Quand Yann Arthus Bertrand fait disparaître le Sahara occidental
Le 22 juin, France 2 a diffusé l’émission « le Maroc vu du ciel ». Ce documentaire, réalisé par le photographe Yann Arthur Bertrand avec le soutien de l’Office national du tourisme marocain est commenté par l’animateur franco-marocain Ali Baddou. Un commentaire des plus contestables qui présente le Sahara occidental comme une province marocaine, en contradiction flagrante avec les résolutions des Nations unies.
A plusieurs reprises, le documentaire fait apparaître une carte du Maroc qui présente d’un seul tenant un territoire allant du nord du Maroc au sud du Sahara occidental relégué au rang de province du sud marocain. Cette perspective sur la géographie du territoire est loin d’être innocente. Elle traduit la volonté hégémonique du Maroc qui occupe illégalement le territoire en violation du droit international.
La Marche verte de 1975 qui marque pour les Sahraouis le début de la colonisation massive illégale de leur territoire est présentée comme « une grande marche pacifique (…) qui libéra ces territoires du sud de l’occupation espagnole ». Pas un mot sur la condamnation de la Marche par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Ali Baddou consent une seule vague allusion au fait que le Sahara occidental n’est peut-être pas si marocain que le présente volontiers le documentaire : « Le Maroc attend que sa souveraineté sur le Sahara soit entériné par l’ONU ». Aucune mention du fait que selon l’ONU, le statut du territoire doit être déterminé par les Sahraouis eux-mêmes à travers un référendum auquel le Maroc s’oppose fermement depuis des décennies.
Les informations erronées et partiales divulguées par « Le Maroc vu du ciel » sont lourdes de conséquences. En gommant le Sahara occidental de la carte, le documentaire dénigre le peuple sahraoui qui lutte depuis plus de 40 ans pour son autodétermination. Il contribue aussi à la désinformation du public français en contradiction avec la vocation éducative du service public audiovisuel dont France 2 est un fer de lance.
Contexte
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est considéré par les Nations unies comme un territoire non autonome en attente de son autodétermination. Il est occupé par le Royaume du Maroc depuis 1975. Une occupation illégale, le Maroc n’étant pas reconnu par les Nations unies comme la puissance administrante.
En 1991, après 15 ans de conflit armé ayant fait fuir la moitié des sahraouis vers des camps de réfugiés en Algérie, l’ONU a créé la Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Elle a pour mandat de maintenir un cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario qui revendique l’indépendance du Sahara occidental et qui a créé en 1976 la République arabe sahraouie démocratique (RASD) actuellement souveraine sur seulement 20% du territoire revendiqué. L’autre mandat de la MINURSO est l’organisation d’un référendum d’autodétermination définitivement rejetée par le Maroc en 2003, après que la MINURSO ait refusé d’inscrire sur la liste des électeurs des dizaines de milliers de colons marocains capables de faire basculer le scrutin.
Depuis le départ de l’Espagne, le Maroc n’a cessé de consolider son occupation du territoire. Sous la pression de la colonisation massive, trois-quarts de la population est d’origine marocaine et les autochtones sont aujourd’hui en minorité. Le Maroc exerce un contrôle administratif et sécuritaire total, notamment grâce à la construction d’un mur de sable achevé en 1987 qui scinde le territoire sahraoui laissant seulement 20% des terres revendiquées par les autochtones au Front Polisario. Ce mur de 2700 km, étrangement absent du documentaire de Yann Arthus Bertrand, est le plus long mais aussi le plus miné du monde.
Les personnes qui défendent l’auto-détermination du Sahara occidental sont fréquemment l’objet d’arrestations, de tortures et de mauvais traitements. Certaines ont été condamnées à de très lourdes peines sur la base d’aveux obtenus sous la torture. Ce fut le cas pour les 24 membres du groupe de Gdeim Izik qui sont actuellement rejugés par la cour d’appel de Rabat. L'ACAT vient de saisir plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies pour dénoncer les violations graves du droit à un procès équitable dont les 24 accusés sont victimes.
Pour en savoir plus sur le Sahara occidental
Retrouvez notre infographie sur la colonisation au Sahara occidental