Un ancien membre de l’ACAT-Burundi en prison
Monsieur Germain Rukuki, ancien membre de l’ACAT-Burundi, est actuellement détenu arbitrairement au Burundi. Il est accusé « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » et de « rébellion » pour avoir collaboré avec l’ACAT-Burundi, association interdite par le régime en place. M. Rukuki est emprisonné parce qu’il est défenseur des droits de l’homme et que son travail dérange le régime répressif du Président, mal élu, Pierre Nkurunziza.
M. Germain Rukuki a été arrêté sans mandat, à son domicile de Bujumbura, le 13 juillet 2017 par des policiers. En violation de la loi, il est resté détenu au secret quatorze jours dans les locaux du Service national de renseignements (SNR). Le 26 juillet 2017, il a été transféré à la prison de Ngozi sans avoir été auditionné par le magistrat du Parquet, autre violation de la loi.
Lors de sa première audition, le 1er août 2017, M. Germain Rukuki a été accusé « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » et de « rébellion » pour avoir collaboré avec l’ACAT-Burundi. Au cours des auditions suivantes, le Ministère public n’a apporté aucune preuve de ces accusations. En violation de la loi, le 17 août, la Chambre du conseil du Tribunal de grande instance de Ntahangwa a décidé de confirmer le placement en détention préventive de M. Germain Rukuki.
Le 25 août, plusieurs Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont réagi publiquement, indiquant se préoccuper dans cette affaire de « l’usage d’accusations d’atteinte à la sécurité nationale pour viser l’exercice légitime de la liberté d’expression et de la liberté d’association ».
Vu les nombreuses irrégularités constatées dans la procédure judiciaire intentée à l’encontre de M. Germain Rukuki et l’absence de la moindre preuve de culpabilité de ce dernier pour les crimes « d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » et de « rébellion », l’ACAT-France appelle ses militants à se mobiliser en grand nombre pour demander la libération de M. Germain Rukuki.
Contexte
En moins de trois années, le Burundi est retombé dans une crise politique majeure avec de multiples violations des droits de l’homme. Tout cela à cause de Pierre Nkurunziza, un président qui a voulu garder le pouvoir à tout prix quitte à entraîner le Burundi dans la guerre civile. Cet homme, ancien rebelle hutu, est soutenu par son clan ; un clan prêt à tout, pour garder le pouvoir et ses prébendes : l’argent du pays, sa gestion et la mainmise politique sur l’appareil d’État.
En 2005, le Parlement élit Pierre Nkurunziza, Président de la République. En 2010, il est réélu face à une opposition désorganisée.
En mars 2014, Pierre Nkurunziza tente de faire modifier la Constitution afin de supprimer la limitation des mandats présidentiels : les députés refusent. Face à ce camouflet, les conseillers de Pierre Nkurunziza prétendent que son premier mandat ne compte pas puisqu’il a été élu de manière indirecte par le Parlement.
Le 25 avril 2015, Pierre Nkurunziza annonce qu'il se présente à l'élection présidentielle, pour un troisième mandat consécutif. Dès le lendemain, la jeunesse descend dans les rues de Bujumbura, pour dire « non » au troisième mandat. La police et la milice pro-gouvernementale « Imbonerakure » répriment. C’est le début des exactions : manifestants tués par balles, torturés, menacés…
Tous les partis d’opposition comme la très grande majorité des organisations de la société civile appellent à la mobilisation citoyenne pacifique pour faire échouer cette dérive totalitaire. Conscient de la vitalité de la société civile dans ce combat pour le respect des Accords d’Arusha, le régime en place s’engage dans une politique d’affaiblissement délibéré de cette société civile. Il profite de l’échec du coup d’Etat du 13 mai 2015 et de la chasse aux militaires dissidents pour décimer la plupart des médias indépendants. La quasi-totalité des défenseurs des droits de l’homme sont contraints de quitter le pays. En novembre, c’est le coup de grâce : les activités de la majorité des associations de défense des droits de l’homme sont interdites et leurs comptes bancaires gelés. L’ACAT-Burundi après avoir vu son président fuir à l’étranger, est dorénavant interdite d’activités. Face à cette dérive, la communauté internationale ne réussit pas à s’accorder sur les mesures à prendre pour arrêter Pierre Nkurunziza dans sa fuite en avant.
Le scrutin présidentiel se tient le 21 juillet 2015. Le 20 août, Pierre Nkurunziza est investi pour un nouveau mandat.
Petit à petit, les manifestants pacifiques écrasés par la répression sanglante quittent la rue et laissent la place à ceux qui ont des armes et des revendications plus belliqueuses contre le régime répressif. La violence augmente encore : assassinats ciblés, arrestations et tortures de détenus, attentats à la grenades etc.
Aujourd’hui, le pays est économiquement exsangue. Une partie importante de sa population vit dans la peur : plus de 250 000 Burundais ont fui le pays. Il y a de vrais risques à ce que le conflit de basse intensité du Burundi s’étende aux pays voisins et ne déstabilise à nouveau la région des Grands Lacs, qui depuis plus de vingt ans n’en finit plus de s’autodétruire crises après crises.