée.
Angola Cafunfo
Le 04 / 03 / 2021

Le 30 janvier 2021, des incidents graves ont eu lieu à Cafunfo, village minier de la commune de Cuango dans le Lunda Norte. Selon les premiers témoignages, informations et vidéos récoltés par la société civile, des éléments des forces de défense et de sécurité angolaises auraient tiré à balles réelles sur des manifestants non armés et tué plusieurs d’entre eux. Particulièrement marquante, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre plusieurs civils ensanglantés au sol. Certains bougent, d’autres non. Un policier angolais donne alors des coups de pied et marche sur la tête d’une victime grièvement blessée.

 

Le 30 janvier 2021, à l’appel du mouvement Protectorat de Lunda Tchokwe – qui lutte pour l’autonomie des Lunda Norte et Lunda Sul – environ 300 personnes sont descendues dans les rues de la ville minière de Cafunfo, commune de Cuango, pour dénoncer la misère et les conditions de vie déplorables des populations locales. Ces personnes, non armées, ont décidé de braver l’interdiction de manifester, décrétée par le gouverneur de province pour cause de pandémie COVID-19 et de non légalité du mouvement. Dans les jours précédents, au moins 13 militants du mouvement ont été arrêtés par la police.

Dans des circonstances non encore établies, mais qui font l’objet de versions différentes selon la police angolaise et le mouvement Protectorat de Lunda Tchokwe, des éléments des forces de défense et de sécurité angolaises ont ouvert le feu sur les manifestants causant la mort d’au moins 10 d’entre  de manière confirmée et blessant de nombreux autres selon Human Rights Watch (HRW). Il n’est pas à exclure que les chiffres soient plus élevés car certains manifestants restent portés disparus.

Jusqu’à ce jour, aucune enquête indépendante ni transparente n’a été dépêché sur place par les autorités angolaises pour établir, avec véracité, les faits et les responsabilités dans ce drame.

La seule enquête actuellement menée à Cafunfo est une enquête à charges de la police devant simplement « découvrir les véritables motivations de la rébellion et les conséquences » et  non faire la lumière sur les événements survenus dans cette ville.

Le village semble être interdit d’accès aux ONG et autres militants de la société civile, ainsi qu’aux parlementaires de l’opposition qui s’y sont rendus et qui ont dû faire marche arrière face aux barrages de l’armée.

 

 

Vous souhaitez vous mobiliser pour demander une enquête indépendante et transparente sur les événements survenus à Cafunfo le 30 janvier dernier :


- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au ministre angolais de la Justice et des droits humains par voie postale ou par courriel. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l'ambassade d'Angola en France

- Tweetez, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

 

CONTEXTE

 

Lunda Norte, une province délaissée

Le Lunda Norte est une province angolaise située à l’extrême nord du pays, à la frontière sud de la République démocratique du Congo (RDC). Cette riche province en minerais (diamants et or) est faiblement peuplée : environ 8 habitants au kilomètre carré (environ 850 000 habitants pour une surface de 10 3000 km²). Malgré les richesses que cette province apporte à l’Angola, elle reste une région délaissée par le pouvoir central de Luanda, la capitale. La province est très peu équipée en infrastructures et elle reste en grande partie enclavée avec un réseau routier minimal et en piteux état et une administration peu présente.

Les autorités angolaises ont peu développé cette partie du territoire qui a longtemps été sous le contrôle de l’ex-rébellion l’Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) au cours de la guerre civile (1975-2002). A la fin de la guerre civile, les mines de diamants de ce territoire ont été partagées entre les caciques du régime (généraux angolais victorieux, premier cercle du président Eduardo dos Santos et leurs amis). Aujourd’hui, la pauvreté y est très importante sauf dans quelques « compounds » de compagnies diamantifères (De Beers, Endiama) qui vivent en autarcie dans des lieux hautement sécurisés. Dans la vallée de la rivière Cuango, les mineurs artisanaux locaux ou congolais qui cherchent des diamants dans les alluvions, font régulièrement l’objet de violences de la part des forces de défense et de sécurité angolaises et des agents privés des compagnies diamantifères. Leurs auteurs et responsables font l’objet d’une impunité notoire.

En 2006, pour défendre les intérêts des Lundas Tchokwe dans les Lunda Norte et Lunda Sul, où les retombées de l’exploitation diamantaire ne profitent pas aux populations locales, un mouvement réclamant l’autonomie nait : le Protectorat de Lunda Tchokwe. Ce mouvement fonde ses revendications sur l’Accord de protectorat signé entre le Portugal et le royaume Lunda Tchokwe dans les années 1885 et 1894 donnant à ce royaume un statut territorial indépendant. Lors des négociations d’indépendance de l’Angola entre 1974 et 1975, les Portugais et les mouvements de libération angolais auraient ignoré le statut du royaume Lunda Tchokwe, ainsi que celui du Cabinda, intégrant ces riches territoires dans le futur Angola.

En 2015, l’assemblée nationale angolaise a voté contre la revendication d’autonomie des Lunda Norte et Lunda Sul et depuis lors, le mouvement Protectorat de Lunda Tchokwe (non reconnu par les autorités angolaises) et ses membres font l’objet d’une répression constante.

 

Versions divergentes concernant les décès par balles survenus à Cafunfo

Selon Paulo de Almeida, commandant général de la police, environ 300 membres du mouvement Protectorat de Lunda Tchokwe, armés (armes à feu, armes blanches, bâtons) auraient tenté d’envahir le poste de police de Cafunfo vers les 04h00 du matin dans le but de retirer le drapeau de la République d’Angola et le remplacer par celui du Protectorat de Lunda Tchokwe. Deux policiers auraient été blessés et six « rebelles armés » auraient été tués au cours de cet « acte de rébellion armée » repoussé. Seize personnes auraient été arrêtées.

Selon José Zecamutchima, président mouvement Protectorat de Lunda Tchokwe, un groupe de personnes se rendant sur le site de la manifestation serait passé devant le poste de police de Cafunfo vers les 06h00 du matin. Ces personnes, qui marchaient tranquillement, auraient été la cible de tirs intentionnels venant d’éléments des forces de défense et de sécurité postés au niveau du poste de police. Au moins 25 manifestants seraient morts par balles et 28 autres, blessés, auraient été transférés à l’hôpital de Dundo, chef-lieu du Lunda Norte. Le nombre exact de personnes tuées à Cafunfo serait plus important car un certain nombre de manifestants seraient portés disparus. Des témoins affirment que les forces de défense et de sécurité auraient jeté des corps dans la rivière Cuango et qu’ils continueraient à rechercher les militants dans la région causant un climat de peur au sein des populations locales, dont certaines se sont cachées en forêt.

Selon les premières investigations de l’ONG internationale Human Rights Watch (HRW), il y aurait au moins dix morts de manière confirmée parmi les manifestants non armés.

 

Une enquête de police à charges à Cafunfo

Le commandant général de la police s’est rendu à Cafunfo le 31 janvier 2021 non pas pour établir la vérité sur ce qui s’est passé à Cafunfo mais pour enquêter sur les circonstances de cet « acte de rébellion présumé liée au Protectorat de Lunda Tchokwe » avec un objectif qui s’apparente à vouloir uniquement jeter la responsabilité sur ce mouvement et ses membres. 

 

ONG et opposition appellent à des enquêtes indépendantes

L’ONG angolaise de défense des droits humains Omunga, à l’instar des ONG internationales Amnesty International et Human Rigths Watch (HRW), appelle à la création d’une commission d’enquête indépendante et transparente, avec une participation de la société civile. Les deux principaux partis d’opposition (CASA-CE et UNITA) appellent de leur côté à la création d’une commission d’enquête parlementaire. Jusqu’à ce jour, le village de Cafunfo reste inaccessible aux ONG, militants de la société civile et parlementaires de l’opposition qui ont voulu s’y rendre. L’armée bloque l’accès au village et ne permet aucune entrée.

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