Pour une vraie loi de tolérance zéro contre la torture et les mauvais traitements
11 254 plaintes pour torture ont été enregistrées par la Commission nationale des droits de l’homme entre 2005 et 2013. La torture est une pratique généralisée et en nette recrudescence depuis le lancement de la politique gouvernementale de « guerre contre le crime » en 2008. Elle est utilisée comme première, voire seule méthode d’enquête pour obtenir les aveux qui seront retenus à titre de preuves par les juges. D’après le Conseil fédéral de la magistrature, seules quatre condamnations pour torture ont été prononcées entre 2005 et 2013.
Un peu d’espoir est né en juillet 2015 quand, à la faveur d’une réforme constitutionnelle, la Chambre des députés et le Sénat ont été chargés de formuler une loi générale contre la torture, c’est-à-dire une loi unique mettant fin aux lois inadaptées et toutes différentes au niveau fédéral et des états fédérés. C’est une opportunité historique pour la mise en place d’un cadre légal efficace, sans équivoque et conforme aux standards internationaux.
Cependant, le 10 décembre 2015, le président Peña Nieto a soumis son propre projet de loi aux parlementaires, un projet qui comporte plusieurs dispositions inquiétantes qui ne tiennent pas compte des normes internationales ni des recommandations faites par les ONG mexicaines.
C’est pourquoi l’ACAT, avec 9 autres ONG internationales, adresse ses huit principaux points de préoccupation dans une lettre ouverte au président du Sénat où le projet est actuellement en discussion. Nous voulons œuvrer à l’approbation d’un projet de loi de tolérance zéro contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants avant sa transmission à la Chambre des députés.
L’ACAT demande notamment à ce que la loi générale contre la torture :
- adopte une qualification pénale unique concernant les crimes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, avec les mêmes obligations d’enquête, de protection et de réparation intégrale des victimes. Ce n’est pas le cas dans le projet de loi présidentiel ce qui nous fait redouter que les victimes de mauvais traitements soient lésées et que des actes de torture soient qualifiés en mauvais traitements afin de contourner les sanctions ;
- exclue, sans aucune exception possible, toute preuve obtenue, directement ou indirectement, sous la torture et les mauvais traitements. En ce sens, l’article 47 de l’initiative présidentielle est particulièrement problématique. Il prévoit la possibilité de poursuivre une procédure dès lors que « la même information [preuve] aurait pu être obtenue indépendamment des faits dénoncés ». C’est ouvrir la voie à la fabrication de preuves sous la contrainte et rendre ces preuves admissibles en inventant un autre scénario par lequel elles auraient pu être obtenues ;
- stipule que chaque examen médico-psychologique des personnes arrêtées et détenues doit être conforme aux dispositions prévues par le Protocole d’Istanbul, en l’espèce la norme reconnue au niveau international pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le projet présidentiel n’y fait aucune référence. Or actuellement les examens effectués ne respectent que rarement les règles (déroulé des entretiens, indépendance des médecins, etc.) ;
- prévoie la participation permanente de la société civile au Mécanisme national de prévention (MNPT) afin de garantir le suivi effectif de la torture et des mauvais traitements dans tous les lieux de détention.