Lutte contre l’impunité : la Tunisie respectera-t-elle ses engagements ?
En 1993, Rached Jaïdane, enseignant à l’université en France, se rend en Tunisie pour assister au mariage de sa sœur. Le 29 juillet, des agents de la Sûreté de l’Etat l’interpellent à son domicile, sans mandat. S’ensuivent 38 jours de détention au secret et de tortures au ministère de l’Intérieur sous la supervision directe de hauts responsables du régime sécuritaire de Ben Ali. Rached Jaïdane est interrogé sur ses liens présumés avec un responsable du parti islamiste Ennahda vivant en exil en France.
Sous les coups, il finit par signer, sans les lire, des aveux dans lesquels il reconnaît notamment avoir fomenté un attentat contre le parti de Ben Ali. Après 3 ans d’instruction judiciaire menée par un juge aux ordres, Rached Jaïdane est condamné à 26 ans de prison à l’issue d’un procès de 45mn. Il sera libéré en 2006, après 13 ans de torture et mauvais traitements dans les geôles tunisiennes.
L’histoire de Rached Jaïdane est emblématique du système tortionnaire tunisien, celui-là sur lequel les gouvernements post-révolution ont promis de tourner la page en rendant justice aux victimes. Et pourtant…
Juste après la révolution, Rached Jaïdane porte plainte pour torture. L’enquête est bâclée. Les tortures indescriptibles qu’il a subies sont qualifiées de simple délit de violence passible d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement, au motif que le crime de torture n’existait pas dans le code pénal au moment des faits. Pourtant, bien d’autres options s’offraient au juge pour qualifier les faits de crime.
Le procès est sans cesse reporté. Le verdict tombe en avril 2015 : prescription ! Les faits sont considérés comme trop anciens. Les figures représentatives de la machine tortionnaire repartent libres.
Par ce jugement, la justice tunisienne anéanti les espoirs de justice de Rached Jaïdane, mais plus généralement balaie d’un revers de main la promesse maintes fois réitérées de rendre justice aux victimes de Bourguiba et de Ben Ali.
Une décision fermement condamnée par le Comité contre la torture qui a notamment demandé à la Tunisie de reprendre l’enquête et de poursuivre les tortionnaires de Rached Jaïdane pour des infractions reflétant la gravité des faits.
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