Migrant : coupable idéal sans droits ?
Le 22 mai 2013, alors qu’il partait pour les États-Unis, Roberto Carlos RuÍz Hernández, migrant hondurien, a été arrêté à Arriaga, Chiapas. Il a été torturé pendant une dizaine d’heures : insultes, menaces, coups, tentatives d’asphyxie avec un sac plastique et simulacres de noyade. Il a dû laisser ses empreintes sur des documents qu’il n’a pas pu lire. Puis, il a été emprisonné et condamné pour « extorsion » d’autres migrants à 5 ans et 3 jours de prison.
Dans sa déposition, Roberto Carlos a dénoncé ces tortures. Un examen médical, réalisé en 2015, a conclu à la vraisemblance de ces allégations. Il n’y a pourtant eu aucune enquête.
Il n’existe aucune déposition des migrants auxquels Roberto Carlos est supposé avoir dérobés des biens. Aucune confrontation n’a été possible non plus. Les noms de ces plaignants ne figurent même pas au registre de l’Institut national de migration.
L’ambassade du Honduras n’a pas été informée de l’arrestation alors que c’est obligatoire. Par la suite, elle n’a pas voulu assister Roberto Carlos, exigeant des documents officiels qu’il ne peut produire car il a passé l’essentiel de son existence aux États-Unis et au Mexique de manière illégale.
Roberto Carlos s’est mis en grève de la faim en 2014. À la suite de cela, en 2015, les autorités l’ont informé qu’il pourrait accéder à la libération anticipée en février 2017. Cet engagement n’ayant pas été respecté, il a entrepris deux autres grèves de la faim, en mai et en août 2017. Depuis, Roberto Carlos souffre notamment d’une gastrite sévère, mais l’administration pénitentiaire ne lui apporte pas les soins nécessaires.
Roberto Carlos indique avoir croisé une cinquantaine de migrants en prison qui ont, comme lui, été torturés et condamnés arbitrairement.
Contexte
Les ravages de la « guerre contre le crime »
Depuis dix ans, le Mexique traverse une très grave « crise des droits de l'homme » avec un taux d'impunité de 98 %, selon les propres termes de l’ONU. Dans le cadre de la « guerre » gouvernementale contre la délinquance organisée, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire ont procédé à des arrestations et des condamnations massives en recourant à l’extorsion d’aveux et aux preuves illicites.
- 30 942 disparitions recensées en mars 2017 par le Registre national des personnes perdues ou disparues (RNPED), avec une augmentation de 474 % des cas entre 2007 et octobre 2016 ;
- 7 635 plaintes pour torture enregistrées par les Commissions des droits de l’homme nationale et des états fédérés entre 2007 et 2016[4] ;
- 90 573 homicides volontaires entre 2013 et mars 2017, avec une nette recrudescence depuis 2016 ;
- entre 310 000 et 90 000 déplacés internes, selon les sources, depuis 2009 du fait de la violence ;
- 22 journalistes assassinés depuis 2016 et 47 défenseurs des droits de l’homme assassinés en 2016.
Les migrants en première ligne
Souvent taxés de tous les maux, les migrants, surtout centraméricains, sont fréquemment torturés dans l’objectif de leur faire avouer des infractions, de leur extorquer de l’argent ou de les expulser. L’ONG Maison du Migrant, à Coahuila, a enregistré 40 témoignages de cet ordre de janvier 2013 à mai 2014.
Des milliers de migrants sont également victimes d’exécutions ou de disparitions par des bandes criminelles ou des agents de l’État.
Les violences à leur encontre sont particulièrement fréquentes dans l’état du Chiapas.
Vous pouvez agir en envoyant cette lettre aux autorités mexicaines concernées.