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Des pays d’origine sûrs ? Pas si sûr. L’exemple de la Géorgie

Derrière les images de cartes postales, se cachent souvent des violations des droits de l’homme quotidiennes .La réalité des pays pourtant dits « d’origine sûrs » et inscrits comme tels sur une liste officielle française, démontre à quel point le concept est dangereux pour les demandeurs d’asile. La Géorgie en est un exemple emblématique.
Carte-Georgie

Derrière les images de cartes postales, se cachent souvent des violations des droits de l’homme quotidiennes et tout à fait lugubres. La réalité des pays pourtant dits « d’origine sûrs » et inscrits comme tels sur une liste officielle, démontre à quel point le concept est dangereux pour les demandeurs d’asile. La Géorgie en est un exemple emblématique.

C’est légal, mais est-ce bien juste ? Il existe en droit français et dans les directives européennes sur l’asile un concept discutable, contre lequel l’ACAT a pris position de longue date, et dont elle demande la suppression : le concept de pays d’origine sûrs.

Si une personne a fui un pays dit « sûr » et invoque un risque de persécutions en cas de retour, elle subit automatiquement une procédure expéditive (la procédure « accélérée ») sans qu’on s’intéresse véritablement à son histoire personnelle ni qu’on se préoccupe de son risque réel de persécutions. L’administration française peut lui retirer des droits, du temps et réduire les chances de succès de sa demande d’asile sur la seule base de sa nationalité. Le placement en procédure accélérée réduit de plus de 50% les chances pour le demandeur d’asile d’être effectivement protégé[1]

Quelles sont les nationalités discriminées ? Il existe une « liste des pays d’origine sûrs » établie par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), qui décide en premier lieu de qui obtient ou non le statut de réfugié. Figurent en principe sur cette liste de pays dont l’OFPRA estime qu’ils « veille(nt) au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales »[2].   Mais les sources sur lesquelles se fonde l’OFPRA pour considérer qu’un pays est « sûr » ne sont pas publiques ni contradictoires, et donc pas vérifiables. En pratique cette liste sert plutôt de soupape à l’OFPRA, cette même administration qui est souvent confrontée à des problèmes de « flux »…

Il y a actuellement 16 pays sur cette liste : Albanie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Ghana, Inde, Macédoine, Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie. Certains de ces pays évoquent des destinations touristiques, ensoleillées et paisibles.  D’autres un peu moins. Derrière les images de cartes postales, on le sait bien, se cachent souvent des violations des droits de l’homme quotidiennes et tout à fait lugubres. La réalité de ces pays pourtant dits sûrs, démontre à quel point le concept est fallacieux, et dangereux pour les demandeurs d’asile.

La Géorgie est un exemple criant. L’ACAT suit plusieurs personnes géorgiennes demandeuses d’asile qui ont subi des procédures accélérées en raison de leur nationalité. Leur demande a été traitée au lance-pierre et elles ont été rejetées par l’OFPRA, alors qu’elles ont vécu des choses terribles du fait de leur passé politique ou en raison de leur orientation sexuelle. On leur rétorque que leurs récits et leurs craintes de persécutions ne sont pas crédibles.

La Géorgie a connu la guerre en 2008. Le pays avait alors été retiré de la liste, où il figurait depuis 2005. Mais depuis décembre 2013, l’OFPRA a replacé la Géorgie sur cette liste des pays d’origine sûrs. On se satisfait parfois un peu hâtivement d’un changement de gouvernement pour affirmer que désormais « ça va mieux », « le pays se démocratise », « il est en bonne voie ». On est pourtant loin du compte en termes de respect des droits fondamentaux.

En Géorgie, malgré une transition en apparence démocratique entre l’ancien président Mikhaïl Saakashvili et son premier ministre rival Bidzina Ivanishvili en novembre 2013, les violations des droits de l’homme restent courantes. La corruption reste endémique et ni la police, ni la justice, ni les médias ne sont indépendants. De nombreux cas de torture en garde à vue ont été dénoncés mais aucune enquête transparente n’a été diligentée par les autorités. Les ONG indépendantes s’inquiètent en outre de plusieurs cas de poursuites judiciaires instiguées à des fins de répression politique d’opposants ou de personnes indésirable au régime. Les minorités religieuses et les personnes homosexuelles sont victimes de violences récurrentes. Les violences graves faites aux femmes y sont généralisées. Tout cela est largement toléré par les autorités. Par ailleurs, la Géorgie reste un pays géopolitiquement instable, ce qui fragilise les populations civiles. Les régions du nord d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, sont convoitées par la Russie, qui, après une guerre éclair en 2008, y encourage les mouvements indépendantistes. Dans l’espoir d’annexer ces anciennes provinces de l’URSS. Comme l’Ukraine, qui figurait elle aussi sur la liste de pays d’origine sûrs jusqu’en mars 2014, la Géorgie reste une poudrière. Alors peut-on vraiment parler de pays d’origine sûrs ?

Violations des droits de l’homme en Géorgie. Quelques chiffres emblématiques.

  • Sur les 18 cas présumés de mauvais traitements, à la connaissance d'Amnesty International, aucune poursuite n'avait été engagée fin 2014[3]
  • 25 femmes et jeunes filles au moins auraient trouvé la mort du fait de violences domestiques en 2014. Dans plusieurs cas la victime avait demandé en vain une protection policière[4].
  • Le Comité des droits de l’homme des Nations unies dénonce le fait que le système judiciaire géorgien, et notamment sa procédure de procès avec jury, viole le droit au procès équitable et relève la persistance des persécutions contre des personnes appartenant à des minorités religieuses. Il critique l’absence d’ «organe indépendant et impartial chargé d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements imputés à des policiers et à d’autres agents de la force publique, notamment des tortures et des traitements inhumains ou dégradants. »[5]
 

[1] Selon les statistiques communiquées par l’OFPRA, en 2014, seules 7% des demandeurs d’asile placés en procédure accélérée ont obtenu une protection, tandis que le taux de protection des personnes en procédure normale – déjà bien faible- est de 16%.

[2] Article L741-4 2° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

[4] Idem

  • Droit d'asile