L’Europe laissera-t-elle mourir Medjdoub Chani en Algérie ?
Medjdoub Chani, homme d’affaires algéro-luxembourgeois, est en grève de la faim depuis le 11 mai. Détenu depuis 2009 sur la base d’aveux signés sous la torture, il vient d’être condamné à dix ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inéquitable. Pour l’ACAT, le Luxembourg et l’Union européenne doivent immédiatement intervenir auprès des autorités algériennes pour faire cesser les violations des droits de l’homme infligées à leur ressortissant.
Le 17 septembre 2009, Medjdoub Chani a été enlevé par des agents en civil à son arrivée à Alger. Pendant que son épouse et son fils, résidents au Luxembourg, essayaient en vain de le retrouver, il était détenu dans un centre secret du Département du renseignement et de la sûreté (DRS) et soumis à la torture pour lui faire signer des aveux dans lesquels il s’accusait de corruption.
Malgré les risques de rétorsion, M. Chani a porté plainte pour torture en Algérie. Une plainte classée sans suite quelques jours plus tard, sans enquête. Ses avocats ont alors porté plainte au Luxembourg mais l’enquête piétine en raison de l’absence de coopération de la justice algérienne.
Lors de son procès débuté le 19 avril dernier, M. Chani et deux de ses coaccusés ont dénoncé devant la cour les tortures subies aux mains de la DRS, mais les juges ont refusé d’en tenir compte.
« M. Chani est Européen mais n’a pas bénéficié de soutien de la part de l’UE depuis son arrestation. », regrette Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb / Moyen-Orient à l’ACAT. « L’Union européenne doit impérativement intervenir auprès des autorités algériennes, en application de ses Lignes directrices concernant la torture [1] ».
« Le Luxembourg est aussi pleinement responsable du sort de M. Chani », rappelle Hélène Legeay. « En tant que partie à la Convention contre la torture, le Luxembourg doit prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des actes de torture soient commis à l’encontre de ses ressortissants ou qu’ils soient condamnés sur la base d’aveux forcés. A minima, il devrait fournir à M. Chani une protection consulaire effective et même recourir à la protection diplomatique [2] dans la mesure où la justice algérienne refuse d’enquêter sur la torture subie par la victime. »
Contact presse :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Note aux rédactions :
- [1] Adoptées par le Conseil de l’UE en 2001, ces Lignes directrices prévoient notamment que « dans des cas dûment étayés de torture et de mauvais traitements, l'UE engagera instamment (par des démarches confidentielles ou publiques) les autorités du pays concerné à veiller à la sécurité physique des personnes concernées, à prévenir les mauvais traitements, à fournir des informations et à appliquer les garanties appropriées. »
- [2] En droit international coutumier, « la protection diplomatique consiste en l’invocation par un État, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un autre État pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit État à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier État en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité. »