France
Communiqué

Un an après : le lourd bilan des violences policières

Il y a un an, l’ACAT publiait son rapport « L’ordre et la force » [1] relatif à l’usage de la force par les policiers et gendarmes français. Elle dénonçait l’opacité criante des autorités sur le sujet, la dangerosité de certaines armes intermédiaires ou certains gestes d’immobilisation, ainsi que les rares et faibles condamnations prononcées par la justice. Où en sommes-nous depuis ?
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Il y a un an, l’ACAT publiait son rapport « L’ordre et la force » [1] relatif à l’usage de la force par les policiers et gendarmes français. Elle dénonçait l’opacité criante des autorités sur le sujet, la dangerosité de certaines armes intermédiaires ou certains gestes d’immobilisation, ainsi que les rares et faibles condamnations prononcées par la justice. Où en sommes-nous depuis ?

Selon Aline Daillère, responsable police/justice à l’ACAT, « L’état des lieux que nous avons rendu public en 2016 est encore largement d’actualité, notamment en ce qui concerne la dangerosité des lanceurs de balle de défense et de certaines techniques d’interpellation. Les sanctions judiciaires à l’égard des policiers et gendarmes mis en cause pour un usage illégal de la force restent faibles. Le manque de transparence concernant l’usage de la force par la police est le seul aspect pour lequel nous pouvons enregistrer une avancée, qui reste encore à confirmer. »

L’année passée est venue fortement questionner l’évolution de la doctrine française du maintien de l’ordre, ainsi que le cadre des contrôles d’identité. De nombreux témoignages font état de violences ou manquements à la déontologie, lors de manifestations, d’interpellations ou de contrôles d’identité. Pourtant, ceux-ci n’ont pas fait l’objet de la mise à plat majeure qui s’impose.

Malgré leur dangerosité connue, les armes intermédiaires telles que Flashball, LBD40 et grenades de désencerlement restent massivement utilisées. L’ACAT recense à ce jour plus de 50 victimes de ces armes. Les Flashball et LBD40 ont à eux seuls causé un décès et 43 blessés graves (dont 21 personnes énucléées ou ayant perdu la vue). Les grenades de désencerclement ont provoqué au moins 7 blessés graves. Ainsi, pour la seule année 2016, Romain Dussaux, qui participait à une manifestation, a été grièvement blessé à la tête et plongé dans le coma après avoir reçu une munition de grenade de désencerclement. Quelques mois plus tard, Laurent Théron perdait un œil à cause de cette même arme.

L’ACAT dénonçait également avec force le recours à des méthodes d’immobilisation susceptible d’entraîner une asphyxie, notamment le plaquage ventral et le pliage. Malgré les vives alertes lancées, ces techniques perdurent. L’année 2016 a ainsi été marquée par le décès d’Adama Traoré, asphyxié au cours de son interpellation, après qu’il a été immobilisé ventre au sol sous le poids de trois gendarmes.

L’ACAT recommandait en outre que l’usage des armes à feu soit davantage réglementé. Elle dénonçait en particulier les dispositions spécifiques applicables aux gendarmes et en demandait l’abrogation. L’ACAT déplore le fait que, par deux lois successives en juin 2016 et février 2017, le chemin exactement inverse ait été pris, en élargissant les possibilités d’ouvertures du feu pour les forces de l’ordre.

En outre, concernant les suites judiciaires données aux 89 affaires qu’elle a examinées, l’ACAT recense désormais dix condamnations [2] de policiers ou gendarmes relatives à des faits ayant conduit à des blessures graves ou à des décès. Il s’agit toutes de condamnations à des peines de prison avec sursis, y compris lorsque les agents ont été reconnus coupable d’homicide ou de violences ayant entraîné des infirmités permanentes. Trois de ces peines ont été accompagnées d’une interdiction temporaire de port d’arme (de 1 à 5 ans). Un seul agent s’est vu interdire temporairement d’exercer le métier de policier. À la connaissance de l’ACAT, aucune de ces peines n’a été inscrite au casier judiciaire des agents condamnés.

À ce titre, si au cours de l’année écoulée, de nouvelles condamnations de policiers ont été prononcées, dont la récente condamnation de l’agent ayant tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos, l’ACAT note avec préoccupation que l’une des condamnations qu’elle avait recensée a été considérablement réduite en appel. En mars 2015, un policier avait en effet été condamné à 5 ans de prison, dont 3 ans ferme, ainsi qu’à l’interdiction d’exercer le métier de policier, pour avoir violemment matraqué Mickaël Verrelle lors d’une intervention. Ce dernier, devenu infirme, était resté dans le coma entre la vie et la mort durant plusieurs semaines après les faits. Il s’agissait de la seule condamnation à une peine de prison ferme que l’ACAT avait recensée. En mai 2016, la condamnation du policier a été réduite en appel à 3 ans de prison avec sursis, les magistrats ayant retenu comme circonstance atténuante la personnalité de monsieur Verrelle, connu pour sa « mendicité agressive ou des faits de violences conjugales ».

Concernant enfin l’opacité et l’absence de données exploitables sur ce sujet, l’ACAT relève que quelques semaines après la publication de son rapport, la police des polices (IGPN), a annoncé la création d’un outil visant à recenser les personnes blessées ou décédées lors d’opérations de police. Un premier pas que l’ACAT salue, tout en restant vigilante sur sa mise en œuvre concrète dont la date n’est pas encore connue. Nous déplorons en revanche le fait qu’aucun effort de transparence n’ait été effectué sur les autres aspects : elle réitère sa demande de publication régulière des chiffres concernant l’usage des armes, les plaintes déposées et les condamnations judiciaires et sanctions disciplinaires prononcées. 

L’ACAT réitère ses principales recommandations :

  • Retrait total des lanceurs de balles de défense (Flashball et LBD40)
  • Interdiction formelle des techniques de pliage et de plaquage ventral
  • Publication annuelle de données chiffrées concernant l’usage de la force par les représentants de la loi et les sanctions à leur égard.
  • Création d’un organe d’enquête indépendant pour enquêter sur les faits concernant des agents de police et de gendarmerie.
  • Remise à plat de la doctrine du maintien de l’ordre

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes aux rédactions :

Condamnations de policiers recensées au 15/03/2017 pour des faits survenus entre 2005 et 2015 :

  • Amine Bentounsi (28 ans) est tué d’une balle dans le dos en 2012 : Après avoir été acquitté en première instance, un policier a été condamné en appel à 5 ans de prison avec sursis et 5 ans d’interdiction de port d’arme.
  • Cinq étudiants sont blessés à la suite de coups reçus lors d’une interpellation en 2012 : un policier est reconnu coupable de violences volontaires et condamné à 12 mois de prison avec sursis.
  • Serge Partouche (48 ans) décède par asphyxie lors de son interpellation en 2011 : trois policiers ont été reconnus coupables d’homicide involontaire et condamnés à 6 mois de prison avec sursis.
  • Nassuir Oili (9 ans) est éborgné par un tir de Flashball en 2011 : un gendarme est condamné aux assises à deux ans de prison avec sursis pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente.
  • Mostepha Ziani (43 ans), est décédé d’un tir de Flashball dans le thorax en 2010 : un policier a été condamné pour homicide involontaire à 6 mois de prison avec sursis.
  • Geoffrey Tidjani (16 ans) est gravement blessé au visage après un tir de LBD40 en 2010 : un policier a été reconnu coupable de violences volontaires aggravées et de faux et usage de faux. Il a été condamné à 12 mois de prison avec sursis, 24 mois d’interdiction de port d’arme et 12 mois d’interdiction d’exercer. Jugement en appel attendu le 28 mars 2017.
  • Mickaël Verrelle (30 ans) est devenu infirme après avoir été violemment matraqué en avril 2010 : un policier est condamné pour violences aggravées à 3 ans de prison avec sursis en appel. En première instance, le policier avait été condamné à 5 ans de prison, dont 3 ans ferme, ainsi qu’à l’interdiction d’exercer le métier de policier.
  • Joachim Gatti (34 ans) éborgné et cinq autres personnes blessées par des tirs de Flashball en 2009 : 3 policiers condamnés pour violences volontaires à des peines de 7 à 15 mois de prison avec sursis et 12 à 18 mois d’interdiction de port d’arme.
  • Abdelhakim Ajimi (22 ans) décède par asphyxie lors de son interpellation en 2008 : deux policiers ont été reconnus coupables d’homicide involontaire et condamnés à 18 et 24 mois de prison avec sursis. Un policier municipal a été condamné à 6 mois de prison avec sursis pour non-assistance à personne en danger.
  • Sékou (14 ans) perd un œil à la suite d’un tir de Flashball en 2005 : un policier a été condamné à 6 mois de prison avec sursis.
  • Violences policières