Maroc
Communiqué

Le Maroc assigne en justice des victimes de torture et l’ACAT. On aura tout vu !

L’ACAT a reçu une convocation de la justice marocaine, dans le cadre d’une plainte pour « diffamation, outrage envers les corps constitués, utilisation de manœuvre et de fraude pour inciter à faire de faux témoignages, complicité et injure publique » . Le Maroc tente une nouvelle fois de faire taire les victimes de torture et les ONG qui luttent contre la pratique de la torture au Maroc.
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Vendredi 23 janvier, l’ACAT a reçu une convocation du ministère de la Justice marocain, dans le cadre d’une plainte pour « diffamation, outrage envers les corps constitués, utilisation de manœuvre et de fraude pour inciter à faire de faux témoignages, complicité et injure publique » [1]. Avec cette injonction ubuesque, le Maroc tente une nouvelle fois de faire taire les victimes de torture et les ONG qui luttent contre la pratique de la torture au Maroc.

Selon Jean-Etienne de Linares, délégué général de l’ACAT, « En nous poursuivant en justice, le Maroc espère intimider les victimes de torture. Frapper une ONG qui œuvre en France, c’est dire aux victimes au Maroc : ‘voilà ce qui vous attend si vous osez protester’.» 

En mai 2013, l’ACAT a porté plainte pour « complicité de torture » contre Abdellatif Hammouchi, le chef de la Direction générale de la surveillance du territoire marocain. Le 20 février 2014, alors que ce dernier était en visite en France, sur demande d’une juge d’instruction [2], la police s’est rendue à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris pour lui remettre une convocation. En représailles, le Maroc suspendait ses accords de coopération judiciaire avec la France [3], faisant ainsi obstacle aux enquêtes de la justice française sur des cas de torture au Maroc et au transfèrement de nouvelles victimes en France.

Pour Hélène Legeay, responsable Maghreb et Moyen-Orient à l’ACAT, « N’oublions pas que la crise diplomatique trouve son origine non dans nos plaintes, mais dans le fait que le Maroc est un État tortionnaire. L’entêtement du Maroc est clairement dû à la crainte de Rabat de voir des hauts responsables traduits en justice pour complicité de torture. Cette plainte est tout à fait ubuesque. »

Immunité contre coopération ?

Laurent Fabius a annoncé qu’il se rendra « bientôt » au Maroc. Une visite du ministre des Affaires étrangères marocain, Salaheddine Mezouar, prévue vendredi 23 janvier, a quant à elle été annulée. Selon l’agence de presse Reuters, le Maroc souhaiterait négocier une immunité de ses responsables contre la reprise de la coopération judiciaire, ce qui a donné lieu à un démenti des autorités marocaines.

« Le rétablissement de la coopération judiciaire est urgent, mais ne doit pas passer par un chantage à l’immunité. » souligne Hélène legeay. « La France ne peut pas fermer les yeux sur le fait que le Maroc mène une véritable campagne de harcèlement à l’encontre des victimes de torture qui portent plainte. » L’ACAT a demandé à être reçue par Laurent Fabius.

Torture et hypocrisie

Le dépôt d’une plainte contre l’ACAT est d’autant plus étonnant qu’en mars 2014, le Maroc a participé à l’initiative mondiale pour la ratification de la Convention contre la torture. En juin 2014, le ministre de la Justice marocain, Mustapha Ramid, déclarait que « la volonté de l’Etat marocain pour combattre toutes les formes de torture est catégorique, même pour des dommages mineurs […] L’Etat marocain ne donnera jamais son aval pour que de la torture soit pratiquée ». Pourtant, depuis le lancement de cette initiative, les mesures de rétorsion à l’encontre des victimes de tortures et des ONG qui luttent contre le phénomène tortionnaire se sont multipliées [4].

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes aux rédactions :

  • Justice et impunité
  • Torture