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Réfugiés en France : accueillons-les… enfin

A l'occasion de la journée des réfugiés, le 20 juin, l'ACAT a publié une tribune de Jean-Etienne de Linares, délégué général de l’ACAT, qui constate que la France n’a pas pris la mesure de l’enjeu en termes de respect des droits de l’homme.
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400. C’est le nombre de réfugiés que la France prévoit de recevoir chaque mois, en provenance de la Grèce, de l’Italie et de la Turquie. Elle s’est souverainement engagée auprès de l’Union européenne à accueillir 30 000 personnes au total, entre septembre 2015 et septembre 2017. À ce rythme, il lui faudra pourtant au moins six ans pour remplir ses engagements. Aujourd’hui, parmi ces réfugiés, 29 500 attendent encore que nous les accueillions. Où sont-ils ? Entassés dans les camps insalubres du nord de la Grèce, emprisonnés dans des centres de détention sur les îles grecques, livrés à eux-mêmes dans les rues d’Ankara. Qui sont-ils ? Des réfugiés venus de Syrie, d’Irak, d’Erythrée pour la plupart. Des femmes, des hommes et des enfants qui, ayant fui la guerre et les persécutions, ont un besoin urgent et manifeste de protection. La France a les moyens matériels de les accueillir et elle en a l’obligation juridique et morale. Sans compter qu’elle n’est pas le pays qui accueille le plus de réfugiés, loin s’en faut. Rien ne saurait justifier ses manquements, qui semblent traduire un manque de volonté politique et de vision à long terme.

Une demande en augmentation constante mal gérée

L’augmentation du nombre de demandes d’asile au sein de l’Union européenne depuis 2015, par son ampleur, n’a fait que révéler les défaillances des politiques migratoires européennes, elle n’en a nullement été le déclencheur. Bien que pleinement conscients de la demande croissante de protection de centaines de milliers de personnes fuyant les conflits et les persécutions, et de leurs obligations internationales et européennes en la matière, les États membres - dont la France - n’ont pas pris la mesure de l’enjeu en termes de respect des droits humains. En focalisant leurs efforts sur le tarissement immédiat des flux de réfugiés par le refoulement, la dissuasion et le repli, l’Europe et la France oublient l’essentiel : il est de leur devoir non pas de stopper les flux mais de mieux accueillir et protéger les personnes qui en ont besoin. Elles ne peuvent se féliciter de porter atteinte à la liberté fondamentale qu’est le droit de demander l’asile et d’en bénéficier.

L’UE hors la loi

Malgré de multiples rappels au droit, malgré les sonnettes d’alarme tirées par les associations comme par les institutions de protection de droits de l’homme depuis de nombreux mois, leurs voix ne sont pas entendues. Dans une forme d’entêtement inacceptable, l’UE tente aujourd’hui à tout prix de couvrir d’un vernis de légalité les violations graves des droits fondamentaux qu’elle entérinait il y a quelques mois en concluant un accord de renvoi des réfugiés vers la Turquie. C’est un pays tiers sûr pour les réfugiés, nous dit-on. Demain, elle pourrait aussi être considérée comme un pays d’origine sûr pour ses citoyens, où les droits de l’homme, l’état de droit et la démocratie seraient respectés. C’est du moins le projet très inquiétant de la Commission européenne qui pourrait être adopté dans les semaines à venir.

 

La France doit reprendre la main

Face à une Allemagne qui souffle le chaud et le froid sur l’Union européenne, la France doit reprendre le leadership pour l’abandon de cet accord avec la Turquie et la mise en œuvre effective des mécanismes existants de relocalisation et de réinstallation des réfugiés. Elle doit également défendre l’adoption à l’échelle européenne de nouvelles mesures courageuses et ambitieuses visant à offrir davantage de voies d’accès légales et sûres, seul moyen de mettre un terme aux drames humains qui frappent sur les chemins de l’exil. La prochaine réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants, le 19 septembre 2016, sera aussi l’occasion pour la France de jouer un rôle de premier ordre dans la mise en place de programmes d’accueil à l’échelle internationale, à la hauteur du défi que représentera la protection des victimes de conflits et de persécutions dans les nombreuses années à venir.

Ne pas reproduire les erreurs du passé

Finalement, on observe un décalage frappant entre l’opinion française et les politiques publiques actuelles. Selon un sondage publié le 19 mai par nos confrères d’Amnesty International, 82% des Français sont en effet favorables à l’accueil des réfugiés en France et 63% sont convaincus que la France devrait faire plus dans ce domaine. Les Français auraient-ils meilleure mémoire que leurs responsables politiques ? La seconde guerre mondiale, née de la montée des nationalismes et des totalitarismes, a failli nous détruire. L’Europe est parvenue à se relever en créant un espace inédit de protection des droits humains, pour tous, vers lequel convergent aujourd’hui des milliers de femmes et d’hommes à la recherche d’une protection. Elle a également initié l’adoption de normes internationales fortes reconnaissant le devoir qu’à chaque État d’accueillir et protéger les réfugiés, quel que soit leur pays d’origine. N’oublions pas notre héritage historique, ni les valeurs humanistes et solidaires qui sont les fondements de la construction européenne. N’attendons pas de reproduire les erreurs passées pour réaliser ensuite que nous sommes allés trop loin, que nous avons failli dans notre humanité.

Jean Etienne de Linares, délégué général de l'ACAT

Tribune publiée sur le site de la Croix

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