Tchad
Appel urgent

Où en sont les enquêtes concernant la répression des manifestations d’avril et de mai 2021 ?

Au moins 16 personnes ont été tuées par balles à N’Djamena et Moundou lors de la répression de plusieurs manifestations interdites par les autorités entre le 27 avril et le 19 mai 2021. Le 27 avril, le Président Emmanuel Macron a condamné "avec la plus grande fermeté la répression". Face à l’absence d’enquêtes indépendantes et impartiales sur ces événements au Tchad, la France doit se mobiliser pour que vérité et justice soient apportées aux victimes.
Manifestation Tchad

 

Au moins 16 personnes ont été tuées par balles à N’Djamena et Moundou lors de la répression de plusieurs manifestations interdites par les autorités entre le 27 avril et le 19 mai 2021. Le 27 avril, le Président Emmanuel Macron a condamné "avec la plus grande fermeté la répression". Face à l’absence d’enquêtes indépendantes et impartiales sur ces événements au Tchad, la France doit se mobiliser pour que vérité et justice soient apportées aux victimes.

 

A la suite de l’annonce du décès du Président Idriss Déby Itno, le 20 avril 2021, et de la prise du contrôle du pays par un conseil militaire de transition (CMT) dirigé par l’un des fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno, de nombreuses voix se sont fait entendre au Tchad comme à l’étranger pour dénoncer cette décision qui ne respecte pas l’ordre constitutionnel et qui s’apparente à un coup d’Etat militaire.

Les 27 et 28 avril, puis les 8 et 19 mai, des centaines de tchadiens – membres et sympathisants de partis d’opposition et d’organisations de la société civile ou simples citoyens – sont descendus manifester dans les rues de N’Djamena et de plusieurs autres villes dont Moundou et Doba, à l’appel de la coalition dénommée Wakit Tama (« Le temps est venu », en arabe tchadien). Ces manifestations, interdites par la junte au pouvoir, ont fait l’objet d’une répression sanglante de la part des forces de défense et de sécurité, qui ont fait un usage excessif de la force en ayant recours aux armes à feu pour disperser les participants.

Au moins seize personnes ont été tuées par balles au cours de ces quatre journées de répression et des dizaines d’autres ont été blessées. Les forces de l’ordre ont également arrêté plus de 700 personnes selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), majoritairement des hommes âgés d’une vingtaine d’années. Plusieurs ont été victimes d’actes de torture et/ou de mauvais traitements au moment de leurs arrestations et/ou durant en détention. La plupart ont été depuis libérés. Des journalistes ont été également brièvement arrêtés au cours des manifestations et leurs images et vidéos ont été supprimées et leurs appareils confisqués.

Le 5 mai 2021, le ministre de la Justice Mahamat Ahmat Alhabo a affirmé sur RFI : «  c’est la première chose que l’on va demander, que monsieur le procureur ouvre une enquête, pour savoir qui a tiré sur les manifestants et pourquoi il a tiré. Qui a donné l’ordre à cette personne de tirer ? »

Deux mois plus tard, plus aucune autorité tchadienne ne parle d’enquête ni du besoin de vérité et de justice par rapport à ces événements. Il est temps que la France, le principal partenaire du Conseil militaire de transition (CMT) exige que des enquêtes soient menées au Tchad de manière indépendante et impartiale afin que les responsables répondent de leurs actes devant la justice.

 

 

Demandons aux autorités françaises d’intervenir pour que les responsables des répressions des manifestations d’avril et de mai 2021 répondent de leurs actes devant la justice :


- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la par voie électronique ou par postale au Président de la République française. Vous pouvez également envoyer une copie de votre lettre à l'ambassadeur de France au Tchad par voie électronique ou voie postale.

- Tweetez notamment les comptes @EmmanuelMacron, @Elysee, @FranceauTchad, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

 

CONTEXTE

 

Le Tchad est l’un des trois pays les plus pauvres du monde. Il est classé 187ème sur 190 à l’indice de développement humain (IDH) malgré une manne pétrolière conséquente, des ressources aurifères et cotonnières. Jusqu’à sa mort brutale, annoncée le 20 avril 2021, Idriss Déby a gouverné le Tchad d’une main de fer durant une trentaine d’années après sa prise de pouvoir par les armes en 1990. La croyance d’un Tchad indispensable à la sécurité du Sahel et du bassin du Lac Tchad a permis au Président Déby, militaire de carrière, de faire l’impasse sur l’édification d’un État nation avec le silence complaisant de ses partenaires internationaux, notamment la France.

Dès l’annonce du décès du Président maréchal, des militaires haut gradés ont indiqué mettre en place un Conseil militaire de transition (CMT) arguant d’une situation sécuritaire exceptionnelle. Cette prise de pouvoir s’est faite en violation de l’ordre constitutionnel et des principes démocratiques et de l’Etat de droit.

Dans la foulée de sa création, le CMT – composé de 14 généraux proches d’Idriss Déby – a déclaré suspendre la Constitution, dissoudre le gouvernement et l’Assemblée nationale, procéder à la fermeture des frontières et à l’instauration d’un couvre-feu. Le lendemain, une charte de la transition a été adoptée par le CMT, de manière unilatérale et sans consultation des politiques et de la société civile. Cette charte confie des pouvoirs considérables au général Mahamat Idriss Déby, l’un des fils d’Idriss Déby, âgé de 37 ans : « président de la République, chef de l’Etat et chef suprême des armées ».

Saluée par la France et les pays du G5 Sahel et acceptée par le reste de la communauté internationale (Union européenne, Union africaine), cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle a été vivement rejetée par de nombreux Tchadiens, qui considèrent ce coup d’Etat comme une succession dynastique. Pour marquer leur désapprobation, des Tchadiens sont descendus dans les rues de plusieurs villes le 27 avril malgré les interdictions de rassemblements annoncées par les putschistes. La répression a été violente, avec un usage disproportionné de la force létale provoquant la mort d’au moins neuf personnes. Cette répression peut être perçue comme révélatrice de l’absence de volonté réelle de la junte au pouvoir d’ouvrir un dialogue inclusif pour sortir le Tchad de l’impasse politico-militaire dans laquelle les 31 années de présidence Déby l’ont conduit.

De nouvelles manifestations exigeant une transition vers un régime civil ont été réprimées le 28 avril puis les 8 et 19 mai. Les manifestants ont, à chaque fois, contesté les interdictions prononcées par des institutions considérées comme non légales depuis le coup d’Etat. Inversement, le CMT a, dans le même temps, autorisé plusieurs marches de soutien démontrant une différence de traitement et par conséquent des mesures disproportionnées et non conformes au droit international.

Alors que les principes de base des Nation unies disent que les forces de défense et de sécurité ne peuvent utiliser des armes à feu pour disperser les rassemblements violents que s'il n'est pas possible d'avoir recours à des moyens moins dangereux, et seulement dans les limites du minimum nécessaire, des militaires et des policiers se sont servis à plusieurs reprises de leurs armes à feu comme un outil de maintien de l’ordre. Dans plusieurs autres cas, des victimes ont été tuées par des hommes armés en tenue civile qui ont tiré depuis des véhicules banalisés, arrivés en même temps que les forces de l’ordre. Ces dernières ne sont jamais intervenues pour mettre un terme à ces tirs ou arrêtés leurs auteurs.

Au cours de cette période, l’ONG Human Rights Watch a estimé que plus de 50 personnes ont été « passées à tabac » puis arrêtées par les forces l’ordre avant qu’elles ne soient transférées dans divers postes de police. Au moins 10 personnes se trouveraient encore en détention à la prison centrale de N’Djamena, pour des accusations de « destruction de biens publics et privés, de troubles à l’ordre public, de manifestations illégales et de violences ».

Plusieurs acteurs internationaux ont condamné ces répressions, notamment le président Emmanuel Macron et son homologue congolais Félix Tshisekedi dans une déclaration conjointe le 27 avril, le Rapporteur spécial de l’Union africaine sur les défenseurs des droits de l’homme le 29 avril, le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nation unies le 30 avril et le Parlement européen le 19 mai. Pour l’ACAT-Tchad « l’armée, la police et la gendarmerie tchadienne ont tiré à balles réelles sur un groupe de manifestants pro-démocratie ».

Cette répression sanglante a dissuadé de nombreux Tchadiens à continuer à manifester dans la rue pour dénoncer la transition militaire. L’ACAT-France suit avec précision la situation des droits humains au Tchad et veille, avec ses partenaires, qu’ils sont respectés et qu’en cas de violations, les autorités sont mises devant leurs responsabilités.

 

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