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Disparus après avoir couvert l’épidémie du coronavirus

Depuis le 6 février 2020, l’avocat devenu journaliste-citoyen Chen Qiushi est porté disparu. Quelques jours plus tard, Fang Bin, un autre citoyen chinois ayant documenté la vie à Wuhan depuis le déclenchement de l’épidémie du coronavirus a été arrêté et est probablement détenu au secret.
chen qiushi fang bin

Chen Qiushi (陈秋实), âgé de 34 ans, est un avocat des droits humains originaire de la province du Heilongjiang, au nord de la Chine. Face à l’ampleur prise par l’épidémie du coronavirus, il embarque dès le 23 janvier à bord d’un train pour Wuhan, au centre du pays, juste avant la mise en quarantaine de la ville. Son objectif : témoigner de la réalité de l’épidémie. Il sillonne les hôpitaux de la ville pour rendre compte du chaos ambiant. Sur les réseaux sociaux, il est suivi par plusieurs centaines de milliers de personnes. Dans sa dernière vidéo, diffusée en direct le 4 février, Chen Qiushi interviewait un résident de Wuhan dont le père était décédé du coronavirus. Depuis le 6 février 2020, ses proches sont sans nouvelles de lui, et son compte sur le réseau social Weibo a été supprimé.

Fang Bin (方斌), un ancien  homme d’affaires et habitant de Wuhan, avait lui aussi décidé de défier la censure mise en place par les autorités et de faire toute la transparence sur la crise affectant sa ville. Son premier reportage vidéo date du 25 janvier. Il documente la surcharge des hôpitaux, et publie notamment des images des corps des victimes de la maladie, empilés dans des bus transformés en corbillards de fortune. Au début du mois, la police vient frapper chez lui pour le placer « en quarantaine ». Il refuse et se voit confisquer une partie de son équipement électronique. Le 9 février 2020, il a été arrêté à son domicile par des policiers en civil sans aucun mandat. Aucune information n’a depuis été fournie à ses proches.

 

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CONTEXTE

Les journalistes-citoyens, un véritable contre-pouvoir face à la censure d’État

Chen Qiushi et Fang Bin sont journalistes-citoyens, un terme signifiant qu’ils ne disposent pas d’une accréditation officielle délivrée par les autorités et ne sont rattachés à aucun média d’Etat. Tous deux ont décidé de filmer ce qui se passait à Wuhan, berceau de l’épidémie du coronavirus, et de poster leurs vidéos sur WeChat (un service de messagerie chinois), YouTube ou Twitter. Ils documentaient entre autres l’inquiétude et la colère des habitants de Wuhan face à la gestion de la crise sanitaire par les autorités chinoises. Mauvaise prise en charge des patients, personnel de santé épuisé, mise en quarantaine forcée, corps dans les couloirs des hôpitaux... Autant d’images qui n’apparaissent pas dans les médias traditionnels, strictement contrôlés par le Parti communiste. Sur les réseaux sociaux, le pouvoir fait face à une fronde inhabituelle, accusé d’avoir tardé à réagir au déclenchement de l’épidémie tout en entravant la liberté d’expression. La mort au début du mois de février d’un médecin de Wuhan, Li Wenliang, a alimenté la colère populaire. Il avait été parmi les premiers à donner l’alerte sur le virus et avait été réprimandé par la police qui l’accusait de propager des rumeurs.

Répression sur les « rumeurs » autour du coronavirus

Alors que le gouvernement chinois peine à contenir l’épidémie à l’origine d’au moins 2 000 décès au niveau mondial et ayant infecté près de 75 000 personnes, il tente par tous les moyens de contenir et contrôler l’information autour de la crise. L’agence de propagande chinoise purge les médias autorisés de tout contenu trop critique. Des journalistes ont été dépêchés à Wuhan avec l’ordre de produire une couverture plus « positive » des évènements. Le Parti communiste tente de son côté de rediriger la colère des citoyens chinois vers les autorités locales, rendues responsables de la mauvaise gestion de l’épidémie. Plusieurs officiels locaux ont été démis de leurs fonctions. Les voix indépendantes, à l’image des journalistes-citoyens, sont réduites au silence au motif qu’elles « propagent des rumeurs » tandis que les contenus postés sur les réseaux sociaux sont lourdement censurés. La Chine est classée 177ème sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2019.

  • Disparitions forcées