Réforme de l'asile au Sénat: il est temps de dire non!
Le projet de loi n’a qu’un seul objectif : accélérer davantage les procédures d’asile et expulser davantage de déboutés, quitte à priver les demandeurs d’un certain nombre de garanties essentielles. Si la Commission des lois du Sénat a intégré quelques mesures positives dans la dernière version du texte datée du 6 juin, celui-ci a dans le même temps été durci sur un certain nombre de points, notamment en supprimant la plupart des modestes avancées qui avaient été introduites par les députés et le gouvernement.
Quelques progrès…
Certes le délai de recours contre les décisions de rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est finalement maintenu à un mois et non plus raccourci à 15 jours, mais il demeure dérogatoire du délai de droit commun qui est de deux mois devant les juridictions administratives françaises. A défaut d’abolir purement et simplement le concept discriminatoire de « pays d’origine sûrs », les persécutions contre les personnes transgenres, en plus de celles liées à l’orientation sexuelle, sont prises en compte pour refuser de considérer certains pays comme sûrs. Les préfectures se voient imposer un délai d’un mois pour la délivrance de la carte de résident après la reconnaissance du statut de réfugié, alors qu’il faut attendre un an et plus pour l’obtenir aujourd’hui. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) n’a plus le droit d’imposer à des demandeurs d’asile de changer de région de résidence sans même leur proposer d’hébergement ni prendre en compte leur situation de vulnérabilité.
…au prix d’un durcissement général
Non seulement la majorité des dispositions les plus préoccupantes du projet de loi sont maintenues par la commission des lois du Sénat, mais la plupart des progrès qui avaient été auparavant intégrés au texte sont retirés. Les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne peuvent finalement pas bénéficier d’une carte de séjour de quatre ans et doivent se contenter de l’actuelle carte valable un an, renouvelable ensuite tous les deux ans, qui constitue un obstacle majeur à leur intégration : comment trouver un travail et un logement avec un titre de séjour aussi court ? Alors que seuls 374 mineurs isolés ont obtenu une protection internationale en France en 2017, des sénateurs ont estimé qu’il fallait à tout prix lutter contre un appel d’air en leur refusant le droit d’être rejoints par leurs frères et sœurs mineurs restés au pays, en plus de leurs parents, les privant ainsi de leur droit à mener une vie familiale normale.
Qui plus est, une demande d’asile sera clôturée si, « sans motif légitime », le demandeur qui est hébergé par l’Etat « abandonne » son lieu d’hébergement. En pareille situation, il est déjà prévu que le demandeur perde le bénéfice de son allocation et de son hébergement. Il écopera désormais d’une double sanction. Les conditions de refus ou de retrait du statut de réfugié liés à des motifs d’ordre public seront encore durcies, sans garantie qu’il soit tenu compte des risques auxquels la personne serait exposée en cas de renvoi dans son pays. La décision de rejet définitive de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) vaudra obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec un délai de départ volontaire raccourci de 30 à 7 jours au-delà duquel le demandeur débouté pourra être expulsé à tout moment alors qu’il n’a pas encore reçu cette décision. Il lui sera ainsi quasiment impossible de former un recours contre son éloignement.
Enfin, bien qu’ils aient déclaré vouloir éviter de faire peser exclusivement sur le demandeur d’asile la pression du raccourcissement des délais, les sénateurs de la commission des lois ont préservé de nombreuses mesures allant dans ce sens, qui sont autant d’atteintes aux droits des demandeurs : la réduction du délai pour enregistrer une demande d’asile en procédure normale, la convocation et la notification des décisions de l’OFPRA par SMS ou email, la généralisation des audiences par visio-conférence à la CNDA, la possibilité d’expulsion dès le rejet de l’OFPRA pour certaines demandes.
Combinées les unes aux autres, ces mesures auront un effet dévastateur pour les demandeurs d’asile, particulièrement les plus vulnérables d’entre eux. Ils seront de plus en plus nombreux à être déboutés non pas en raison d’une absence de besoin de protection, mais parce qu’ils n’auront pas été en mesure de répondre efficacement aux exigences d’une procédure expéditive.