Un journaliste bloggeur détenu arbitrairement
Monsieur Mayadine Mahamat Babouri est en prison. Cela fait huit mois que ce journaliste et bloggeur, très actif sur les réseaux sociaux, est détenu arbitrairement pour avoir posté des vidéos sur Facebook dénonçant la corruption et le bilan économique du gouvernement tchadien.
M. Mayadine Mahamat Babouri a été arrêté arbitrairement à N’Djamena, le 30 septembre 2016, par des agents de l’Agence nationale de sécurité (ANS). Lors de ses premiers jours de détention, il a été torturé - notamment à l’électricité - et privé de tout droit de visite. Il a ensuite été envoyé au centre de détention de Koro-Toro.
Le 10 octobre 2016, il a été inculpé d’ « atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité territoriale et d’intelligence avec un mouvement insurrectionnel ». Il avait posté plusieurs vidéos sur Facebook qui critiquaient la mauvaise gestion de la crise économique et la mauvaise utilisation de fonds publics par les autorités gouvernementales.
M. Mayadine Mahamat Babouri est aujourd’hui incarcéré à la prison de Moussoro.
Ces derniers mois, sur fond de grave crise socio-économique dans le pays, divers acteurs de la société civile dénoncent la mauvaise gouvernance et l’absence d’État de droit au Tchad. Jusqu’à ce jour, au lieu d’écouter et de prendre en compte les revendications légitimes de cette société civile, les autorités tchadiennes répondent par la répression et les arrestations successives et arbitraires des voix contestataires.
Mobilisons-nous en faveur de la libération de M. Mayadine Mahamat Babouri ! Mobilisons-nous en faveur des libertés d’expression au Tchad !
Contexte
Le Président Idriss Déby Itno est arrivé au pouvoir par les armes en 1990. Il a été réélu pour un cinquième mandat en avril 2016, à l’issu d’un scrutin non transparent où il a recueilli 60 % des voix. Pays producteur de pétrole et pays pivot dans la lutte contre le terrorisme sahélien, le Tchad est un allié précieux des Etats occidentaux, et plus particulièrement de la France.
Un régime qui étouffe toute critique du pouvoir et toute contestation sociale
Depuis le début de l’année 2017, le pays traverse une sévère crise économique et sociale, aggravée par l’effondrement des prix du pétrole. Face à un front social et des mouvements citoyens qui se développent et s’unissent, le régime d’Idriss Déby Itno a décidé d’user de la dérive autoritaire pour mettre un terme aux critiques et aux contestations sociales. En février 2017, 69 étudiants ont été condamnés à un mois de prison ferme pour « outrage à l’autorité de l’État » après avoir protesté contre la suppression de leurs bourses.
Une société civile qui malgré la peur se mobilise
Le 25 mars 2017, le mouvement citoyen « Iyina » et les coalitions « Trop c’est trop » et « Ça suffit », qui militent pour l’alternance démocratique au Tchad, ont lancé la campagne « Tournons la page » (TLP) à l’occasion d’un rassemblement à la Bourse du travail de N’Djamena. Présente dans sept pays africains, en Belgique ainsi qu’en France où elle est coordonnée par le Secours Catholique, la campagne TLP est un « mouvement citoyen transcontinental qui regroupe des membres de la société civile d’Afrique et d’Europe dans le but de promouvoir la démocratie sur le continent africain ».
Nadjo Kaïna et Bertrand Solo Gandere du mouvement citoyen « Iyina » ont récemment fait de la prison début avril pour avoir appelé à une journée de désobéissance civile le 10 avril, et encouragé la population à s’habiller en rouge pour exprimer leur ras-le-bol quant à la mauvaise gouvernance dans le pays.
Les arrestations successives de militants de la société civile sont la preuve que la dynamique activiste qui agite actuellement le pays est prise très au sérieux par le régime, analyse Sofia Meister de l’IFRI dans sa note « Réseaux sociaux et mobilisations citoyennes : le nouvel activisme tchadien ».
Pour aller plus loin : « Réseaux sociaux et mobilisations citoyennes : le nouvel activisme tchadien » https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/meister_reseaux_sociaux_mobilisations_citoyennes_tchad_2017.pdf