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L’avocat et défenseur des droits humains Mohamed El-Baker arrêté

Dimanche dernier, Mohamed El-Baker, un avocat et défenseur des droits humains égyptien, a été arrêté alors qu’il assistait son client Alaa Abdel Fattah, un activiste politique reconnu et arrêté plus tôt dans la matinée.
Mohamed_el-Baker
Mohamed El-Baker (Facebook)
Le 03 / 10 / 2019

Alors que l’Egypte connait une vague d’arrestation sans précédent sous al-Sissi, Mohamed El-Baker a été arrêté dimanche 29 septembre alors qu’il exerçait sa fonction d’avocat en assistant Alaa Abdel Fattah lors d’une audition dans les locaux du procureur de la sûreté de l’Etat. Alaa Abdel Fattah, un activiste renommé et l’une des icônes de la révolution de 2011, a lui-même été arrêté plus tôt dans la matinée depuis sa cellule dans le commissariat de police de Dokki au Caire, où il doit passer ses nuits depuis qu’il a été placé sous contrôle judiciaire le 29 mars, après 5 ans d’emprisonnement déjà.

Comme ce dernier, Mohamed El-Baker a été placé en détention provisoire pour 15 jours renouvelables et poursuivi pour participation à un groupe terroriste, financement d’un groupe terroriste, et diffusion de fausses informations qui menacent la sécurité nationale. Ils sont tous les deux détenus dans la tristement célèbre prison Tora au Caire, dans le secteur 2 de haute sécurité et sans droit de visite. Une semaine plus tôt, Mohamed el-Baker avait déjà fait l’objet d’une tentative d’arrestation alors qu’il se trouvait dans les locaux du procureur de la sûreté de l’Etat et qu’il y assistait un autre de ses clients poursuivi dans le même type d’affaire.

Mohamed El-Baker est le fondateur et directeur du Centre Adalah pour les droits et libertés, fondé en 2014, une organisation de défense des droits humains qui agit également comme cabinet d’avocats pour la défense de ses clients, victimes du régime répressif égyptien. En 2014 déjà, Mohamed avait été arrêté pendant plusieurs mois pour avoir « manifesté sans autorisation ».

 

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         CONTEXTE

Alors que l’Egypte connait une mobilisation inédite bien que limitée depuis l’arrivée d’al-Sissi au pouvoir, le régime a réagi par une campagne d’arrestation massive sans précédent dont Mohamed El-Baker et Alaa Abdel Fattah sont les dernières victimes. Selon différentes sources, on dénombre entre 1900 et 2600 personnes arrêtés depuis les manifestations du 20 et 21 septembre 2019. Parmi elles, on compte de nombreuses figures de l’opposition, des militants politiques ainsi que des avocats et des défenseurs des droits humains comme Mahienour Al-Masri, Khaled Dawoud, ou Asmaa Dabees. Ces manifestations font suite à plusieurs vidéos d’un certain Mohamed Ali, un homme d’affaire égyptien exilé en Espagne et qui accuse le Président al-Sissi et ses proches ainsi que l’armée de corruption et de gabegie. Ces révélations, bien que difficiles à vérifier, interviennent dans un contexte économique difficile pour des millions d’égyptiens qui subissent de plein fouet les mesures d’austérité imposées depuis 2016 alors que l’armée s’impose plus que jamais comme l’acteur économique dominant.

Depuis la reprise du pouvoir par le régime militaire en 2013, l’Egypte connaît une dégradation extrêmement préoccupante en matière de droits humains. Pourtant, avec la Révolution du 25 janvier 2011, un espoir était né pour les Egyptiens rêvant d’un pays plus respectueux de la dignité humaine et de l’état de droit. Cependant, l’establishment militaire a toujours réussi à garder la main sur les affaires, empêchant ainsi tout pouvoir indépendant et démocratique de s’établir tout en utilisant habilement les failles et les erreurs des nouveaux dirigeants. La situation a définitivement basculé le 14 août 2013 lorsque les forces de sécurité, sous le commandement du Général Abdelfattah al-Sissi, massacrent les partisans du président Mohamed Morsi rassemblés sur les places de Rabaa et Ennahda au Caire, faisant entre 800 et 1000 morts selon différentes organisations de droits humains.

Très vite, al-Sissi s’impose comme l’homme fort de l’Egypte et réussit à se faire élire en 2014, puis à nouveau en 2018, remportant à chaque fois 97% des voix. De nouveaux amendements constitutionnels adoptés en avril dernier permettent à al-Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2030 tout en faisant de l’armée « la garante de la démocratie, de la Constitution et du caractère civil de l’État ». Cette modification entérine ainsi la possibilité pour l’armée d’intervenir à tout moment dans la vie politique, en s’opposant par exemple à des résultats électoraux qu’elle considérerait comme menaçant la démocratie, constitutionnalisant ainsi le coup d’état militaire.

Entre-temps, le régime s’est attaqué à toute opposition en commençant par les Frères musulmans, désignés comme groupe terroriste et dont est issu Mohamed Morsi – le premier président égyptien élu démocratiquement et récemment décédé en détention. Les autres mouvements politiques démocratiques, de gauche ou laïcs subissent également la répression. Les militaires s’en prennent aussi aux médias indépendants ainsi qu’aux activistes et défenseur·e·s des droits humains. Les autorités les accusent habituellement d’assistance à une organisation terroriste, d’appartenance à un groupe terroriste et de diffusion de fausses informations menaçant la sécurité de l’Etat.

En invoquant des liens supposés avec les Frères musulmans, le pouvoir poursuit ainsi des personnalités de la société civile, des défenseurs des droits humains et de membres de mouvements politiques laïcs ou de gauche devant des tribunaux spéciaux dit de la Sûreté de l’Etat, qui traitent des affaires terroristes. Parallèlement, la menace terroriste ne diminue pas et le régime y répond par toujours plus de répression : arrestations arbitraires, recours à la torture, procès inéquitables, condamnations à morts et exécutions, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires deviennent courants voire systématiques, entraînant encore plus de radicalisation.

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