La France doit œuvrer pour mettre fin à l’impunité
Il est temps pour la France de tenir son engagement en faveur de la lutte contre l’impunité dans la région des Grands Lacs afin que les responsables des graves violations des droits humains commises entre 1993 et 2003 répondent enfin de leurs actes devant la justice. Depuis bientôt douze ans, le Rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), dont les recommandations tardent à être mises en œuvre, demeure le document de référence pour établir la justice en RDC et briser le climat d’impunité qui alimente la répétition des atrocités jusqu’à ce jour.
La France est engagée pour la paix et la justice dans le monde. En tant que membre du Conseil des droits de l’homme (2021-2023), la France a indiqué être déterminée à porter une diplomatie humaniste et être guidée par la défense de l’universalité des droits humains : « convaincue qu’il n’y a pas de paix durable sans justice, la France œuvre en faveur de la lutte contre l’impunité afin que l’ensemble des responsables de violations des droits de l’Homme en répondent devant la justice ». Il existe pourtant un écart notable entre ces principes et la position réelle de la France concernant le Rapport Mapping.
En octobre 2020, à l’occasion de la commémoration des 10 ans de la publication du Rapport Mapping, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères indiquait dans un point de presse : « S’agissant du Rapport Mapping des Nations unies concernant les graves violations des droits de l’Homme commises en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003, il appartient aux autorités congolaises de se prononcer sur les suites qu’elles entendent y donner ». En réalité, il n’appartient pas qu’aux autorités congolaises de se prononcer sur les suites à donner au Rapport Mapping. Les crimes dont il est question dans ce rapport du HCDH, publié en octobre 2010, relève du droit international et de la responsabilité de sa communauté, et notamment de la France. L’un des enjeux majeurs concernant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité voire les crimes de génocide commis en RDC entre 1993 et 2003 réside dans la cartographie et la préservation des fosses communes dans lesquels ont été enterrées de nombreuses victimes. Il s’agit de preuves des crimes commis dans le passé. Plusieurs fosses communes ont été vidées et les corps détruits ou déplacés vers de nouvelles destinations inconnues. Il est primordial pour les autorités congolaises, ainsi que pour la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), de sécuriser ces charniers pour ensuite commencer un travail d’exhumation.
Un appui de la France pour un tel travail montrerait une France davantage proactive dans le soutien à la lutte contre l’impunité en RDC que ce qui a été fait pour l’instant. Il est temps pour la France de sortir de sa posture diplomatique molle.
Mobilisons-nous auprès du Président de la République pour demander à ce que la France soutienne concrètement des actions en vue de lutter contre l’impunité en RDC :
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la à la au Président de la République directement en ligne sur le site de la Présidence ou par voie postale.
- Tweetez notamment le compte @EmmanuelMacron et @Elysee, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
Contexte
Parce que la lutte contre l'impunité des auteurs et responsables de graves violations des droits humains constitue l'un des combats majeurs de l'ACAT-France, l’association travaille depuis plusieurs années sur la RDC, théâtre de graves exactions commises durant de nombreuses décennies, notamment dans le cadre de deux conflits régionaux opérés sur le territoire congolais entre 1993 et 2003. Selon les sources, on estime que plusieurs centaines de milliers voire des millions de personnes sont mortes des conséquences directes ou indirectes de ces conflits, sans compter les graves violations des droits humains parmi lesquelles l'usage systématique des violences sexuelles comme arme de guerre dont ont été victimes de nombreuses femmes et filles. Pourtant, encore aujourd’hui, les responsables de ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité restent impunis.
Le Rapport Mapping des Nations unies, publié le 1er octobre 2010, fait un inventaire des 617 incidents les plus violents commis en RDC durant la période de 1993 à 2003. Cette publication a donné l'espoir à la société civile congolaise que la communauté internationale accompagnerait les autorités congolaises dans la quête de vérité, de justice et de réparation pour les victimes de cette période. Dans les faits, les autorités congolaises n’ont rien fait et la communauté internationale n’a plus évoqué ce rapport.
À l'occasion des 10 ans de la publication du Rapport Mapping, en octobre 2020, l'ACAT-France a lancé une campagne d'information, de mobilisation et de plaidoyer, invitant le grand public non seulement à s'informer sur une période douloureuse de l'Histoire de la RDC, mais également à interpeller, à des moments clés, les décideurs congolais et étrangers afin que les victimes ne soient pas oubliées et qu’elles obtiennent enfin justice et réparation. Cette campagne intitulée « Rapport Mapping : à quand la justice en RDC ? » est constituée de divers documents et actions disponibles sur une page dédiée sur le site de l’ACAT-France. L’Empire du silence, du réalisateur belge Thierry Michel, est le second film documentaire soutenu par l’ACAT-France dans le cadre de cette campagne après En route vers le milliard du réalisateur congolais Dieudo Hamadi, interviewé dans la revue Humains.
L’Empire du silence est un film choc qui refait la ligne du temps de l’histoire congolaise depuis 25 ans pour mieux comprendre comment le conflit s’est déployé dans le pays. Avec ce film, Thierry Michel dénonce l’immobilisme international autour du Rapport Mapping. Ce film est un outil précieux de mobilisation citoyenne pour lutter contre l’oubli, le déni, le négationnisme des crimes commis en RDC dans les années 1990 jusqu’à aujourd’hui et pour contribuer à mettre fin à l’impunité en RDC en mobilisant les citoyens du monde afin de permettre à la communauté internationale de sortir de sa léthargie et de son inaction coupable.