Grenades de désencerclement : quatre policiers jugés 11 ans après les faits
Le 16 mai 2007, en marge d’une manifestation à laquelle elle ne participait pas, une jeune femme a été touchée par des éclats d’une grenade de désencerclement. Ce projectile l’a touchée au visage, lui faisant perdre l’usage d’un œil ainsi que le goût et l’odorat. En décembre 2008, trois policiers ont été mis en examen pour coups et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité permanente totale de travail. Ils ont toutefois bénéficié d’un non-lieu, faute d’identification formelle du policier à l’origine du tir. Il a fallu attendre septembre 2017 pour que la Cour de cassation infirme cette décision et décide de renvoyer l’affaire devant la chambre de l’instruction.
C’est donc onze ans après les faits que le tribunal correctionnel de Lyon jugera enfin les trois policiers mis en cause ainsi que le commissaire en charge des opérations. L’ACAT dénonce depuis de nombreuses années la durée excessive des procédures pénales, notamment dans le cadre des affaires impliquant des forces de l’ordre.
Les grenades de désencerclement, une arme dangereuse
Utilisées depuis 2004, les grenades de désencerclement provoquent une forte détonation et projettent 18 galets en caoutchouc qui se dispersent dans toutes les directions au moment du déclenchement de la charge. Elles contiennent du TNT et visent à disperser une foule.
Au cours des dernières années, l’ACAT a recensé plusieurs personnes victimes de blessures graves après avoir été atteintes par des projectiles de grenades de désencerclement, dont trois qui ont perdu un œil. Ces personnes ont notamment été mutilées par les galets ou les résidus métalliques projetés qui peuvent entailler profondément la peau et causer des blessures graves, voire irréversibles. Les grenades peuvent par ailleurs occasionner des lésions auditives, en raison de la puissance de leur détonation.
L’ACAT recommande un encadrement plus strict de l’utilisation des grenades explosives et préconise de les réserver à des situations très exceptionnelles. Comme pour les armes à feu, l’ACAT demande par ailleurs que les conditions d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité soient inscrites dans la loi.
Un autre maintien de l’ordre est possible
Ce procès intervient alors que, fin août, un nouveau marché public d’une valeur de 1,7 million d’euros a été publié par le ministère de l’Intérieur pour l’achat de 40 000 grenades désencerclement pour les quatre prochaines années.
L’ACAT s’inquiète du volume de cette commande alors qu’un précédent marché, d’une valeur de 17,5 millions d’euros a déjà été attribué en mai dernier pour l’achat de grenades lacrymogènes. Le nombre considérable de munitions commandées en quelques mois semble témoigner d’une volonté des autorités à accroitre le recours à ces armes dont la dangerosité est démontrée.
Ces commandes renforcent le sentiment d’une police française surarmée par rapport aux autres Etats européens alors que la liste des blessés graves par des armes de force intermédiaire ne cesse de s’allonger. L’ACAT rappelle que dans un contexte de maintien de l’ordre, les dommages susceptibles d’être causés par ces armes semblent bien supérieurs aux bénéfices qui peuvent en être tirés en termes de sécurité publique.
L’ACAT estime urgent de repenser en profondeur le modèle du maintien de l’ordre français, au risque de voir la liste des blessés et décès s’allonger encore, et de creuser de manière durable le fossé entre police et population. Plutôt qu’augmenter les dotations en armes, elle invite les autorités françaises à repenser leur doctrine d’intervention, dans le respect des droits de l’homme et au regard des expériences étrangères.
Carte d’identité de la grenade de désencerclement : https://www.acatfrance.fr/public/carteid-armes.pdf (1ère page)
Un autre maintien de l’ordre est possible : https://www.acatfrance.fr/public/un-autre-maintien-de-l-ordre.pdf