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Dang Xuan Diêu, hyperactiviste en exil

Dang Xuan Diêu a été libéré le 12 janvier 2017 à la condition qu’il quitte le Vietnam. Soutenu par l’ACAT pendant sa détention, notamment lors de la Nuit des Veilleurs en 2016, il est venu nous rencontrer peu de temps après son arrivée en France. Retour sur son parcours et ses années de détention.
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« J’ai une obligation morale de témoigner vis-à-vis des personnes qui sont torturées en prison ou qui le seront. J’espère que mon témoignage permettra de changer les choses au Vietnam. »

Ce qui frappe quand on rencontre pour la première fois Dang Xuan Diêu [Diêu, son prénom, se prononce « Dzio »], c’est sa détermination et son engagement affirmé.

Hyperactif de l’engagement social et citoyen, il était, avant son incarcération, impliqué dans de multiples causes : soutien à l’éducation des jeunes vivant dans la pauvreté, aide de victimes de typhons, assistance aux personnes souffrant de handicaps, bénévole dans un centre de protection pour les femmes, publication d’articles sur la persécution religieuse … Tout en étant entrepreneur dans les ponts et chaussées. « Juste après mon arrestation, je me suis demandé pourquoi j’avais fait autant de choses, s’amuse-t-il. Je suis un petit dormeur avec 4 à 6h par nuit. Je ne supporte pas de rester sans rien faire. J’ai été le premier dans mon village à poursuivre des études supérieures et J’ai voulu contribuer à aider les gens autour de moi. »

Procès sans défense

Mais son engagement finit par lui coûter sa liberté. En 2010, il rejoint Viet Tan, un mouvement politique d’opposition interdit par le gouvernement vietnamien. Le 30 juillet 2011, Dang Xuan Diêu revient d’une formation à l’étranger sur la sécurité numérique et l’action civique non violente. À l’aéroport, il est arrêté. « On m’a emmené dans une pièce sombre et remis à des officiers en civil. Les interrogatoires ont duré trois jours, jour et nuit. Ils voulaient me faire dire que ma formation et mon appartenance à Viet Tan visait à renverser le régime. Ils m’ont privé d’eau, de nourriture, empêché d’aller aux toilettes. Ils cherchaient à m’intimider. Ils m’ont giflé, donné des coups, menacé : « Si tu ne coopères pas, on va te tuer ». » Le troisième jour, il est inculpé et transféré dans un lieu de détention officiel.

Il passe 16 mois en détention provisoire, privé de tout contact avec l’extérieur. Dang Xuan Diêu est jugé en janvier 2013 avec 14 autres personnes. L’avocat désigné par la famille a accès aux 4 000 pages du dossier juste avant l’audience, sans possibilité de préparer la défense. Pendant l’audience, le juge lui ordonne de se taire. « Le procès a duré plus de deux jours. Les sentences avaient été déterminées à l’avance. Je n’ai pas reconnu les chefs d’inculpation, tout simplement parce que je ne me sentais pas coupable d’avoir souhaité un changement pacifique. »

La peine tombe : 13 ans de prison. Il est condamné pour « tentative de renversement du gouvernement », une disposition fréquemment utilisée pour condamner les dissidents et faire taire les voix critiques du pouvoir politique.

L’ACAT est informée de sa situation. Avec une dizaine d’ONG internationales, elle interpelle les autorités vietnamiennes et informe les ambassades étrangères sur place. Le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire est également saisi et confirmera que la détention de Dang Xuan Diêu est arbitraire.

Continuer le combat, même en prison

À la suite de sa condamnation, Dang Xuan Diêu subit un traitement plus dur. « Ils voulaient que je reconnaisse le verdict et ma culpabilité, pense-t-il. J’ai été mis dans une cellule avec des voyous à la solde des gardiens. Ils m’ont passé à tabac, ils me frappaient, m’insultaient, me menaçaient de mort. Ils m’ont asservi : je devais nettoyer la cellule, faire bouillir de l’eau… Les humiliations et la pression psychologique ont été plus dures à supporter que la violence physique. » Sa santé se détériore rapidement. Les gardiens craignent qu’il ne décède. Ils retirent les voyous de sa cellule.

Commence alors une période où « Diêu-le-prisonnier » va redevenir « Diêu-le-militant » : il va se battre pour défend les droits des détenus, pour que tous puissent recevoir des habits et des couvertures, des rations de nourriture suffisantes, des produits d’hygiène basiques… Il va multiplier les requêtes auprès de l’administration pénitentiaire. Placé à l’isolement en représailles, le pied enchaîné, il va entamer une grève de la faim pendant plus de vingt jours, à l’issue de laquelle ses demandes seront acceptées.

En tout, il passera par six prisons différentes, délibérément situées loin de chez lui pour compliquer les éventuels voyages de sa famille. Jamais ses proches ne parviendront à le voir, excepté son frère avec qui il a pu s’entretenir très brièvement, une seule fois. Dang Xuan Diêu est privé de visite, de courrier et d’appel téléphonique pendant cinq ans et six mois de détention. « Les opposants politiques n’ont pas le même régime que les prisonniers de droit commun », observe-t-il.

« Les courriers envoyés de l’étranger ont un écho »

En 2014, un de ses co-détenus est libéré et témoigne des conditions de détention de Dang Xuan Diêu. L’ACAT se mobilise, ce qui porte ses fruits : « En tant que chrétien, c’est très important d’être soutenu par d’autres chrétiens. La communion par la prière est un soutien indéniable. »

En 2016, il reçoit sa première visite en prison, celle d’un représentant de l’Union européenne (UE), accompagné de quatre diplomates étrangers. Ils lui demandent s’il accepterait de s’exiler en échange de sa libération. Un accord semble être en cours de négociation avec les autorités d’Hanoï, mais il refuse. « La prison m’a alors puni en m’envoyant au mitard six mois. Les conditions ont été difficiles. Les représentants européens sont revenus avec une lettre de ma famille qui me demandait de partir pour ma sécurité et ma liberté. J’ai fini par accepter. On m’a immédiatement sorti du quartier d’isolement. Le 12 janvier 2017, trois heures avant le décollage pour la France, j’ai été informé de ma libération, on m’a transféré à l’aéroport et mis dans un avion pour Paris. »

Malgré ses années de prison et son exil forcé, il s’est adapté à sa nouvelle vie en France. Très soutenu et entouré depuis son arrivée, Diêu prend des cours de français. Déjà, il a commencé à parcourir l’Europe pour témoigner, accompagner d’autres militants vietnamiens dans leurs rencontres avec les autorités et plaider en faveur du respect de l’État de droit dans son pays.

Au Vietnam ou en Europe, qu’il soit libre ou en détention, Duang Xuan Diêu reste un hyperactiviste. Cela, personne ne pourra jamais lui enlever.

Comment soutenir les prisonniers vietnamiens ?

  • Si vous voyagez au Vietnam, n’hésitez pas à aller visiter les familles des prisonniers, « non dans une démarche politique mais dans un geste amical et solidaire », explique Dang Xuan Diêu.
  • Envoyer des lettres et des appels urgents, ou signer des pétitions en faveur d’un prisonnier : « Le plus important, c’est le nombre de personnes qui y participent, le nombre de courriers envoyés. Ca a un impact ! Il faut aussi prévenir la famille du détenu si possible car le soutien moral compte beaucoup. »
  • Encourager les représentants diplomatiques sur place ou en visite officielle à rendre visite aux défenseurs des droits de l’homme emprisonnés.

Chiffres clefs

13 ans, durée de la condamnation de Dang Xuan Diêu

5 ans et demi, passés en prison au Vietnam

6 prisons dans lesquelles Dang Xuan Diêu a été enfermé

0 visite de ses proches et de son avocat pendant sa détention

  • Torture