Recrudescence des menaces contre les défenseur.e.s de la paix
Le 15 janvier 2020, une longue liste de personnes et d’organisations impliquées dans la défense des droits en Colombie s’est retrouvée menacée de mort sur les réseaux sociaux par le groupe paramilitaire Águilas Negras (Aigles noirs). Parmi les cibles, on retrouve des défenseurs de l’accord de paix, et notamment des victimes du conflit armé interne (plus particulièrement des femmes, des mutilés et des communautés indigènes et afro-colombiennes) et de la restitution des terres spoliées, ainsi que des personnalités politiques de gauche. Sont notamment menacées Patricia Linares, avocate et présidente de la Juridiction spéciale pour la paix (JSP), et Pilar Rueda Jimenez, coordinatrice de l’équipe en charge des questions de genre au sein de l’Unité d'investigation et d'accusation de la JSP, ainsi que l’ONG Collectif d’avocats « José Alvear Restrepo » (CAJAR), membre de la Coalition colombienne contre la torture (CCCT) avec laquelle l’ACAT travaille.
Dans leur tract, les paramilitaires proclament : « Les leaders sociaux seront exécutés sans pitié et où qu’ils se trouvent : chez eux, dans leurs bureaux, sur les routes ou dans des espaces publics. » Une récompense de 8 000 euros est annoncée pour tout assassinat d’une personne nommément citée dans le tract. Il est également question de « torturer, enlever, faire disparaître, mutiler, démembrer pour l’exemple afin que d’autres ne s’avisent pas d’ouvrir leur bouche et d’inciter à la contestation (...) pour retarder le développement du pays ». Le tract promet enfin que le premier « semestre 2020 sera le plus sanglant que la Colombie ait connue pour tous ceux et toutes celles que l’on appelle des leaders sociaux et des défenseurs des droits humains ».
Pour les soutenir :
- Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la aux autorités colombiennes.
- Partagez : Tweetez, postez sur Facebook, faites le savoir autour de vous !
CONTEXTE
Accord de paix avec la guérilla des FARC
Le conflit armé interne, qui a duré plus de cinquante ans, a fait environ 9 millions de victimes (de déplacement interne, disparition forcée, enlèvement, torture, violences sexuelles, etc.).
Le 1er décembre 2016, un accord de paix entre l’État et la principale guérilla du pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), a été ratifié. Il prévoit notamment :
- le cessez-le-feu et le dépôt des armes par les guérilleros, ainsi que le démantèlement de toutes les organisations paramilitaires et criminelles ;
- l’amnistie des infractions politiques, mais des poursuites pénales pour les crimes de guerre et contre l’humanité par la Juridiction spéciale de paix (JSP) ;
- le développement de la participation citoyenne et politique, notamment par la protection des nouveaux partis et des mouvements sociaux ;
- la restitution des territoires spoliés, une répartition plus équitable des terres et le développement de services publics dans les zones rurales ;
- la lutte contre les réseaux de trafic de drogue et la promotion de cultures alternatives auprès des petits producteurs.
Absence de sécurité pour les défenseurs des droits humains
La mise en application de l’accord est loin d’être aisée car tous ne sont pas favorables à la paix.
Le président de la droite dure, élu en juin 2018, Ivan Duque, s’est toujours montré hostile à l’accord signé par son prédécesseur, Juan Manuel Santos.
Aucun accord de paix avec la guérilla Armée de libération nationale (ELN) n’a encore abouti, et les violences n’ont pas cessé sur ce front.
Des policiers continuent de réprimer dans le sang des manifestations sociales, comme ce fut le cas lors de la grève nationale de novembre 2019 qui a fait au moins 122 blessés et 3 morts parmi les civils.
Enfin, des groupes criminels hérités des paramilitaires d'extrême droite, théoriquement démobilisés en 2005, sont en réalité très actifs. Ces néo-paramilitaires s’enrichissent par le narcotrafic et d’autres activités illégales et s’en prennent à tous ceux susceptibles de menacer leurs activités.
En 2019, la Colombie était une nouvelle fois largement en tête des pays les plus dangereux pour les défenseur.e.s des droits humains, avec au moins 108 assassinats selon l’ONU.