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Monté Sumé : violence d’État et impunité

Il existe des pays dans lesquels les forces de sécurité peuvent tuer, en toute impunité, des centaines de civils, sans aucune réaction des plus hautes autorités au pouvoir, ni de la communauté internationale. L’un de ces pays est l’Angola, où a eu lieu, en avril 2015, le massacre « enterré » de Monté Sumé.
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Le mois d'avril 2017 est, en Angola, celui d'un triste anniversaire. Il y a deux ans, la zone de Sao Pedro Sumé (dit Monté Sumé) était le théâtre d'un massacre de plusieurs jours. Nous sommes le 16 avril 2015 lorsque José Julino Kalupeteka, leader charismatique de l'Église évangélique « Lumière du monde », prêche dans cette région montagneuse et reculée du centre de l'Angola. C'est là, dans le territoire historique du principal parti de l'opposition, l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), qu'il a décidé d'implanter son fief. Environ trois mille fidèles ont répondu à son appel de venir s'installer et vivre leur foi auprès de lui.

Munis d'un mandat d'arrêt, des policiers débarquent au campement et essayent de convaincre Kalupeteka de se rendre. Selon les témoignages recueillis par Rafael Marques de Morais, lanceur d’alerte angolais, Kalupeteka aurait refusé d’être menotté. Ses fidèles seraient intervenus et l’un des policiers aurait tiré, déclenchant les violences qui ont fait plusieurs morts parmi les forces de l’ordre. Après avoir entendu les coups de feu, d’autres policiers et militaires seraient arrivés en renfort et auraient commencé à tirer au hasard dans la foule, alors qu’il y avait des femmes et des enfants.

Représailles et vengeance

Quelques jours plus tôt, l’Église « Lumière du monde » avait été interdite et désignée comme une « une secte » par les autorités, alors qu’elle existe en réalité depuis une quinzaine d’années. Subitement, le président José Eduardo dos Santos la considérait comme « une menace à la paix et à l'unité nationale ». C’est qu’avec ses 50 000 fidèles à travers le pays, José Julino Kalupeteka fait peur, tant au niveau local que national. Le flou quant à ses intentions aussi. Et si ce chanteur de gospel devenu prêcheur décidait de soutenir l’UNITA face au régime du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) en place depuis l’indépendance ? Le pouvoir angolais craignait de voir son principal adversaire politique être soutenu par un homme capable de soulever les foules.

Après ce premier épisode de violence, immédiatement considéré comme un acte de guerre contre les autorités publiques, une vaste opération de représailles et de vengeance contre les membres de l’Église « Lumière du monde » a été organisée. Des barrages ont été installés autour de la montagne afin de la rendre inaccessible. Une véritable chasse à l’homme a été menée sur le terrain, sans témoins gênants. Le 18 avril, Kalupeteka se serait rendu à la police. Le 5 mai, son avocat, David Mendes, l’a rencontré en prison. Kalupeteka portait des séquelles physiques de tortures.

Silence radio

Le bilan officiel des violences de Monté Sumé est de vingt-deux morts, dont neuf policiers. De leur côté, plusieurs organisations locales de défense des droits de l’homme  avancent des chiffres beaucoup plus élevés : près de 700 morts. Le président du groupe parlementaire UNITA, Raul Danda, indiquait quant à lui le chiffre de 1 000 morts, sans toutefois en apporter les preuves.

Une chose est sûre, les autorités angolaises n’ont rien fait pour établir la vérité sur ce qui s’est passé à São Pedro Sumé le 16 avril 2015 et les jours suivants. L’accès au site a, au contraire, été interdit pendant plusieurs jours à toute personne extérieure. Le 12 mai 2015, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a appelé à la mise en place d’une commission d’enquête. Le gouvernement angolais a contesté cette déclaration et demandé à l’ONU de fournir des preuves ou de présenter des excuses officielles. Depuis, le HCDH n’a plus jamais reparlé publiquement des événements de Monté Sumé. Aucun des États partenaires de l’Angola - dont la France - n’a fait de déclaration publique sur le sujet.

Parodie de justice

Face au silence et aux dénégations, une vidéo montrant des dizaines de corps inertes a été mise en ligne sur YouTube fin mai 2015. On y voit notamment un policier en train d’achever un homme à terre, à coups de bâton sur la tête. Dans la foulée, les autorités angolaises ont indiqué qu’une enquête du bureau du procureur général était en cours ; déclaration qui a, semble-t-il, satisfait la communauté internationale puisqu’elle est restée muette. Finalement, une seule procédure judiciaire a été ouverte : José Julino Kalupeteka et dix de ses fidèles ont été poursuivis pour « homicide aggravé » des neufs policiers qui tentaient de procéder à son arrestation.

Leur procès - encadré comme il se doit par le pouvoir politique - s’est ouvert le 22 janvier 2016. Le pouvoir judiciaire n’a pas été en mesure d’établir la vérité et le nombre exact de personnes tuées pendant l’opération n’a pas été établi. Le 5 avril 2016, au terme d’une parodie de justice, le tribunal provincial d’Huambo s’est contenté, comme il lui avait été demandé, de condamner José Kalupeteka à vingt-huit ans de prison ferme pour « neuf homicides, tentatives d’homicides, rébellion, résistance aux autorités et possession illégale d’arme à feu ». Sept de ses disciples ont été condamnés à vingt-quatre ans et deux autres à seize ans de prison. Selon l’avocat de la défense,  ils auraient été « battus, torturés et violés ».

Aujourd’hui encore, des survivants de São Pedro Sumé se cachent par peur de représailles. Plusieurs d’entre eux ont réussi à fuir à l’étranger et demandent l’asile, notamment en France. La répression contre l’Église « Lumière du monde » et ses adeptes semble se poursuivre. Selon la Deutsche Welle, média international allemand, un autre massacre aurait été perpétré en août 2016 dans un village de la province de Kassongue, où une quarantaine d’adeptes vivaient au moment de l'attaque. Très peu de personnes auraient survécu. Là encore, l'armée et la police avaient bouclé la zone autour du village après leur opération. Nul doute que plus de deux ans après le massacre de Monté Sumé, l’impunité et le silence de la communauté internationale encourage la répétition des violences contre les membres de l’Église « Lumière du monde ».

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