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Rwanda
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Mort suspecte en détention du chanteur Kizito Mihigo

Kizito Mihigo, chanteur chrétien très connu au Rwanda, est mort à l’âge de 38 ans alors qu’il était sous la responsabilité des autorités rwandaises. Ces dernières ont indiqué, dans une déclaration, qu’il s’était suicidé dans sa cellule au sein du commissariat de police de Remera à Kigali, capitale du Rwanda. Son corps sans vie aurait été retrouvé le 17 février au matin. Ni le rapport d’enquête ni le rapport d’autopsie n’ont été rendus publics. Kizito Mihigo se savait en danger et souhaitait fuir le Rwanda pour vivre en Europe. L’ACAT-France appelle à l’ouverture d’une enquête indépendante sur sa mort suspecte.
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Kizito Mihigo, chanteur chrétien très connu au Rwanda, est mort à l’âge de 38 ans alors qu’il était sous la responsabilité des autorités rwandaises. Ces dernières ont indiqué, dans une déclaration, qu’il s’était suicidé dans sa cellule au sein du commissariat de police de Remera à Kigali, capitale du Rwanda. Son corps sans vie aurait été retrouvé le 17 février au matin. Ni le rapport d’enquête ni le rapport d’autopsie n’ont été rendus publics. Kizito Mihigo se savait en danger et souhaitait fuir le Rwanda pour vivre en Europe. L’ACAT-France appelle à l’ouverture d’une enquête indépendante sur sa mort suspecte.

 

Kizito Mihigo est un rescapé du génocide des Tutsis de 1994, un temps choyé par le régime de Paul Kagame puis haï après la sortie de sa chanson « Igisobanuro cy'urupfu[1]» (L'explication de la mort) en mars 2014, qui abordait à demi-mot les crimes commis contre les Hutus[2] par le régime de Paul Kagamé. Un sujet tabou au Rwanda. A cause de cette chanson, Kizito Mihigo a été enlevé, en avril 2014, détenu au secret, torturé, menacé de mort et condamné, en février 2015, à 10 ans de prison à l’issue d’un procès inique. En septembre 2018, il a retrouvé la liberté, en vertu d’une amnistie présidentielle, en pleine campagne de promotion du poste de Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo ; élue avec le soutien de la France. A sa sortie de prison, Kizito Mihigo a été averti qu’il n’aurait plus droit à une seconde chance.

Kizito Mihigo, avec qui l’ACAT-France était en contact depuis septembre 2019, voulait quitter le Rwanda et demander l’asile en Europe. Il ne pouvait plus travailler dans son pays : ses chansons étaient interdites d’antenne dans les médias publics et pro-gouvernementaux et plus personne ne voulait le faire travailler par peur des représailles. Mais sans passeport, il lui était impossible de demander un visa et de partir légalement.

Le Bureau d’enquêtes rwandais (Rwanda Investigation Bureau, RIB) a indiqué que Kizito Mihigo avait été arrêté par des « organes de sécurité » le 13 février 2020 près de la frontière avec le Burundi dans le district de Nyaruguru. Accusé de tentative de traverser la frontière de manière illégale et de vouloir rejoindre des « groupes terroristes », il aurait été transféré vivant à Kigali.

Si Kizito Mihigo avait réussi à fuir au Burundi, il aurait vraisemblablement rejoint l’Europe et commencé une nouvelle carrière musicale auprès de la diaspora rwandaise. Le régime de Paul Kagame l’en a empêché et aujourd’hui ce même régime déclare que cet « apôtre de la réconciliation » s’est suicidé ceci sans présenter le moindre rapport d’enquête.  

L’ACAT-France ne peut pas se contenter de la seule déclaration d’une page des autorités rwandaises qui écartent toute responsabilité dans le décès de Kizito Mihigo et concluent qu’il « montrait des signes de dépression ».

 

Vous souhaitez vous mobiliser pour demander une véritable enquête indépendante sur le décès de Kizito Mihigo ?

 

- Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la aux autorités rwandaises.

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CONTEXTE

 

Au Rwanda, les personnes perçues comme étant des détracteurs du gouvernement rwandais et des opposants font régulièrement l’objet de menaces et d’intimidations. Ces dernières années, plusieurs d’entre elles ont disparu, parfois en prison, sont décédés de mort suspecte ou ont été assassinés. Chaque fois, les autorités rwandaises ont manqué à leur devoir d’enquêter de manière exhaustive, indépendante et impartiale. Justice n’a jamais été rendue pour ces victimes considérées comme des traîtres et des ennemis du régime en place. Avant de mourir, Kizio Mihigo avait affirmé à Human Rights Watch (HRW) qu’il faisait l’objet de menaces pour fournir des faux témoignages contre des opposants politiques et qu’il voulait quitter le pays car il craignait pour sa sécurité.

Un modèle pour la jeunesse rwandaise

Kizito Mihigo est un rescapé du génocide des Tutsis qui a fait plus de 800 000 morts au Rwanda en 1994. Réfugié au Burundi voisin, il retourne au Rwanda à la fin du génocide et intègre le séminaire de Butare. Doué pour la musique, il participe à 20 ans à la composition du nouvel hymne national. En 2001, avec le soutien des autorités rwandaises, il est admis au Conservatoire de musique de Paris. A son retour, il crée la Fondation pour la paix et se consacre à la réconciliation entre Rwandais. Il est alors choyé par le régime. Artiste incontournable des commémorations du génocide des Tutsis, il chante chaque année et ses chansons passent dans tous les médias nationaux.

Une descente aux enfers à cause d’une chanson

Tout bascule pour lui en mars 2014 lorsqu’il rend publique sa chanson « Igisobanuro cy'urupfu » (L'explication de la mort) pour la mémoire du génocide dans laquelle il a eu l’outrecuidance de parler de toutes les victimes. Sa composition est très mal acceptée par le gouvernement, jusqu’au plus haut niveau de la Présidence de la République. Kizito Mihigo subit des menaces de mort pour faire supprimer la chanson sur Internet, chose impossible car régulièrement relayée ou remise sur Internet par de tierces personnes. De compositeur admiré de tous, Kizito Mihigo passe du jour au lendemain au statut d’ennemi public numéro un. Un véritable cauchemar pour lui. Le 1er avril 2014, Kizito Mihigo, lors d’une réunion avec le cabinet du président de la République, promet de ne plus interpréter la chanson. Cinq jours plus tard, le 6 avril, il est enlevé aux alentours de midi par deux policiers en civil alors qu’il était en voiture. Mis dans un pick-up, insulté, avec un sac sur la tête pour ne pas voir où il est emmené, Kizito Mihigo est acheminé jusqu’à une forêt qu’il pense se situer en banlieue de Kigali. Il croit sa dernière heure arriver. Finalement, l’équipage repart sur Kigali passe à son bureau prendre son ordinateur puis à son domicile. Il est ensuite conduit au Parlement. Ses interlocuteurs sur place lui disent qu’ils ont un « problème avec sa chanson » et qu’ils ont trouvé des échanges compromettants sur son téléphone. Il est emprisonné au secret neuf jours dans une maison d’habitation à Kigali ou à proximité. Menotté, sans pantalon, sans aucun contact avec l’extérieur, il subit de nombreux interrogatoires, parfois brutaux (frappé à coups de bâton). A aucun moment, il n’est informé des accusations portées contre lui. Son absence à Kigali lors de la commémoration du génocide des Tutsis, le 7 avril 2014, et les jours suivants, le fait que personne ne sache où il se trouve commence à faire du bruit. Radio France Internationale (RFI) pose des questions. Le 15 avril, le chanteur est montré aux journalistes.

En février 2015, la Haute Cour de Kigali condamne Kizito Mihigo à 10 ans de prison pour des délits présumés de « formation d’une association de malfaiteurs, planification de meurtre et complot d’attentat contre le pouvoir établi ou le président » après que ce dernier ait plaidé coupable sous la contrainte et les menaces.

Le 15 Septembre 2018, il est libéré. Peu de temps après, il est convoqué à l’Inspection générale de la police (IGP) où l’un de ses interlocuteurs lui dit « vous devez arrêter de chanter pour la paix et la réconciliation » et vous ne devez plus commettre les mêmes erreurs : « vous n’aurez plus la chance d’aller en prison ».

 

 


[1] « Le génocide m’a rendu orphelin. Mais cela ne doit pas me faire oublier les autres personnes qui ont souffert aussi, victimes d’une haine qui n’a pas été qualifiée de génocide. Ces frères et sœurs sont aussi des êtres humains. Je prie pour eux. Ces frères et sœurs sont aussi des êtres humains. Je les soutiens. Ces frères et sœurs sont aussi des êtres humains. Je pense à eux »

 

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