L'Allemagne condamnée par l'ONU
Le Comité contre la torture des Nations unies vient de rendre publique [1] la première décision de condamnation de l’Allemagne pour violation de la Convention contre la torture. Saisi d’une plainte par l’ACAT en août 2010, le Comité a condamné l’Allemagne pour avoir extradé vers la Tunisie un ressortissant franco-tunisien, Onsi Abichou, alors que cette extradition faisait peser sur lui de sérieux risques de torture.
Alors qu’il effectuait un bref séjour en Allemagne dans le cadre de son travail, Onsi Abichou a été arrêté par la police le 17 octobre 2009, sur la base d’un mandat d’arrêt international délivré par la Tunisie pour trafic de stupéfiants. De sérieux risques de tortures pesant sur lui en cas d’extradition, l’ACAT a adressé une plainte au Comité contre la torture qui, le 25 août 2010, a demandé à l’Allemagne de sursoir à l’extradition. En violation de cette demande, les autorités allemandes l’ont extradé le jour-même. Incarcéré dès son arrivée en Tunisie, il a demandé la révision des deux condamnations à perpétuité prononcées par la justice tunisienne en son absence, le 27 juin 2009. Après une nouvelle condamnation à perpétuité le 11 décembre 2010 sur la seule base d’aveux obtenus sous la torture d’un de ses complices présumés, le Franco-Tunisien Mohamed Zaïed [2], il a finalement été acquitté et libéré en février 2011, après la révolution. Du fait de l’attention portée sur lui par la société civile, il n’a pas été torturé durant sa détention en Tunisie.
Selon Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb et Moyen-Orient à l’ACAT, « L’ampleur du phénomène tortionnaire tunisien était bien connu à l’époque où les autorités allemandes ont autorisé l’extradition. Nous espérons que grâce à la décision du Comité, l’Allemagne réfléchira à deux fois avant de mettre sciemment des personnes en danger. »
Il s’agit de la première condamnation de l’Allemagne par le Comité contre la torture. Cette décision a pour fondement l’article 3 de la Convention de l’ONU sur la torture qui interdit les renvois dangereux. L’Allemagne est à présent tenue de « fournir une réparation à la victime, y compris par une indemnisation adéquate », selon la décision du Comité.
Pour Onsi Abichou, « Rien ne me fera oublier la peur et la souffrance psychologique que j’ai ressenties lors de mon extradition et pendant toute ma détention en Tunisie. Mais grâce à la décision du Comité, je sens qu’un premier pas décisif a été fait sur la voie de la justice. J’espère que l’Allemagne respectera cette décision et manifestera sa volonté de réparer le mal qu’elle a commis. »
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