Trois leaders anglophones risquent la peine de mort
Messieurs Félix Agbor-Balla, Fontem Aforteba’a Neba et Mancho Bibixy restent emprisonnés, le premier dans un centre de détention militaire à Buea, les deux autres à la maison centrale de Kondengui, située à Yaoundé. Le 7 juin dernier, après dix minutes d’audience, le tribunal militaire de Yaoundé a refusé leur libération sous caution et a reporté leur procès pour la quatrième fois. Prochaine audience le 29 juin.
Messieurs Félix Agbor-Balla, avocat, et Fontem Aforteba’a Neba, professeur d’université, ont été arrêtés à Buea, le 17 janvier 2017, le jour où le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, René Emmanuel Sadi, a pris un décret interdisant le Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC), mouvement pacifique, formé un mois plus tôt par Félix Agbor-Balla, pour dénoncer la marginalisation des régions anglophones. Fontem Aforteba’a Neba est le secrétaire général du CACSC.
Le 19 janvier, Mancho Bibixy, animateur radio, a été arrêté à Bamenda. Il est l’un des porte-voix les plus connus de ce mouvement pacifique qui appelle au respect des droits des citoyens anglophones au Cameroun.
Le 23 mars 2017, les trois prévenus ont comparu pour la première fois devant le tribunal militaire de Yaoundé. Ils sont poursuivis pour huit chefs d’accusation, dont certains - « actes de terrorisme » et « complicité d’actes de terrorisme » - sont passibles de la peine de mort en vertu de la loi contre le terrorisme. Au moins vingt-quatre autres jeunes anglophones sont poursuivis pour les mêmes infractions. Tous plaident non coupables.
Dès l’ouverture du procès le 13 février 2017, les règles procédurales n’ont pas été respectées : non-échange des listes de témoins par les parties cinq jours avant l’ouverture du procès ; audiences en langue française alors que les prévenus sont de langue anglaise ; non-accès au dossier d’accusation pour les avocats de la défense.
Depuis le 4 juin, Mancho Bibixy mène une grève de la faim.
Mobilisons-nous en faveur de la libération des trois leaders anglophones, qui encourent la peine de mort pour avoir simplement voulu exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de manifestation !
Contexte
Des régions anglophones marginalisées et réprimées
Octobre 2016 : des avocats, enseignants et étudiants anglophones protestent contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif en vigueur dans les régions anglophones. Les autorités camerounaises répriment violemment les manifestations, ne voyant en ces évènements qu’une simple volonté de sécession d’indépendantistes anglophones. Les villes de Bamenda, Buea, Kumba et Kumbo sont particulièrement touchées par la répression. Le 28 novembre 2016, les forces de l’ordre molestent des étudiants de l’Université de Buea, qui s’étaient rassemblés pacifiquement sur le campus pour réclamer la suppression de la pénalité financière qu’ils doivent régler en cas de retard dans le paiement de leurs frais de scolarité. Des violences physiques, des humiliations sont infligées aux étudiants. Des vidéos sont postées sur les réseaux sociaux afin de dénoncer cette répression.
Depuis le début de la crise dans les régions anglophones, les autorités camerounaises se sont engagées à Bamenda, Buea et Kumba, dans une opération d’arrestations massives afin de mettre un terme aux revendications socio-économico-politiques de cette partie du pays. Des centaines de personnes ont été arrêtées de manière arbitraire. Plusieurs cas de disparitions forcées sont également dénombrés, huit à Bamenda selon le REDHAC, ONG de défense des droits de l’homme camerounaise.
Malgré cette répression, à Bamenda, les journées « ville morte » continuent à avoir lieu chaque lundi et à chaque journée d’audience du procès des trois leaders anglophones.
Une volonté de censure permanente
Les autorités camerounaises ont une volonté permanente de passer sous silence les manifestations de mécontentement des Camerounais anglophones et depuis décembre 2016, elles se sont engagées dans une politique de répression massive des libertés de la presse. Le ministère de la Communication a adressé aux radios et télévisions privées, une circulaire interdisant tout débat sur la situation socio-politique dans la région anglophone. En janvier, le gouvernement a ordonné aux fournisseurs d'accès Internet de procéder à la suspension du service Internet dans les deux régions anglophones, arguant de la nécessité de préserver la sécurité nationale. Les habitants de ces territoires ont été privés d’Internet durant trois mois. Il aura fallu une importante mobilisation citoyenne à travers le monde pour que le président Biya fasse rétablir Internet dans la région anglophone. Au moins cinq journalistes sont actuellement en prison pour avoir traité de la crise anglophone dans leurs médias. De nombreux autres journalistes ont été intimidés ou se sont autocensurés pour préserver leur sécurité.