Le prix Engel-du Tertre de la Fondation ACAT décerné à Meron Estefanos
La Fondation ACAT pour la dignité humaine a décerné samedi 21 novembre le prix Engel-du Tertre 2015 à Meron Estefanos, une journaliste et défenseure des droits de l’homme suédo-érythréenne, engagée contre le kidnapping et la torture des réfugiés érythréens dans le Sinaï.
Meron Estefanos a quitté l’Erythrée il y a 25 ans pour la Suède où elle vit désormais. Elle a co-fondé l’International Commission on Eritrean Refugees (Stockholm). Depuis 2010, elle lutte particulièrement contre les kidnappings et tortures pour rançon infligés aux Erythréens dans la région du Sinaï. Son action a fait l’objet de plusieurs documentaires, dont « Voyage en barbarie », lauréat du prix Albert Londres 2015.
Au Sinaï, torture contre rançon
Un peu plus de vingt ans après avoir obtenu son indépendance, l’Erythrée est l’un des pays les plus militarisés et répressifs au monde. Chaque mois, 4 000 Erythréens au bas mot prennent les routes de l’exil. On estime malgré tout que 300 000 Erythréens ont fui leur pays depuis l’an 2000.
Sur les routes de l’exil, les Erythréens sont victimes des passeurs dont le sanglant marché est celui de la « torture contre rançon ». Brûlures au plastique fondu, électrocutions, viols répétés, suspension par les mains pendant des jours, sévices psychologiques, passage à tabac… Hommes, femmes et enfants sont kidnappés sur les routes migratoires ou au sein même des camps de réfugiés (Soudan, Ethiopie), et livrés à des bourreaux qui les torturent en espérant tirer de cette « méthode » des sommes faramineuses.
Aujourd’hui, le trafic prolifère dans toute la Corne et le Nord de l’Afrique. Depuis 2013, une opération militaire de nettoyage s’est mise en place dans le Sinaï suite à la destitution du président Morsi. Face aux frappes militaires, les maisons de torture se délocalisent : il en existe désormais au Soudan, en Libye, au Yémen.
Portrait d’une militante infatigable
Opposante au régime d’Issaias Afeworki, Meron Estefanos est animatrice depuis 2010 d’une émission hebdomadaire sur Radio Erena - média d’opposition érythréen qui émet depuis l’Europe.
Aujourd’hui, le trafic se développe et s’exporte dans les pays voisins. Pour accélérer les rançons, les trafiquants torturent en direct, maintenant un téléphone devant la personne qu’ils maltraitent. Meron reste au bout du fil et tente par tous les moyens de sauver leurs vies.
Mère de deux enfants, elle est entièrement dévouée à cette cause malgré la difficulté de la mission qu’elle s’est confiée et les conséquences induites sur sa vie personnelle. Meron ne dort plus beaucoup, répond toute la journée à des personnes en détresse victimes de tortures inhumaines. Et loin de n’agir que depuis chez elle, Meron donne des conférences et s’est fixé pour objectif de faire connaître cette cause à travers le monde. Mission en partie réussie, puisqu’au cours des deux dernières années, deux documentaires ont été réalisés à partir de ses actions. Elle se rend une demi-douzaine de fois par an à Bruxelles pour y faire du plaidoyer auprès des institutions européennes.
Meron poursuit également un nouvel objectif : traquer les passeurs et les tortionnaires, qui parviennent parfois, contre toute attente, à se faufiler parmi les listes des réfugiés accueillis dans les démocraties occidentales.