Six activistes pro-démocratie condamnés à un total de 66 ans de prison
Mise à jour au 6 avril 2018
Le 5 avril 2018 s'est tenu à Hanoï le procès de six membres de l’organisation de la société civile Fraternité pour la Démocratie (Brotherhood for Democracy). Tous ont été condamnés pour « activités visant à renverser l'administration populaire », en vertu de l'article 79 du Code pénal vietnamien.
L’avocat Nguyen Van Dai a écopé de la peine la plus lourde, avec 15 ans de prison et cinq ans de résidence surveillée. Le pasteur Nguyen Trung Ton et le journaliste Truong Minh Duc devront tous deux passer douze ans dans les geôles vietnamiennes, suivis de trois ans d’assignation à résidence. Nguyen Bac Truyen a été condamné à onze ans de prison et trois années de liberté surveillée, l’avocate Le Thu Ha à neuf ans derrière les barreaux et deux ans sous surveillance et Pham Van Troi à sept ans de détention et un an de mise à l’épreuve.
Les épouses de cinq activistes ainsi que la mère de Le Thu Ha ont été autorisées à entrer dans la salle d’audience pour assister au procès. Quelques diplomates et journalistes étrangers étaient également présents, mais n’ont pu assister à l’audience que depuis une salle annexe, via un écran.
En amont du procès, les forces de l’ordre de Hanoï ont empêché de nombreux activistes de sortir de chez eux pour se rendre au tribunal, et ont placé en détention plusieurs manifestants qui souhaitaient apporter leur soutien aux six prévenus.
L’ACAT condamne le verdict extrêmement lourd prononcé à l’encontre de ces six activistes, dont le seul crime est d’avoir publié sur Internet des écrits en faveur des droits humains au Vietnam. L’organisation dénonce une parodie de justice qui, en bâillonnant les voix s’élevant contre la corruption et pour la démocratie, cherche à prévenir toute remise en question des politiques du gouvernement vietnamien.
04/04/2018
Le 5 avril prochain, à partir de 8h heure locale, se tiendra dans la capitale vietnamienne le procès de six membres de l’organisation de la société civile Fraternité pour la Démocratie (Brotherhood for Democracy). Les avocats Nguyen Van Dai et Le Thu Ha, arrêtés en décembre 2015, ainsi que les activistes Nguyen Trung Ton, Pham Van Troi, Nguyen Bac Truyen et Truong Minh Duc, arrêtés en juillet 2017, seront jugés au Tribunal populaire de Hanoï. Tous sont accusés en vertu de l'article 79 du Code pénal vietnamien, pour « activités visant à renverser l'administration populaire », une charge passible de la peine de mort.
Selon la notice du tribunal populaire de Hanoï, parvenue aux accusés le 20 mars 2018, le procès sera public. Si la cour a accordé à quelques délégations diplomatiques un accès à la salle, les familles des six prévenus n’ont toujours pas reçu l’autoriser d’assister à l’audience. Comme c’est souvent le cas lorsque des défenseurs des droits humains sont jugés pour des faits similaires, il est probable que les familles et soutiens des accusés soient empêchés d’accéder à la salle du tribunal, sous prétexte de salles bondées. Si l’on se réfère à des procès similaires au cours de l’année dernière, le procès des six activistes de ce jeudi 5 avril ne devrait pas durer plus d’une journée.
L’article 79 du Code pénal vietnamien, utilisé de façon coutumière pour criminaliser l’activisme pacifique pour les droits humains et la démocratie, prévoit des peines pouvant aller de cinq ans à la prison à vie et est passible de la peine de mort. Une fois leur condamnation prononcée, les mauvais traitements et les abus psychologiques risquent de se poursuivre.
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L’avocat des droits humains Nguyen Van Dai est le co-fondateur du Comité du Vietnam pour les droits humains et de la Fraternité pour la Démocratie. Par le passé, il a pris la défense d’activistes luttant contre les violations des droits humains commises par le gouvernement ainsi que de membres de minorités religieuses. Pour cela, il a été la cible d'acharnement judiciaire de la part des autorités. Nguyen Van Dai avait déjà été condamné en 2007 à quatre ans de prison, contraint de fermer son cabinet d’avocat et s’était vu radier du barreau. Assigné à résidence à sa sortie de prison, il a connu quelques mois de liberté très relative entre mars et décembre 2015 pendant lesquels il a été harcelé par la police, surveillé et agressé. Nguyen Van Dai a été arrêté le 16 décembre 2015, à la veille du Dialogue bilatéral UE-Vietnam sur les droits de l’homme à Hanoï. Quelques jours avant son arrestation, il avait été brutalement passé à tabac par des inconnus masqués, lors d’une formation organisée sur le thème des droits humains. Depuis son arrestation, il n’a pas été autorisé à préparer sa défense correctement. Les autorités ont refusé tous les avocats auxquels a fait appel sa famille pour le représenter, et en ont appointé un sans concertation avec les concernés en décembre 2017. En janvier 2018, son épouse Vu Minh Khanh a été autorisée à lui rendre visite pour la seconde fois seulement depuis son arrestation et a constaté la dégradation de son état de santé. Forcé de dormir sur un sol en ciment, Nguyen Van Dai souffre de douleurs articulaires et doit subir des températures extrêmement froides en hiver et chaudes en été. Ses douleurs intestinales, antérieures à son incarcération, ne sont pas traitées. Pour ajouter au stress, les autorités pénitentiaires peuvent également couper l’accès à l’eau des prisonniers.
Le Thu Ha est une avocate et collègue de Nguyen Van Dai, qui a notamment travaillé en tant que secrétaire de la Fraternité pour la Démocratie. Elle a été arrêtée le 16 décembre 2015, en même temps que Nguyen Van Dai, alors qu’ils s’apprêtaient à rencontrer des membres d’une délégation européenne. Dans les mois précédant son arrestation, Le Thu Ha avait été interdite de se rendre en Suède pour une conférence, son passeport lui avait été confisqué et elle avait été détenue une journée dans un poste de police. Depuis son arrestation, elle n’a pas eu accès à son avocat.
Les quatre autres accusés ont tous été arrêtés le 30 juillet 2017, dans le cadre d’un large coup de filet des autorités vietnamiennes sur les membres de la Fraternité pour la Démocratie.
Le pasteur Nguyen Trung Ton est un activiste des droits humains et le président de la Fraternité pour la Démocratie. Grand défenseur de la liberté de culte, il a été emprisonné entre 2011 et 2013 pour ses activités. Depuis son arrestation en juillet 2017, il n’a pu recevoir la visite de sa famille qu’au mois de février 2018, après sept mois de détention provisoire. Sa famille s’inquiète de son état de santé, et n’a pas été autorisée à lui faire passer des médicaments. Nguyen Trung Ton garde d’importantes séquelles de mauvais traitements et abus perpétrés lors de sa précédente incarcération qui, faute de soins adaptés, pourrait s’aggraver. Il souffre également de douleurs lancinantes aux jambes depuis une violente agression subie en février 2017.
Pham Van Troi est un défenseur des droits humains, membre et ancien président de la Fraternité pour la Démocratie. Déjà arrêté en 2008 et accusé de « propagande contre l'État », il avait été condamné à quatre ans de prison et un an d'assignation à résidence. Depuis sa libération en 2012, Pham Van Troi a poursuivi son travail de promotion des droits humains et de la démocratie, malgré le harcèlement continu des autorités et l’attaque de son domicile fin 2016.
Nguyen Bac Truyen est un expert juridique, défenseur de la liberté de culte et de conscience et le responsable d'une organisation d'anciens prisonniers politiques et religieux. Il offre également une assistance juridique gratuite aux victimes d'expropriation de terres et milite pour une démocratie multipartite. Pour ses activités pacifiques, il a été emprisonné entre 2006 et 2010 pour « propagande contre l’État ». Il a également été la cible de harcèlements répétés, et son épouse et lui ont été victimes d’attaques brutales perpétrée par des agents en civil au cours des dernières années. Nguyen Bac Truyen souffre de problèmes cardiaques et intestinaux qui nécessitent un traitement médical auquel in n’a pas accès en détention.
Truong Minh Duc est un journaliste citoyen et un défenseur des droits des travailleurs. À travers ses écrits en ligne, il dénonce la corruption et les violations du droit à la terre au Vietnam. Il a été emprisonné entre 2007 et 2012 pour avoir « tiré profit de la liberté et de la démocratie pour empiéter sur les intérêts du pays ». Après sa libération, il a subi un harcèlement continu de la part des autorités et a été agressé à plusieurs reprises par des agents en civil.