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Nécessité d’appuis techniques internationaux pour la bonne tenue des enquêtes sur les morts par balles

Depuis la mi-octobre 2019, au moins 31 civils ainsi qu'un gendarme seraient morts par balles, à Conakry et dans plusieurs autres villes de Guinée, lors de journées de manifestations du Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Les enquêtes en cours sur ces décès par balles piétinent, comme les précédentes enquêtes de ce type…
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Depuis la mi-octobre 2019, au moins 31 civils ainsi qu'un gendarme seraient morts par balles, à Conakry et dans plusieurs autres villes de Guinée, lors de journées de manifestations du Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Les enquêtes en cours sur ces décès par balles piétinent, comme les précédentes enquêtes de ce type…

 

Au moins trois personnes ont été tuées par balles durant les deux journées de manifestations des 13 et 14 janvier 2020. Le 14 janvier, alors que des jeunes et des forces de l’ordre s’affrontent dans la ville de Labé, Souleymane Sow est mortellement touché par une balle à la tête vers 13h00, à proximité du rond-point Hoggo M’bouro. Le même jour à Conakry, dans le quartier de Cosa, commune de Ratoma, Mamadou Sow est «  tué par une balle tirée par un agent des forces de l'ordre qui pourchassaient les jeunes » indique son oncle. La victime prenait alors « un café dans un bistrot du quartier » lorsqu’une balle a transpercé sa poitrine.

Dans les jours qui ont suivi, des vidéos montrant des forces de l’ordre tirant avec des armes de guerre (AK-47 ou AKM) sont apparues sur les réseaux sociaux.

Face à ce « comportement désobligeant de certains agents » - rendu indéniable par ces vidéos publiques - le 15 janvier, le directeur général de la police nationale, Ansoumane Camara, a annoncé la mise en place « d’une commission d’enquête spéciale pour rechercher et identifier les auteurs » de ces actes, sans toutefois en préciser les contours (mandat, composition, moyens à sa disposition, temporalité de l’enquête). Le 16 janvier, le ministre de la sécurité publique, Albert Damatang Camara, a admis sur France24 qu’il n’était pas « exclu qu’il y ait des bavures ».

Le 21 janvier 2020, lors de l’examen périodique universel (EPU) de la Guinée au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le ministre de la justice, Mamadou Lamine Fofana, a publiquement indiqué que les officiers de police judiciaire (OPJ) ne disposaient pas de moyens techniques appropriés pour enquêter sur les morts par balles lors des manifestations. Des OPJ sont pourtant régulièrement formés aux nouvelles techniques d’enquêtes judiciaires afin d’améliorer leurs capacités opérationnelles sur le terrain. Mais ces derniers manquent de moyens matériels pour enquêter efficacement. La Guinée est-elle prête à demander une aide technique aux polices scientifiques de pays partenaires pour de telles enquêtes ? C’est en sanctionnant les auteurs de tirs à balles réelles que la Guinée rompra avec sa longue habitude d’usage des armes à feu lors des manifestations.

 

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CONTEXTE

 

Depuis 2019, la Guinée est en proie à une répression croissante des libertés de manifestation dans un contexte de crise politique liée au projet de nouvelle Constitution, que le gouvernement tente de faire passer afin de maintenir au pouvoir Alpha Condé au-delà d’octobre 2020, date de la fin de son second et dernier mandat selon la Constitution en vigueur.

Une longue histoire de répressions des manifestations

L’usage excessif des armes à feu dans la gestion des manifestations est une habitude des forces de l’ordre en Guinée. Du 14 au 16 octobre 2019, au moins 11 personnes – dont un gendarme – ont été tuées par balles et plusieurs dizaines d’autres blessées par balles à Conakry et dans d’autres villes de Guinée en proie à des mouvements de contestation populaire lancés par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Entre 2005 et 2015, au moins 350 personnes sont mortes et plus de 1 750 autres ont été blessées lors de manifestations. La plupart ont été blessées ou tuées par les balles des forces de l’ordre.

Des enquêtes promises mais rarement menées jusqu’au bout

Les hiérarchies de la police et de la gendarmerie affirment régulièrement que les forces de l’ordre n’ont pas le droit de porter des armes létales lorsqu’elles encadrent des manifestations. Dès qu’il y a des morts par balles, les autorités ouvrent officiellement des enquêtes. Mais ces enquêtes n’aboutissent quasiment jamais : les autorités préférant, sans en apporter la moindre preuve, rejeter la responsabilité des morts sur les manifestants et l’opposition.

Le 20 janvier 2020, le porte-parole du gouvernement, Aboubacar Sylla, a indiqué sur RFI, « Si nous avons des preuves, si nous avons des indices qui permettent de remonter jusqu’à l’origine de ceux qui tirent [...] nous ferons des enquêtes ». Étranges propos car les enquêtes sont normalement entreprises pour recueillir des preuves et non l'inverse. Pour le porte-parole Aboubacar Sylla : « Il n’y a pas de preuves qui permettent d’identifier ceux qui tirent. Il y a trop de perturbations des scènes de crime », comme si l’Etat n’était ni en capacité de savoir quelles unités de police ou de gendarmerie se déplacent, dans quels quartiers, avec quels équipements ni de connaître le nom des membres des forces de l’ordre impliqués.

Jusqu’à ce jour, un seul élément des forces de l’ordre a été condamné pour un tir mortel survenu lors d’une manifestation. Le capitaine de police Kaly Diallo a été condamné le 4 février 2019 à 10 ans de prison ferme par le tribunal de Dixinn pour la mort par balle de Thierno Hamidou Diallo, survenue en marge d’une manifestation de l’opposition le 16 août 2016 dans le quartier de Bambéto, dans la commune de Ratoma, à Conakry.

A Genève, lors de l’EPU, de nombreux États, dont la France, ont évoqué leur inquiétude concernant l'encadrement des manifestations ces derniers mois et demandé des enquêtes impartiales sur les violences survenues lors des manifestations. Pour justifier l’absence de résultats dans ses enquêtes, le ministre guinéen de la Justice Mamadou Lamine Fofana a indiqué que « les policiers n'étaient jusque-là pas formés pour mener des enquêtes balistiques. Mais cela devrait changer, puisque les agents de police sont en train d'être formés ». Aux dernières nouvelles, un policier a été mis aux arrêts pour avoir tiré en l’air avec une arme létale dans un périmètre de manifestation. A suivre…

 

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