Triste constat, 11 ans après le massacre d’Andijan
En juin 2004, les autorités ouzbèkes arrêtent et torturent 23 personnes, qu’elles accusent de d’extrémisme religieux et de complot visant à renverser l’État. En février 2005, elles sont jugées et condamnées à de lourdes peines de prison. Leur procès est largement dénoncé comme inéquitable et suscite quelques manifestations.
Dans les premières heures du 13 mai 2005, des hommes armés attaquent plusieurs bâtiments publics à Andijan, ville située dans l’est de l’Ouzbékistan, dont la prison centrale pour libérer les 23 condamnés. Ils appellent ensuite la population à se mobiliser contre la pauvreté et le gouvernement et à rejoindre les manifestants sur la place principale. Plusieurs milliers de personnes manifestent.
Vers 17H00, lorsque les forces gouvernementales entourent la place, les manifestants se sont déplacés. Ils se retrouvent pris en étau entre plusieurs barrages. Les forces de l’ordre et l’armée tirent sur les manifestants, des centaines d’entre eux sont tués. C’est l’un des massacres de civils les plus sanglants de l’histoire de l’Asie centrale. En Juillet 2005, le Procureur d’Andijan a établi que 187 personnes avaient été tuées mais a accusé les « terroristes » de leur mort. D'autres sources estiment qu’il y aurait eu entre 500 et 1000 victimes. Plusieurs centaines de personnes fuient au Kyrgyzstan voisin.
Dès mai 2005, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et l’Union Européenne appellent les autorités ouzbèkes à autoriser une commission internationale indépendante sur les évènements d’Andijan. Des journalistes et défenseurs des droits de l’homme ouzbèkes qui rapportent les évènements de la journée du 13 mai sont arrêtés et torturés. Fin mai, le président rejette les appels à la mise en place d’une commission d’enquête internationale.
Contexte :
Une situation des droits de l’Homme particulièrement préoccupante
Depuis l'indépendance de l'Ouzbékistan à la suite de la dissolution de l'URSS en 1991, le président de l'Ouzbékistan, élu et réélu avec des scores colossaux n'a cessé de jouer de la menace islamiste pour justifier la répression.
Depuis le massacre d’Andijan, les autorités ouzbèkes ont mené une politique de répression de toute forme d’opposition. Elles ont multiplié les mesures visant à fermer les frontières et à empêcher toute critique du régime ou de la situation des droits de l’Homme, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur du pays. Une vingtaine de défenseurs des droits de l’homme sont détenus et nombre d’autres ont été contraints à l’exil. La torture, l’impunité, les arrestations arbitraires de tous ceux qui osent critiquer ou s’opposent au gouvernement, le contrôle des médias, l’absence de liberté d’expression et de manifestation..., sont largement dénoncés par les ONG mais aussi par les mécanismes internationaux de protection des droits de l’Homme.
L’absence totale de suivi des recommandations internationales
L’Ouzbékistan ne respecte pas ses obligations en matière de droits de l’Homme et ne suit aucune recommandation des mécanismes internationaux tels que le Comité contre la Torture ou le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies ni des organisations internationales telles que l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE). Depuis 2002, il rejette systématiquement toutes les demandes de visite de la part des procédures spéciales dans le pays. En 2013, le CICR a dû cesser de mener toute visite des centres de détention. Plus aucune ONG internationale indépendante ne peut travailler dans le pays.
Dans ce contexte, les appels et observations de la communauté internationale à ce que soit menée une enquête impartiale sur les évènements d’Andijan sont demeurés lettre morte. L'Union Européenne avait demandé une enquête sur ce massacre et engagé des sanctions contre le régime. Néanmoins, en dépit de l’absence d’avancées, ces sanctions ont été levées en 2009.