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Égypte
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Ramy Shaath en détention depuis un an déjà !

Le 5 juillet dernier marquait un an de détention de Ramy Shaath, un militant égypto-palestinien, alors que les cas de Covid-19 augmentent dans les prisons égyptiennes.
ramy shaath

Alors que Ramy Shaath vient de passer plus d’un an en détention provisoire, la crise du Covid-19 continue de frapper l’Égypte, touchant également les prisons où l’on signale au moins 14 décès parmi les détenus[1]. Cette situation est particulièrement alarmante sachant que Ramy est enfermé dans une cellule de 25 m2 avec 17 codétenus et que les gardes ne respectent pas toujours les gestes barrières. Alors qu’elle est toujours bloquée en France, son épouse, Céline Lebrun Shaath, a été autorisée pour la première fois par les autorités égyptiennes à échanger par téléphone avec Ramy pendant 45 minutes en mai dernier. Il lui a également été signalé qu’elle pourrait rendre visite à son mari une fois que les mesures exceptionnelles imposées en raison de la crise du Covid-19 seraient soulevées.

Arrêté à son domicile le 5 juillet après minuit par une douzaine d’agents lourdement armés sans qu’aucun mandat ou motif ne lui ait été présenté, Ramy Shaath n’est réapparu que 36 heures plus tard devant le parquet de la Sûreté de l’État, sans n’avoir pu contacter ni son avocat ni sa famille. Malgré l’absence de base légale incriminant ses activités pacifiques, il est accusé d’assistance à un groupe terroriste en l’absence de toute preuve et est rajouté à une affaire pénale déjà existante dans laquelle sont poursuivis plusieurs militants et opposants politiques. Alors qu’il souffre d’un taux élevé de cholestérol et d’un ulcère, Ramy est privé de soins médicaux adaptés par les autorités pénitentiaires. Son épouse Céline, une enseignante française résidant au Caire depuis sept ans et mariée à Ramy depuis un an, était présente lors de son arrestation. Elle a immédiatement été expulsée vers la France sans pouvoir prévenir les autorités consulaires françaises. Elle est désormais interdite de séjour en Egypte et ne peut donc rendre visite à son époux.

Le 25 septembre 2019, un autre militant du mouvement BDS Egypte que coordonnait Ramy, Mohamed El-Masry, est également arrêté dans le cadre de la même affaire. Depuis le 25 novembre 2019, la détention provisoire de Ramy est régulièrement renouvelée de 45 jours, avec un prochain renouvellement attendu début août 2020. Alors que la campagne internationale appelant à la libération de Ramy et des autres détenus politiques prenait de l’ampleur en France comme à l’international, une chambre du tribunal du Caire inscrit le 18 avril 2020 Ramy, Mohamed et d’autres militants et activistes politiques sur la liste de terroristes de l’Egypte, et cela sans avoir communiqué les accusations précises contre Ramy et sans avoir accordé à ses avocats la possibilité de préparer ou de présenter leur défense.

Ramy Shaath, fils de l’homme d’État palestinien Nabil Shaath, est un acteur important de la scène politique palestinienne et égyptienne, âgé de 49 ans. Habitant au Caire depuis 1977, Ramy fut lui-même un conseiller de Yasser Arafat. Il se fit également connaître pendant la révolution égyptienne de 2011 et contribua à la création de divers partis, mouvements et coalitions de gauche, libéraux ou pro-démocratie. Depuis 2015, il coordonne la branche égyptienne du mouvement BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions), une campagne internationale faisant pression sur Israël pour le respect des droits des Palestiniens. Juste avant son arrestation, Ramy avait exprimé publiquement son opposition au Deal du Siècle pour la Palestine proposé par l’administration Trump, critiquant également le soutien de l’Égypte à cette initiative. Les militant.es du mouvement BDS font l’objet de nombreuses restrictions et poursuites judiciaires dans plusieurs pays, y compris en France[2], dans le but de neutraliser le mouvement.

 

 Mobilisons-nous auprès des autorités égyptiennes pour demander la libération de Ramy Shaath ! 

- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au procureur général égyptien Hamada al-Sawy, à l'ambassadeur égyptien en France et au représentant permanent égyptien auprès des Nations unies à Genève.

- Partagez : Tweetez, postez sur Facebook, faites le savoir autour de vous !

 

         CONTEXTE

 

Depuis la reprise du pouvoir par le régime militaire en 2013, l’Egypte connaît une dégradation extrêmement préoccupante en matière de droits humains. Pourtant, avec la Révolution du 25 janvier 2011, un espoir était né pour les Egyptiens rêvant d’un pays plus respectueux de la dignité humaine et de l’état de droit. Cependant, l’establishment militaire a toujours réussi à garder la main sur les affaires, empêchant ainsi tout pouvoir indépendant et démocratique de s’établir tout en utilisant habilement les failles et les erreurs des nouveaux dirigeants. La situation a définitivement basculé le 14 août 2013 lorsque les forces de sécurité, sous le commandement du Général Abdelfattah al-Sissi, ont massacré les partisans du président Mohamed Morsi rassemblés sur les places de Rabaa et Ennahda au Caire, faisant entre 800 et 1000 morts selon différentes organisations de droits humains.

Très vite, al-Sissi s’est imposé comme l’homme fort de l’Egypte et a réussi à se faire élire en 2014, puis à nouveau en 2018, remportant à chaque fois 97% des voix. De nouveaux amendements constitutionnels adoptés en avril dernier permettent à al-Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2030 tout en faisant de l’armée « la garante de la démocratie, de la Constitution et du caractère civil de l’État ». Cette modification entérine ainsi la possibilité pour l’armée d’intervenir à tout moment dans la vie politique, en s’opposant par exemple à des résultats électoraux qu’elle considérerait comme menaçant la démocratie, constitutionnalisant ainsi le coup d’état militaire.

Entre-temps, le régime s’est attaqué à toute opposition en commençant par les Frères musulmans, désignés comme groupe terroriste et dont est issu Mohamed Morsi – le premier président égyptien élu démocratiquement et décédé en détention en 2019. Les autres mouvements politiques démocratiques, de gauche ou laïcs subissent également la répression. Les militaires s’en prennent aussi aux médias indépendants ainsi qu’aux activistes et défenseur.es des droits humains. Les autorités les accusent habituellement d’assistance à une organisation terroriste, d’appartenance à un groupe terroriste ou encore de diffusion de fausses informations menaçant la sécurité de l’Etat.

En invoquant des liens supposés avec les Frères musulmans, le pouvoir poursuit ainsi des personnalités de la société civile, des défenseur.es des droits humains et des membres de mouvements politiques laïcs ou de gauche devant des tribunaux spéciaux dit de la Sûreté de l’Etat, qui traitent des affaires terroristes. Parallèlement, la menace terroriste ne diminue pas et le régime y répond par toujours plus de répression : arrestations arbitraires, recours à la torture, procès inéquitables, condamnations à morts et exécutions, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires deviennent courants voire systématiques, entraînant encore plus de radicalisation.

Après la vague d’arrestations de juin dernier dans le cadre de l’affaire dite de l’Espoir, l’Egypte a connu des manifestations inédites les 20 et 21 septembre 2019. Le régime a réagi par une campagne d’arrestations massives sans précédent, entre 2500 et 4000 personnes arrêtées selon différentes sources. Parmi elles, on compte de nombreuses figures de l’opposition, des militant.es politiques ainsi que des avocats et des défenseur.es des droits humains comme Mohamed El-Baker. Ces manifestations font suite à plusieurs vidéos d’un certain Mohamed Ali, un homme d’affaire égyptien exilé en Espagne qui accuse le Président al-Sissi et ses proches ainsi que l’armée de corruption et de gabegie. Ces révélations, bien que difficiles à vérifier, interviennent dans un contexte économique difficile pour des millions d’Egyptiens qui subissent de plein fouet les mesures d’austérité imposées depuis 2016 alors que l’armée s’impose plus que jamais comme l’acteur économique dominant.

La crise du Covid-19 marque une nouvelle détérioration de la situation des droits humains en Égypte en plus de l’aggravation de la situation économique et sanitaire. D’une part, le régime profite de la crise pour attaquer une nouvelle fois les militant.es et journalistes qui expriment un avis critique sur la gestion de la crise par les autorités égyptiennes. D’autre part, les conditions de détention des prisonniers sont rendues encore plus difficiles. Les visites des familles et des avocats sont suspendues sans mise en place de moyens de communication alternatifs. Pendant un temps, les vêtements, affaires et paniers repas des familles n’étaient plus acceptés. De plus, les mesures d’endiguement du coronavirus ne semblent pas être à la hauteur des enjeux, étant donné la promiscuité et la surpopulation carcérale en plus des conditions sanitaires largement dégradées. Enfin, la plupart des détentions provisoires sont pour la grande majorité renouvelées de manière automatique sans audience, en l’absence des prisonniers et sans audition des avocats.


[1] Coronavirus : Infections multiples et décès dans les prisons égyptiennes, selon Human Right Watch, 20/07/20202, 20 Minutes avec AFP, https://www.20minutes.fr/monde/2825451-20200720-coronavirus-infections-multiples-deces-prisons-egyptiennes-selon-human-right-watch

[2] En 2010, la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie demandait par une circulaire de poursuivre systématiquement et spécifiquement les appels au boycott de produits israéliens, une décision qu’aucun autre pays européen n’avait pris. Le 11 juin 2020, la France a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression, en raison des condamnations prononcées contre des militant.es du mouvement BDS qui appelait au boycott des produits israéliens.

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