Libération sans liberté : l’avocat Wang Quanzhang n’a toujours pas retrouvé sa famille
Mise à jour du 28 avril 2020 :
Le 27 avril, Wang Quanzhang a enfin pu retrouver son épouse et son fils à leur domicile pékinois, après quatre ans et demi de détention, dont trois années au secret, deux semaines de quarantaine et une semaine d’assignation à résidence à 400km de sa famille.
Merci à tous pour votre soutien !
Le 5 avril 2020 au matin, les portes de la prison de Linyi se sont enfin ouvertes pour Wang Quanzhang (王全璋), au terme de près de cinq ans d’emprisonnement. Cet illustre avocat, connu pour avoir défendu les affaires les plus sensibles, avait été arrêté lors de la vague de répression à l’encontre de la profession dès juillet 2015 – la répression 709. Après plus de trois ans de détention au secret, il avait été condamné à une peine de quatre ans et demi pour « subversion du pouvoir d’Etat » en janvier 2019.
A sa libération, au lieu de rejoindre son épouse Li Wenzu (李文足) et leur fils à Pékin, Wang Quanzhang a immédiatement été emmené à Jinan, dans le Shandong, au motif qu’il s’agissait-là de sa province natale. Officiellement placé en « quarantaine » à cause de l’épidémie du COVID-19, il n’a dans un premier temps pu recevoir aucune visite. La durée et le contenu de ses appels à son épouse étaient contrôlés par la police. Le 20 avril 2020, au terme des deux semaines de quarantaine réglementaires, Wang Quanzhang a finalement pu recevoir la visite de sa sœur et de son confrère Xie Yang (谢阳), lui aussi victime de la répression 709 et libéré après avoir fait des aveux publics. Cependant, il ne peut toujours pas retourner chez lui, à Pékin. Lors d’un appel téléphonique – très probablement surveillé – à son épouse Li Wenzu, l’avocat aurait prétexté un besoin de « gérer quelques affaires personnelles » sur place et de « se réadapter petit à petit » pour rester à Jinan.
Li Wenzu, qui a lutté sans relâche durant plus de quatre ans pour obtenir la libération de son mari et subi le harcèlement continu de la police pour son activisme, dit ne plus reconnaître son mari, qui était si proche de sa famille avant son arrestation. Elle craint que les autorités chinoises ne continuent à exercer une pression sur Wang Quanzhang, même si ce dernier est officiellement libre.
Au cours de conversations téléphoniques avec d’autres défenseurs des droits humains, Quanzhang – aujourd’hui âgé de 44 ans – indique avoir beaucoup vieilli, mais son moral reste bon. Il souffre néanmoins d’otites régulières. Pour le moment, il refuse d’évoquer publiquement les actes de torture subis en prison, indiquant que « certaines personnes au sein de divers départements seraient en colère » s’il en parlait. Néanmoins, il a déclaré au journal hongkongais South China Morning Post avoir été soumis à des interrogatoires répétés au cours de ses trois années de détention au secret, mais n’a jamais plaidé coupable. Le récit réalisé par son épouse après sa première visite à la prison de Linyi en juin 2019 laissait peu de doutes sur le fait que l’avocat avait au moins été soumis à d’intenses tortures psychologiques, s’apparentant dans les faits à un véritable lavage de cerveau.
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- Ambassade de la République populaire de Chine en France : chinaemb_fr@mfa.gov.cn
- Mission permanente de la République populaire de Chine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève : chinamission_gva@mfa.gov.cn / mission.china@ties.itu.int
Objet du mail : Wang Quanzhang must regain full freedom ! [Wang Quanzhang doit retrouver sa liberté pleine et entière !]
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Contexte
« Libération sans liberté », une habitude chinoise
Cette tactique qui vise à maintenir les défenseurs récemment libérés coupés de leur réseau de soutien et éviter à tout prix qu’ils ne reprennent leurs activités, a été utilisée à l’encontre d’autres avocats de la vague 709. Jiang Tianyong (江天勇) a été libéré le 28 février 2019 après avoir purgé l’intégralité de sa peine, mais demeure privé de ses droits politiques, sous haute surveillance policière et n’est pas autorisé à recevoir les soins dont il a besoin. L’avocat Xie Yang s’est retrouvé dans une situation similaire à sa « libération » en 2017.
Il n’existe pourtant aucune justification légale de ce procédé. Selon la législation chinoise, les individus sortant de prison doivent rejoindre leur « lieu de résidence habituel ». Wang Quanzhang vivait et travaillait à Pékin avant son arrestation, il devrait donc avoir le droit d’y retourner.
Une affaire marquée par le non-respect des procédures judiciaires et du droit à un procès équitable
Depuis son arrestation par la police en août 2015 à son entrée officielle en prison, plus de trois années de détention au secret se sont écoulées sans que Quanzhang n’ait accès à un avocat ou de contact avec sa famille. Les sept avocats successifs choisis par sa famille pour le représenter ont tour à tour été intimidés, harcelés, voire radiés du barreau et arrêtés, à l’image de Yu Wensheng (余文生), détenu au secret depuis janvier 2018. Lors du procès de Wang Quanzhang le 26 décembre 2018, journalistes, diplomates et soutiens de l’avocat ont été tenus à distance du tribunal par la police, au motif que le procès impliquait des « secrets d’Etat ». Son épouse quant à elle a été retenue à son domicile par une vingtaine de policiers. Wang Quanzhang n’a bénéficié d’aucune représentation légale. A ce jour, le compte-rendu du jugement n’a toujours pas été rendu public.
La torture, coutumière dans les commissariats et geôles chinoises
Les défenseurs des droits humains qui osent rapporter leurs conditions de détention une fois libérés font état de terribles actes de torture. Les témoignages évoquent entre autres des interrogatoires à rallonge, l’application de chocs électriques sur diverses parties du corps, l’ingurgitation forcée de substances médicamenteuses, les privations de sommeil, les ratonnades et les violences verbales et psychologiques. Parmi les avocats arrêtés lors de la répression 709, Xie Yang, Wang Yu ou encore Li Heping ont indiqué avoir subi des tortures semblables.
La poursuite du calvaire pour toute une famille
Depuis l’arrestation de Wang Quanzhang en 2015, sa famille a subi toutes sortes de pressions : éviction de leur appartement, assignation à résidence, surveillance constante de leur domicile par des agents de police, entraves à l’inscription de leur jeune fils à l’école… Son épouse Li Wenzu a également été à plusieurs reprises empêchée de délivrer des lettres à la Cour suprême réclamant le respect des procédures judiciaires entérinées par la loi chinoise. Si la remise en liberté de Wang Quanzhang est une excellente nouvelle pour sa famille, cette dernière n’en demeure pas moins privée d’un mari et d’un père tant que ce dernier ne sera pas libre de ses mouvements et autorisé à rentrer à Pékin.