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France
Communiqué

Réforme de l’asile : des pouvoirs publics sourds, une accélération aveugle

La réforme de l’asile sera examinée les 9 et 10 décembre en session plénière de l’Assemblée nationale. Pour l’ACAT, l’accélération des procédures risque de se faire par un tri aveugle entre les demandeurs d’asile.
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La réforme de l’asile sera examinée les 9 et 10 décembre en session plénière de l’Assemblée nationale. Pour l’ACAT, l’accélération des procédures risque de se faire par un tri aveugle entre les demandeurs d’asile.

Le ministère de l’Intérieur avance que ce projet de loi simplifie les procédures, raccourcit l’attente des demandeurs d’asile, offre un hébergement et des garanties procédurales accrues et égales à tous les exilés. Mais il ne tient pas ses promesses [1]. Selon Eve Shahshahani, responsable asile à l’ACAT [2], « On a rarement vu tel écart entre l’humanisme des motifs exposés du projet de loi et ses conséquences pratiques, pénalisantes pour les demandeurs d’asile. Pour sauver l’asile, le projet de loi discrimine, surveille et sanctionne les demandeurs d’asile. »

Malgré certaines avancées, majoritairement imposées par la transcription en droit français des normes européennes, ce projet de loi ne met pas à égalité tous les demandeurs d’asile. « La réforme de l’asile donne d’une main les mêmes droits à tous les demandeurs d’asile, mais elle les reprend de l’autre, avec des dispositions techniques qui mettent en place un filtrage injuste » souligne Eve Shahshahani.

Les demandeurs que l’on jaugera moins vulnérables, moins crédibles, ou que l’on soupçonnera de vouloir dévoyer le système, se verront retirer des chances de convaincre l’administration et les juges de la réalité de leurs craintes de persécutions en cas de retour dans leur pays. Sur la seule base de leur nationalité [3], ou en fonction de critères abstraits et déconnectés de leurs difficultés réelles, leur demande sera traitée en procédure « accélérée ». Une procédure expéditive avec des délais raccourcis et moins de moyens de se faire entendre à chaque étape du parcours.

Sous prétexte qu’une précédente demande d’asile a déjà échoué dans le passé, et même si des évènements récents sont survenus dans leur pays, l’OFPRA pourra leur opposer une fin de non-recevoir – une décision d’irrecevabilité – en cas de nouvelle demande.

Et s’ils ne sont pas assez coopérants aux yeux de l’OFPRA, par exemple pour des rendez-vous manqués, leur demande pourra être radiée par une décision de « clôture ».

Contrairement aux annonces du gouvernement, tous ces demandeurs d’asile n’auront pas droit au recours suspensif [4]. Après un rejet de l’OFPRA, ils seront à la merci de l’administration et d’une mesure d’éloignement, sans pouvoir attendre que le juge se soit prononcé sur leur sort ni sur la légalité de la décision négative. Même avec les meilleures intentions, les juges uniques, seuls devant des audiences chargées et complexes, n’auront ni le temps ni les moyens d’étudier les dossiers en profondeur ni de statuer sereinement. Ces procédures au rabais pourraient toucher un tiers des demandeurs.

Bernard Cazeneuve a manqué l’occasion de remettre les droits au premier plan. En faisant primer la gestion des flux sur l’égal respect des droits de tous les demandeurs d’asile, le projet de loi de réforme ne met pas la France à l’abri de nouvelles condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme.

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes aux rédactions :

  • [1]L’ACAT a réalisé un contre-dossier de presse sur la réforme de l’asile. Il est disponible en suivant ce lien.
  • [2] Eve Shahshahani sera présente à l’Assemblée nationale les 9 et 10 décembre.
  • [3] Depuis 2005, le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) peut décider qu’un pays ne présente pas, a priori, de risque de persécutions pour ses ressortissants s’il considère que cet État « veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’État de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». 16 pays figurent sur cette liste, mais les droits de l'homme y sont néanmoins régulièrement bafoués, comme pour la Géorgie, l'Albanie, le Ghana… Le Conseil d'Etat a annulé en dix ans la moitié des décisions de placement d'un pays sur la liste des « pays d'origine sûrs ».
  • [4] Resteront privés du droit au recours suspensif tous les étrangers en Outre-Mer et les demandeurs d’asile qui auront été victimes de décisions d’irrecevabilité et de clôture. Le recours ne sera toujours pas efficace pour les demandeurs privés de liberté, ni pour les demandeurs en procédure Dublin.
  • Droit d'asile