Philippines
Actualité

Rétablissement de la peine de mort avant Noël

Les milliers d’exécutions sommaires et les règlements de compte en série aux Philippines ne suffisent pas. Contre toute attente, les autorités sont en train de réintroduire la peine de mort.
rodrigo duterte
Le 01 / 12 / 2016

 

Le parlement philippin est actuellement en train d’examiner, en procédure très accélérée, l’adoption d’un projet de loi rétablissant la peine capitale. Le président de la République veut qu’il soit adopté avant Noël. Et c’est en très bonne voie !

Un projet de loi est toujours précédé d’un rapport qui analyse l’impact de la mesure législative. Des auditions par les parlementaires sont habituellement menées avec les parties prenantes. Pour autant, face à une question aussi grave, aucun rapport parlementaire argumenté n’a été présenté. Les questions des parlementaires, qui s’inquiètent de la rapidité de la procédure sur un sujet aussi important, sont systématiquement écartées, tout comme les avis des experts et de la société civile qui ont été très peu entendus, faute d'audition organisée.

Jusqu’ici les Philippines étaient un modèle en Asie pour l’abolition de la peine de mort. Le pays l’avait aboli en 2006 et avait même avancé d’un pas supplémentaire en devenant le premier pays de la région à ratifier le second protocole du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Celui-ci impose aux Philippines de renoncer définitivement à l’application de la peine de mort. Il prévoit une abolition totale et irréversible de la peine de mort.

L’administration présidentielle a clairement l’intention de violer la loi et ses obligations internationales en matière de droits de l’homme.

Ecrivez au président du sénat philippin pour qu'il rejette ce projet de loi

 

Le président philippin, fossoyeur des droits

Depuis son accession à la présidence des Philippines en juin dernier, Rodrigo Duterte a enterré l’État de droit et les libertés fondamentales. Avant même sa prestation de serment, il s’était engagé à ce que 100 000 criminels fussent éliminés au cours de ses six premiers mois de mandat. Sa très sanglante lutte antidrogue a fait près de 5000 morts en cinq mois. Il a déclaré que les droits de l'homme et l'application de la loi n'avaient rien à faire dans sa guerre controversée contre la drogue,  utilisant même des références douteuses dans des discours. Un jour se comparant à l'ancien dictateur ougandais Idi Amine Dada, dont le régime des années 70 fut marqué par une répression aveugle, avec la mort de 300.000 à 500.000 Ougandais. Un autre jour en déclarant « Hitler a massacré trois millions de juifs. Bon, il y a trois millions de drogués aux Philippines. Je serais heureux de les massacrer ». 

Il a décrété en septembre « l’État de non-droit », un cran en dessous de la loi martiale, dans l’ensemble du pays. Cet « État de non-droit » prévoit le renforcement des prérogatives de l’armée, dont la possibilité d’effectuer des patrouilles en zone urbaine, de mener des perquisitions, d’imposer des couvre-feux ou encore d’établir des points de contrôle.

Habitué aux insultes et aux déclarations publiques fracassantes, il ne cesse d'encourager les exécutions sommaires non seulement par les policiers mais également par les citoyens, donnant un permis de tuer général qui va engendrer des milliers de morts à venir, bien au delà des personnes liées au trafic de drogue.

Vers une chasse aux défenseurs des droits de l'Homme

À travers ses diatribes, le président crée également un climat de peur et une incitation à la haine. Ses dernières victimes: les défenseurs des droits de l’homme. En juillet, il incitait déjà les philippins à ne pas se tourner vers eux. « Si vous ne voulez pas mourir ou être blessé, ne vous en remettez pas aux prêtres et aux associations de défense des droits de l’homme. Ils ne peuvent pas arrêter la mort. »

Fin novembre, dans un discours public, il les a menacés de mort : "Les (organisations de) défense des droits de l'Homme disent que je tue. Si je dis ‘OK, j'arrête’, les (toxicomanes) vont se multiplier. Quand viendra le temps de lutter à nouveau, il y aura encore plus de (toxicomanes) à tuer. Je vous inclurai parmi eux parce que vous les avez laissés se multiplier".

Le pays est en train de basculer dans une période très sombre.

 

Articles associés

Rapport
actu-rt-1160x600
AngolaCongoFranceMexiqueMauritaniePhilippinesÉtats-UnisVietnam

12 éclairages pays pour comprendre le recours à la torture

Le 01 / 09 / 2021
Le 26 juin 2021, à l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, l’ACAT-France a publié la 6ème édition de son rapport Un monde tortionnaire. Douze États y font l’objet d’un éclairage sur les pratiques tortionnaires et sur ce que leur acceptation, leur légitimation et leur banalisation disent des sociétés.
Action
rodrigo duterte
Philippines

"Donnez-moi la peine de mort, je l'appliquerai chaque jour"

Le 04 / 01 / 2017
Les milliers d’exécutions sommaires et les règlements de compte en série aux Philippines ne suffisent pas. Contre toute attente, les autorités sont en train de réintroduire la peine de mort.
Appel à mobilisation
SiteWeb-Home-AAMAAM-20241121-Varisheh Moradi
Iran

Iran. La défenseure des droits des femmes, Varisheh Moradi, c...

Le 20 / 11 / 2024
Varisheh Moradi, fervente militante des droits des femmes en Iran et activiste politique kurde, a été condamnée à la peine capitale par la 15e branche du Tribunal révolutionnaire de Téhéran pour « rébellion armée contre l’État », d’après les déclarations de ses avocats faites le dimanche 10 novembre. Selon ses propres mots, son unique « crime » réside dans son engagement envers la société. La décision a été prononcée par le juge Abolqasem Salavati, surnommé « le juge de la mort ». Cette sentence tragique intervient 466 jours après son arrestation par les forces de sécurité iraniennes, dans un contexte de répression où le régime des mollahs s'efforce de faire taire toutes les voix dissidentes.