Il faut mettre un terme aux arrestations arbitraires d’opposants
Au moins 136 membres et sympathisants de l’opposition sont emprisonnés depuis septembre 2020 dans divers lieux de détention à travers le pays. Ils ont été arrêtés à la suite de la répression violente par les forces de l’ordre de manifestations pacifiques non autorisées. Nombre d’entre eux sont en détention provisoire et font l’objet de poursuites iniques devant des juridictions militaires non indépendantes.
Le 22 septembre 2020, des milliers de manifestants de l’opposition se sont rassemblés à travers le pays en réponse à l'appel lancé par le parti d'opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) pour réclamer un dialogue national, des réformes du système électoral et le retour de la paix dans les régions anglophones du pays.
Ces manifestants sont descendus pacifiquement dans les rues malgré le fait que les autorités camerounaises aient interdit ces manifestations, qualifiées d' « illégales ». De manière quasi-systématique, les autorités locales interdisent les manifestations du MRC, souvent pour « menaces de troubles à l’ordre public », et ne permettent pas à leurs militants de jouir de leur liberté d’expression et de rassemblement pourtant garanties dans la Constitution camerounaise. Les forces de l’ordre, déployées en nombre, ont empêché les marches et les rassemblements par un usage excessif et disproportionné de la violence, avec des arrestations musclées et une utilisation de gaz lacrymogènes et de canons à eau dans des circonstances injustifiées.
Plus de 500 personnes ont été arrêtées le 22 septembre et dans les jours et semaines suivantes. Certaines ont fait l’objet de violences lors de leur arrestation et pendant leur détention.
Aujourd’hui, au moins 136 personnes restent emprisonnées pour des raisons purement politiques. Ces personnes n’ont fait qu’exercer leur doit à la liberté de réunion et de manifestation pacifique, des droits protégés par la Constitution camerounaise.
Vous souhaitez vous mobiliser auprès du Président de la République du Cameroun pour demander la libération des prisonniers politiques, arbitrairement détenus depuis septembre 2020 :
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au Président de la République du Cameroun par voie postale ou directement sur le site de la Présidence de la République. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l'ambassade du Cameroun en France
- Tweetez, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
CONTEXTE
Au Cameroun, Maurice Kamto, le dirigeant du principal parti d’opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) continue, malgré les intimidations, de contester les résultats de l’élection présidentielle d’octobre 2018 donnant la victoire au président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. Cette posture lui vaut les foudres du régime, qui n’accepte aucune dissidence dans le pays y compris pacifique. Les manifestations interdites du 22 septembre 2020 ont été un moment propice pour réprimer ce parti et ses sympathisants. Un nombre important de ses cadres ont fait l’objet d’arrestations arbitraires. Sur les 500 personnes arrêtées arbitrairement dans les villes de Douala, Yaoundé, Bafoussam et Nkongsamba en lien avec ces manifestations, au moins 136 sont encore détenues, dont une très grande majorité en détention provisoire.
A ce jour, 13 personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme par des tribunaux civils sur la base d’accusations fallacieuses. 8 ont été condamnées le 17 novembre 2020 par le tribunal de première instance de Mfou à deux ans de prison, après avoir été déclarées coupables « des délits d’attroupement, de réunions et manifestations publiques, et de rébellion en groupe ». 5 personnes ont été condamnées le 6 novembre 2020 à quatre mois de prison à Nkongsamba pour « tentative de manifestation publique ».
Au moins 59 personnes font l’objet de poursuites devant un tribunal militaire bien qu’étant des civils. Quarante-cinq personnes – dont Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto et Alain Fogue Tedom, trésorier national du MRC – ont été inculpées pour « tentative de révolution, rébellion, attroupement aggravé et défaut de carte d’identité » par le tribunal militaire de Yaoundé, et placées en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé. 14 personnes ont été renvoyées devant le tribunal militaire de Bafoussam entre le 24 et le 25 novembre 2020 pour « tentative d’insurrection en coaction, réunion et manifestation publique non autorisée ». L’une d’elles, arrêtée en possession de deux pancartes portant des inscriptions demandant le départ du président Biya, est également poursuivie pour « outrage au président de la République ».
Les avocats des détenus ont déposé plus de 45 recours pour demander des libérations provisoires dans l’attente de leurs procès. Ces recours ont tous été automatiquement rejetés. Dernier exemple en date, le 12 janvier 2021, avec le rejet de la demande de remise en liberté de vingt-deux membres du MRC, dont celle d’Olivier Bibou Nissack et d’Alain Fogue Tedom.
Le 12 octobre 2020, plusieurs experts des droits de l'homme de l'ONU[1] ont demandé au Cameroun de libérer les personnes arrêtées lors des manifestations pacifiques du 22 septembre 2020 et de cesser les intimidations à l’encontre des militants politiques.
[1] Le Cameroun : Les experts des droits de l'homme des Nations unies demandent la fin de la détention et de l'intimidation des manifestants pacifiques : https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26372&LangID=F